Outre qu'il se souvient que dans son collège sévissait un garçon dont le patronyme n'était autre que ce substantif (il était grand, les filles le voulaient toutes, JB n'était pas loin derrière, et les garçons, dans le vestiaire du gymnase, JB s'en souvient parfaitement, se pâmaient devant son engin a priori gigantesque (JB ne l'a jamais vu) qu'ils avaient, dixit, vu en action à la pistoche — et JB ne raconte pas ces détails anatomiques pour rien, ainsi que ses petits amis vont le lire). Donc. Outre que JB se souvient d'un garçon nommé Fredon, il ignore tout autant que le mot figure dans le dictionnaire.
A.− Vx. Ornement mélodique improvisé par le chanteur pour agrémenter le chant. Faire un fredon, faire des fredons (Ac.). (Quasi-)synon. roulade.
− P. anal. Chanson, refrain de chanson. Autrefois, je tirais de mes flûtes légères Des fredons variés qui plaisaient aux bergères (Moréas, Énone, 1894, p. 145).
B.− Air chanté à mi-voix, sans articuler les paroles :
− P. ext. Son, bruit indistinct. Des fredons de guitare arrivaient, portés par la brise (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p. 95
JB, subodorant que le mot était courant en moyen français, va jeter un œil dans le dictionnaire afférent mais, à sa grande surprise, ne découvre pas la définition qu'il attendait:
FREDON, subst. masc. | FEW III fritinnire | |
[FEW III, 813a : fritinnire ; TLF VIII, 1234a-b : fredon] | ||
"Celui qui fredonne (en partic. aux oreilles d'une femme)" : Prince du Puy, pour avoir la godine Je me cuidoye assez mignot fredon. Mes, se m'aist Dieu et sainte Katherine, Je la trouvay doulce comme un chardon. (Parn. sat. S., a.1500, 186). |
Et la citation supra, extraite du Parnasse satyrique du XVIe siècle que republiera d'ailleurs Marcel Schwob en 1905, contient cette subordonnée infinitive que JB a soulignée et bleuie, laquelle contient elle-même ce mot dont JB ne connaît pas la définition (et pour cause, le terme est tombé en obsolescence) mais qui résonne dans ses oreilles avec des accents pour leur part connus, et bel et bien. On est donc toujours, se dit JB, dans le sémantisme de la mélodie, de l'ouïe et de la séduction voire de la sexualité, ou d'une sexualité à venir.
Le dictionnaire de moyen français lui fournit l'explication de ladite godine:
GODINE, subst. fém. et adj. | FEW IV gaudere | |
[GD : godine ; FEW IV, 78b : gaudere] | ||
I. - Subst. Ma godine. "Ma mignonne" | ||
II. - Adj. |
En conséquence de quoi, "pour avoir la godine" signifie “pour conquérir la femme”. Bon. Une énigme de résolue.
Mais on parle aussi de godinet et de godinette:
GODINET, adj. | ||||||||||
[GD : godinet (godinette) ; FEW IV, 79a : gaudere] | ||||||||||
"Gentil, mignon"
|
Et voilà, le soleil n'est pas encore levé et JB s'énerve car il n'y a rien de nouveau sous le soleil de la langue et des dictionnaires.
JB s'énerve car il a sous les yeux un énième exemple de machisme langagier. Les petits amis de JB peuvent tout comme lui s'agacer de la valeur positive du masculin godinet et la valeur négative et péjorative du féminin godinette. Encore une fois: l'homme est noble et la femme est une pute. On a d'une part un “homme bon”, c'est-à-dire plein de bonté, et d'une part une “femme bonne”, c'est-à-dire qui fait… jouir. Booon…
JB préfère jeter un voile pudique sur ce sexisme et retourne à ces mots du moyen français qui n'existe plus. Puisque godine existe également au masculin:
GODIN, adj. | ||
A. - [En parlant d'une pers.] "Réjoui" | ||
B. - [En parlant d'une chose] "Plaisant, seyant" : LE CONTE. J'ay ma sallade bien godine, La hache et au costé l'espee ; A vostre advis, suis je poinct digne De rapporter quelque lippee ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 183). |
Et JB fait deux constations.
Primo: la fameuse sallade (également soulignée et bleuie) n'a rien à avoir avec le légume que l'on mange au quotidien à la vinaigrette, mais est une pièce d'armure, que le dictionnaire recense avec un seul L et est un "casque très bombé à visière courte et à grand couvre-nuque (souvent décoré d'aigrette, de cimier…)".
