A y est. JB a paqueté ses petits (comme on dit en français canadien), a lustré ses gros godillots de marche, frisé ses favoris (ses "côtelettes", comme on dit cette fois en allemand), rasé son crâne désormais luisant, emporté barres de céréales + fruits secs + boussole + jumelles + chaussettes + pansements + tricots de peau +++. Son petit barda prêt, il peut aller faire le cabri dans la montagne.
Il prend congé de ses petits amis en compagnie de John Holt, avec ce magnifique morceau de 1982: You Will Never Find Another Love Like Mine.
Babaille!
PS: Et cette chanson en spéciale dédicace pour le voisin de JB… Hé hé!
samedi 27 août 2011
mercredi 17 août 2011
Pierrot et le cerveau
Jusqu'à présent, ça ressemblait à ça:
Les petits amis de JB se demandent: c'est quoi, ça?
Ça, c'est un neurone, "observé au microscope électronique à balayage", précise Wikipédia. Or,aujourd'hui, JB apprend que nous sommes en mesure de voir autrement les neurones, grâce à la "microscopie holographique numérique". Au demeurant, ça nous fait une belle jambe. Mais avec son titre tonitruant, "Des hologrammes révèlent l'intérieur du cerveau en 3D" (et JB a presque envie de s'écrier: "Ta-daaah"), l'article paru sur le site de l'École Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a immédiatement séduit JB, lui qui a toujours rêvé, et plus que jamais depuis plusieurs mois, de voir ce qui se passe dans le cerveau. On va d'abord écouter Pierrot, alias Pierre Magistretti, qui bosse à l'EPFL et qui nous explique en anglais de quoi il retourne exactement.
Les images de la fin de la vidéo, JB les avait d'abord découvertes en début de soirée, rentrant d'une balade en biclou, sur le Spiegel. "Spektakulär", s'exclamait le site internénette de l'hebdomadaire allemand, et JB à sa suite. Car on voyait un neurone au travail, et les images étaient si hypnotisantes que JB en a fait des captures d'écran.
À première vue, les deux neurones "au travail" représentés ressemblent, de l'humble avis de JB, à des espèces de flans. Oui, des flans à la vanille:
Voire, des flans à la vanille en train de cuire dans le four. Et, à bien observer les taches rougeâtres sur le neurone de gauche, on se prendrait à imaginer du sucre en train de caraméliser:
À moins que ce ne soient des gâteaux de riz, continuait de conjecturer JB:
Oui, les neurones ressemblaient davantage à des gâteaux de riz nappés de caramel et posés sur un lit de… crème fraîche? Hum…
En même temps, ils faisaient penser à deux petits volcans singuliers en pleine éruption, un peu fâchés, avec les crêtes rouges faisant penser à des amas de lave…
Oui, JB trouvait que la comparaison entre les neurones à l'ouvrage et la violence des volcans était une belle analogie. Des neurones ignivomes. Les cratères du cerveau. Les synapses éruptifs. Du magma cognitif. La réflexion en fusion. La tectonique du psychisme.
Mais JB s'égare, comme d'hab.
Et Pierrot, qui lui tirait la manche de son polo Ben Sherman, lui expliquait les avantages de cette nouvelle technique:
Forcément, JB se demandait à quoi ressemblait ses petits neurones à lui, à la fois quand ils travaillent, quand ils ne travaillent pas, et quand ils sont incapables de travailler. Il aimerait prêter son cerveau à Pierrot pour que Pierrot lui explique ci et ça. JB se disait: "Je pourrais p'têt lui envoyer un mail…?" Genre:
Toutefois, l'analogie entre le cerveau et le volcan, tous deux en fusion, tous deux en pleine excitation, tous deux devenus fous, n'était/n'est pas si fausse puisque le langage l'a fixée. À preuve l'article du TLF sur le verbe fumer, qui dit (et c'est JB qui souligne):
A.− Qqc. fume
Mieux, l'analogie est plus ancienne qu'on ne le croirait. Le Robert historique de la langue française insiste en ce sens:
Part. passé en empl. adj. Fumé. "Furieux": Et! grosse teste sans cervelle! Vous scavés bien que dictes mal, Puant, infame cardinal! C'est afaire a maistre enfumé, Ha, par Dieu, j'en suis fort fumé, Le cueur m'en deult, j'en suis mary. (S. fol, c.1480-1490, 7).
Et si Antoine Oudin, dans ses Curiosités françaises (1641), relevait déjà "fumer de colère" qu'il définissait par "être fort irrité", c'est la 4e édition (1762) du Dictionnaire de l'Académie qui synthétise le mieux la fumée, produit de la colère, et la tête (siège du cerveau):
On dit fig. & fam. que La tête fume à quelqu'un, pour dire qu'Il est en colère.
Mais c'est le Grand Robert qui boucle une certaine boucle sémantique en élargissant l'acception du terme ainsi (et c'est toujours JB qui souligne):
Autrement dit, et pour résumer:
fumer/fumée = chaleur = danger < chaleur = explosion = colère = trouble = folie < fumée = colère = tête = cerveau = psychisme = folie.