Secundo: d'une part godine qui signifie “mignonne” et godin qui signifie “réjoui”; d'autre godin qui laisse entendre “gode” et réjoui qui laisse entendre “joui”. JB se pose donc la question suivante: se pourrait-il, étymologiquement, que le godemiché et le godin et la jouissance se cachent tous derrière le latin gaudere que le FEW (le Dictionnaire étymologique de la langue française des Suisses Bloch et von Wartburg) donnent pour origine?
Jouir vient en tout cas du latin gaudere, nous explique le Robert historique de la langue française, mais n'a pas de sens sexuel, ce que confirment tant le Gaffiot que le Debaigue.
JOUIR, d'abord goïr (début du XIIe siècle), joïr (1140) puis jouir (XIIIe siècle), est issu du latin tardif °gaudire, altération de la forme classique gaudere “se réjouir intérieurement” et, poétiquement, “se plaire, se complaire dans” (en parlant de choses). Le verbe est dérivé de gaudia -> joie. ◊ Jouir s'est employé pendant longtemps au sens transitif d'“accueillir chaleureusement, faire fête à” (encore au XVIe siècle). (…) ◊ L'emploi courant du mot met l'accent sur l'idée de “plaisir” avec la valeur de “tirer agrément, profit de qqch" (1165), particulièrement: “éprouver un plaisir de nature sexuelle” — aujourd'hui intransitif — sens attesté dès le XIIe siècle. Ce dernier sens s'est répandu dans l'usage moderne au point de rendre difficile l'emploi du verbe dans tout autre contexte, si ce n'est dans quelques syntagmes et expressions particulières, alors que la valeur correspondante de joie a disparu. De la même façon, jouir de qqun s'est limité au sens de “disposer charnellement de qqun pour son plaisir” (XIIIe siècle). ◊ Ces valeurs se sont répandues au détriment du sens ancien, plus général, de “tirer avantage, agrément de la fréquentation de” (XIVe siècle), encore usuel en langue classique et régionalement, notamment en français du Canada, pour des emplois rendus impossibles en France par la valeur érotique.
Le sémantisme qui rapproche la joie de la jouissance existe toujours en moyen français dans le verbe gaudir, ainsi que nous le confirme le Van Daele:
Mais il n'échappe pas au regard acéré des petits amis de JB la double orthographe du substantif: gaudine dans le Van Daele, godine dans le DMF. Et les petits amis de JB ont raison de s'étonner, même si JB leur expliquera qu'il s'agit d'une simplification orthographique. Ainsi, l'autre dictionnaire de moyen français, le Godefroy (ha! Godefroy!) renvoie les termes invariablement l'un à l'autre, même s'il dit que le mot est "douteux":
Dans son Dictionnaire érotique (1978), Pierre Guiraud recense le terme de godinette parmi les 500 mots (! — et encore, insiste-t-il, "ils ne constituent qu'une partie de ce lexique") qui désignent la prostituée. De plus, il fait figurer dans son dictionnaire tant godiller que gaudiller qu'il définit ainsi (et on retrouve notre verbe gaudir):
1° “coïter”; 2° “jouir”
Dérivé de gaudir, forme dialectale de jouir d'après le latin gaudere.
Une orthographe aléatoire confirmée de nouveau par le lexicographe de l'argot Alfred Delvau dans son Dictionnaire érotique moderne (1864):
Et JB adooore cette définition des Parisiens comme des "gens amphibies"!!! Autrement dit: bique et bouc, à voile et à vapeur, bifil (= bisexuel) comme on dit en norvégien.
On résume:
Le godin et la godine sont des personnes plaisantes et joyeuses; mais la gaudine ou la godinette sont des prostituées ou des filles légères, autrement dit, pour rester tant dans l'étymologie que dans le sémantisme, des filles de… joie. La joie et la jouissance se retrouvent par conséquent non seulement dans cette godine(tte), mais aussi dans le verbe godiller/gaudiller qui signifie “avoir un rapport sexuel”, faire… jouir.
Pour JB, tout cela est… jouissif. Et ce d'autant plus qu'une locution en ancien français cristallise cette proximité sémantique. De fait, on disait autrefois baiser en godinette. C'est-à-dire dans la joie. Le Godefroy nous le confirme:
L'acte sexuel est donc synonyme tant de plaisir, de joie que d'amour. Voilà qui donne espoir et optimisme jusqu'à la fin des temps, trouve JB!
Or ni Delvau ni Guiraud ne reprennent la locution. Idem dans le Grand Robert qui ne retient à l'entrée du mot que le sens de "jeune fille, jeune femme coquette". De fait, aucun des dictionnaires d'autrefois (à commencer par le plus ancien, celui de Nicot en 1606) ne la recensent non plus, elle a donc dû disparaître de la langue assez tôt. Vraiment?
Le Littré nous explique:
Question néanmoins:
Quel sens faut-il entendre derrière le verbe baiser? “Coïter” ou “embrasser”? Si le terme est ancien (il apparaît en 960 en français), il est employé, précise le Robert historique de la langue française, "aussi bien à propos du baiser amoureux que du baiser de politesse ou de respect". Puis:
◊ Son emploi dans un contexte amoureux (XIIe siècle), en construction transitive et absolue (1461), a conduit à un emploi érotique par euphémisme pour “posséder charnellement”. Cet emploi est attesté aux XVIe et XVIIe siècles, notamment chez les burlesques, mais il est alors ambigu, le sens "décent" étant alors encore très usuel. Néanmoins, le "baiserai-je, mon père?" dans Molière faisait déjà rire. L'emploi érotique a conduit au remplacement de baiser par embrasser.
Ainsi donc, et comme c'est le cas pour le verbe jouir, baiser devient impossible à employer du fait de sa connotation érotique et sexuelle. Comme tant de mots dans la langue française et dans les autres langues d'ailleurs. Ce qui peut éventuellement expliquer pourquoi la locution baiser en godinette tombe elle aussi en désuétude.Et, en guise de résumé des épisodes (sémantiques) précédents, on peut donc poser l'équation lexicographique suivante: on embrasse, on baise, on godille… Le tout dans le plaisir, la joie et la jouissance.
Et qu'est-ce qu'on fait quand on n'a pas de phallus à portée de main? On s'empare d'un… godemiché.
Les petits amis de JB qui… jouissent d'une mémoire d'éléphant se souviendront toutefois que JB avait affirmé de façon un peu péremptoire il y a quasiment un an sur ce blog tatoué et fumeur, alors qu'il s'interrogeait sur l'étymologie du mot godiche, et découvrait par là même qu'on parlait autrefois pour les hommes de godon — il affirmait donc que la godiche et le godemiché étaient en lien étymologique. La godiche actuelle ne serait donc que la petite fille de sa grand-mère: la godine? Pas si sûr…
Effectivement, on a vite fait de voir dans les mots godin < godine < godinette < godiche < godemiché des mots de la même famille, d'autant qu'ils commencent tous par une racine a priori commune: god-, modification orthographique venant du latin gaudere < jouir. De plus, quasi invariablement, le sémantisme est dans tous ces substantifs celui, on l'a vu, de la joie, du plaisir, de la sexualité. De la godinette au godemiché, il n'y aurait donc qu'un pas.
Godemiché.
Le mot est suffisamment signifiant pour être absent des dictionnaires — même encore aujourd'hui du Littré. De fait, aucun dictionnaire d'autrefois ne le recense alors que, nous renseigne le Robert historique de la langue française, il "a remplacé en 1611 les formes godmicy (1578, Ronsard) et godemichi (1583-1584)". Quant au terme gode, formé par apocope, il apparaît en 1930 seulement.
Or l'étymologie est contestée. L'origine la plus courante est celle que nous propose notamment le TLF:
Étymol. et Hist. 1578 godmicy (Ronsard, Les Amours diverses ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 17, p. 332, 4); 1583-84 godemichi (Brantôme, Dames galantes, éd. H. Bouchot, t. 1, p. 198); 1611 godemiche (Cotgr.). Prob. empr., par l'intermédiaire du cat. godomacil (1409 ds Alc.-Moll, s.v. guadamassil), à l'esp. gaudamecí « cuir de Gadames » (gamache1*), l'impér. lat. gaude mihi « réjouis-moi » (gaude michi en lat. médiév.), proposé comme étymon par FEW t. 4, p. 79b et t. 19, p. 50b, note 3, n'ayant eu qu'une infl. second. par étymol. pop. (v. G. Tilander ds St. neophilol. t. 19, pp. 303-306 et déjà A. Thomas ds Mél. Étymol.1, pp. 85-86)
Or il en est un qui n'est pas de cet avis. Et celui-ci n'est autre que le pote lexicographe de JB: Pierre Guiraud. Le Robert historique de la langue française est suffisamment courtois pour mentionner l'étymologie proposée par Guiraud, qu'il détaille dans son Dictionnaire érotique:
Le mot apparaît d'abord sous la forme godemichi, gaudemichy; c'est en particulier l'orthographe de Brantôme (et non godemichet ainsi que le donne le Glossaire érotique de la langue française [par Louis de Landes, 1861]). C'est pourquoi on y a vu le latin gaude mihi “fais-moi jouir”; d'autant plus vraisemblable que de nombreux instruments sont ainsi nommés à partir d'un mot composé à l'impératif (cf. vade-mecum). Ceci dit, on est tenté de voir dans michi et miché des formes (bien attestées) du nom Michel qui avant d'être un “sot” avait une solide réputation amoureuse, celle de Michaut, le bon fouterre de Villon, celle du saut Michelet qui désigne au XVe siècle le “coït”. Un croisement des deux étymologies n'est pas invraisemblable.
Et donc le gode ou gaude serait un dérivatif de goder: “tromper, plaisanter”, c'était son sens en moyen français. Quoi qu'il en soit, il vient lui aussi du latin gaudere, donc on n'est guère plus avancé. On parlait de godiller plus haut, mais même ce verbe a une étymologie contestée, même si chacun s'entend pour donner comme définition de goder “être en érection” et “jouir” en parlant d'un homme. Le Robert historique de la langue française expliquant:Selon Pierre Guiraud, les deux verbes [goder et godiller] seraient issus de l'ancien français gaudir (XIIIe siècle) “se réjouir” et “jouir”, dont l'évolution phonétique normale n'a pourtant aboutiqu'à jouir. Goder et son synonyme pourraient être issus (Cellard et Rey) de l'ancien français gode (XIIe siècle) “joyeux drille” (variante godel “inverti”, “mignon”), ce qui reporte le problème, ce nom étant d'origine inconnue, peut-être issu de gode, ancien adjectif expriment le gonflement (“qui bande”, après avoir signifié “ventru”).
Et c'est là où le godemiché et la godiche se retrouvent et se rejoignent puisque tous les petits amis de JB se souviennent de l'étymologie de ce dernier substantif:
Explication du Robert historique de la langue française:
GODICHE adj. est d'abord attesté comme nom propre (1743) puis comme adjectif (1752); le mot est probablement issu, par substitution de suffixe, de Godon, forme hypocoristique de Claude, régionalement Glaude, appliqué, d'après Ménage, aussi bien aux petites filles qu'aux garçons. Godiche a pu être rapproché de dérivés dialectaux construits à partir du radical god- “niais”. Selon Pierre Guiraud, ce serait un dérivé de gode au sens d'“enflé, gavé”, d'où “stupide”; —> 2) godet (cf. l'ancien et moyen français godon “goinfre”, “poltron”, “ventru”).
Ce que JB note en tout cas, et qui l'intrigue fortement, c'est que, au-delà de ces différends étymologiques, les sémantismes se rejoignent tout du long, dans tous ces mots, et JB n'a cessé de le rappeler: la joie, le plaisir, l'amour, la sexualité, la jouissance — et maintenant, le gonflement.
Le terme que les dictionnaires s'entendent pour définir comme un "phallus artificiel" (ils ont au moins ça en commun) est écrit tantôt avec un É final, tantôt ET, et Pierre Guiraud s'était déjà élevé en 1978 contre cette transcription. L'usage, validé par gougueule, nous donne aujourd'hui des occurrences quasi identiques: 307 000 pour la première orthographe, 390 000 pour la seconde. Une variante qui n'a pas échappé à Wikipédia qui nous donne une définition moins prude que les dictionnaires officiels:
Un godemichet ou olisbos, parfois orthographié « godemiché » et abrégé en « gode » ou en « miché », est un jouet sexuel destiné à procurer les sensations offertes par un phallus, lors de la masturbation ou lors des rapports sexuels.
Pourquoi les lexicographes français ignorent-ils le terme? On est en droit de se poser la question puisque le Cotgrave, ainsi surnommé du nom de son auteur, Randle Cotgrave, mais qui s'appelle en réalité A French and English dictionary et date de 1623, le connaît parfaitement, et l'orthographie soit dit en passant avec un É:
JB ne cite pas le Cotgrave par hasard puisque, outre que le Littré l'évoquait tout à l'heure, dans la famille god-, je demande le voisin, c'est-à-dire le godon qu'on a déjà vu tout à l'heure car, et JB l'ignorait avant ce post, un godon désigne aussi notre voisin britannique. Si! Non pas parce qu'il est niais ou parce qu'il jouit, mais bien parce qu'il jure.
Pardon?
Le terme était courant en moyen français, ainsi que nous le rappelle le Godefroy:
Et Francisque Michel, auteur des Études de philologie comparée sur l'argot et sur les idiomes analogues (1856), s'en souvient lui aussi:
Donc le Cotgrave connaît le godemiché qu'il traduit par dildoe — et JB est surpris de voir que le terme, qu'il a longtemps pris pour une création récente, est lui aussi dans la langue de Shakespeare un terme ancien. Et, en parlant, même le dramaturge en parle, nous dit le Wikipédia anglais:
The OED [= Old English Dictionary] cites Jonson's 1610 edition of The Alchemist ("Here I find ... The seeling fill'd with poesies of the candle: And Madame, with a Dildo, writ o' the walls.": Act V, scene iii) and Shakespeare's The Winter's Tale (dated 1611) ("He has the prettiest Loue-songs for Maids ... with such delicate burthens of Dildo's and Fadings.": Act IV, scene iv).
Mais ce qui intrigue à présent JB, c'est la similitude sur deux points de sémiologie entre le godemiché français et le dildo anglais:
1) Les deux termes apparaissent quasi à la même période dans leurs langues respectives: 1583-84 pour godemichi et 1590 environ pour dildo. Question, par conséquent: que se passe-t-il dans ces années-là pour que, dans deux langues différentes, une même réalité s'inscrive dans le langage, de surcroît dans deux langues qui ne sont pas de la même famille, de surcroît par l'intermédiaire de deux mots qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre?
2) L'étymologie des deux mots est contestée dans les deux langues.
Le Wikipédia anglais nous explique:
Et voilà: dildo > diletto < delight < plaisir < jouissance. On est toujours dans le sémantisme dont JB ressasse ses petits amis.
Quant à la première occurrence du mot dildo, elle vient donc de la pièce de Johnson vers 1593-94. Se pourrait-il que Johnson ait lu Brantôme qui, dans La vie des dames galantes, utilisait le terme? Foin de spéculations. Car ce qui intéresse JB ici, en citant Brantôme, c'est ce que les dictionnaires taisent.
De fait, dans quel contexte Brantôme évoque-t-il du godemiché?
Bingo.
Pour parler de l'amour entre femmes. Pour parler du lesbianisme et des lesbiennes. JB a retrouvé le passage en question — et c'est lui qui tout du long souligne:
On dit que les belettes sont touchées de cet amour, et se plaisent de femelles à femelles à s'entre-conjoindre et habiter ensemble; si que, par lettres hieroglifiques, les femmes sentre-aymantes de cet amour estoyent jadis représentées par des belettes. J'ay oüy parler d'une Dame qui en nourrissoit toujours, et qui se mesloit de cet amour, et prenoit plaisir de voir ainsi ces petites bestioles s'entre-habiter.
Voyci un autre point: c'est que ces amours feminines se traittent en deux façons, les unes par fricarelles, et par, comme dit ce poete, " geminos committere cunnos ". Cette façon n'apporte point de dommage, ce disent aucuns, comme quand on s'ayde d'instrumens façonnez de... , mais qu'on a voulu appeler des godemichis.
Cette invisibilisation du godemiché comme instrument de plaisir pour la lesbienne est validé par Delvau dans son Dictionnaire érotique moderne:
Et JB s'amuse de cette définition du godemiché par Delvau, qui pue irrésistiblement le vécu:
le rival sérieux de l'homme, dont la vigueur est malheureusement limitée
Ah ah ah! Tout est évidemment dans l'adverbe "malheureusement".
Et si Delvau cite le Satyricon, donc le premier siècle après le foutu JC, le Wikipedia anglais fait remonter l'origine littéraire plus loin et cite le tout aussi fameux Lysistrata d'Aristophane qui, quant à lui, prolonge l'utilisation lesbienne du godemiché. Dans cette pièce où l'héroïne éponyme enjoint les femmes de ne plus faire l'amour avec leur mari pour la guerre puisse enfin s'arrêter, il est directement question des phallus artificiels qu'on appelle en espagnol consolador = consolateur. Voyons dans un premier temps la traduction française communément admise:
Savourons maintenant la traduction anglaise qu'en a proposée George Theodoridis en 2000:
On a l'impression d'entendre une espèce de Valerie Solanas toute vêtue de cuir, en clone Tom of Finland mais lesbien, donc Toma of Finlandia. Une Toma of Finlandia qui écouterait les Lesbians on Ecstasy chanter The Pleasure Principle.
Du coup, on écoute nous aussi et on fait comme en moyen français: on se baise en godinette, c'est-à-dire en français moderne: on s'embrasse tendrement en se souhaitant une bonne journée.