Avec l'évolution des sciences et des techniques, avec la fortune sémantique qu'a connue le mot tête et ce qui s'y rapporte vont peu à peu associer le siège de la pensée et des émotions à l'accès de colère puis à la crise de nerfs — après tout, neurone est emprunté au grec neuros qui signifie nerf, on est dans le même sémantisme. Le langage est riche en locutions qui désignent la folie d'un individu en axant l'analogie sur la tête et ses dérivés: ne plus avoir toute sa tête, être tombé sur le crâne, cervelle fêlée, monter au cerveau, se triturer les méninges, avoir une araignée dans le plafond, etc.
Et la fumée dans tout ça?
JB y vient justement.
Le français moderne et populaire fournit une analogie sémantique qui réalise parfaitement cette idée:
fumer la moquette
Plus intéressant encore, la lecture des dictionnaires et/ou des sites d'expression nous révèle son évolution en à peine vingt ans.
Pour un autre Pierrot que JB aime beaucoup, il a nommé Pierre Merle, le sens se rapporte uniquement au lexique de la drogue, ainsi qu'il l'explique dans son Nouveau dictionnaire de la langue verte, qui étudie "le français argotique et familier du XXIe siècle":
On peut aussi concevoir que cette expression a pu naître par allusion au gars dont la réserve personnelle "d'herbe" est vide, qui est en manque, et qui, faute de grives, coupe des poils de sa moquette pour en mettre dans son joint, avant de partir dans un trip inhabituel.
Cela dit, il ne faut pas non plus oublier que le haschich, c'est du chanvre indien.
Or, à quoi était beaucoup utilisé le chanvre autrefois, jusqu'au XIXe siècle? Comme cette plante est une fibre naturelle très résistante, elle servait (et sert toujours, mais moins fréquemment) à fabriquer de la ficelle, du tissu et même des tapis. Et, dans l'intimité de son chez soi, il n'y a pas une bien grande différence entre "fumer le tapis" et fumer la moquette.
Trêve de bêtises.
Car ce même site donne quant à lui une tout autre signification à la locution, qui est celle que lui attribue JB:
Un sens que donne également Le Robert qui a intégré la locution verbale dans son édition de 1993, ainsi que l'explique l'ouvrage collectif Les dictionnaires Le Robert: genèse et évolution:
Mais, contre toute attente, c'est Wikipédia qui explique le mieux l'évolution sémantique:
En fait, le sens premier est celui indiqué par Pierre Merle (et par Charles Bernet et Pierre Rézeau dans On va le dire comme ça, Dictionnaire des expressions quotidiennes (2008), alors que la plupart de leurs exemples ont la seconde signification!!!), puis, par analogie, "comme sous l'influence d'une drogue", la locution finit par signifier “être (un peu) fou”, qui elle-même nous ramène à la définition du Grand Robert sur le verbe fumer, et notamment son substantif fumée, que JB explique maintenant seulement pour qu'on comprenne bien l'évolution (et c'est toujours JB qui, dans les exemples ci-dessous, souligne):
Autrement dit, l'idée et le sens sont anciens et ont été, là encore, renouvelés par l'évolution des pratiques, ici de consommation (autrefois l'alcool, aujourd'hui le haschich). La réalisation de l'image est complétée par le nouveau sens que prend le substantif fumée au XIXe siècle, tour à tour une "chose inconsistante et vaine", un "propos, idée qui manque de netteté", enfin, "ce qui peut monter à la tête, étourdir", explique toujours le Grand Robert. JB ne saurait être exhaustif s'il n'indiquait pas que de là est né (grâce à Sainte-Beuve en 1840) l'évolution de l'adjectif fumeux qui, de "qui répand de la fumée, s'enveloppe de fumée" (vers 1560), finit par signifier "qui manque de clarté ou de netteté".
Quoi qu'il en soit, JB n'a pas fumé la moquette (ce qu'il ne fait jamais de toute manière, du moins dans le premier sens) quand il compare son cerveau à des petits volcans. Il n'y a pas de fumée sans feu, d'accord.
Les petits amis de JB se demandent: c'est quoi, ça?
Ça, c'est un neurone, "observé au microscope électronique à balayage", précise Wikipédia. Or,aujourd'hui, JB apprend que nous sommes en mesure de voir autrement les neurones, grâce à la "microscopie holographique numérique". Au demeurant, ça nous fait une belle jambe. Mais avec son titre tonitruant, "Des hologrammes révèlent l'intérieur du cerveau en 3D" (et JB a presque envie de s'écrier: "Ta-daaah"), l'article paru sur le site de l'École Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a immédiatement séduit JB, lui qui a toujours rêvé, et plus que jamais depuis plusieurs mois, de voir ce qui se passe dans le cerveau. On va d'abord écouter Pierrot, alias Pierre Magistretti, qui bosse à l'EPFL et qui nous explique en anglais de quoi il retourne exactement.
Les images de la fin de la vidéo, JB les avait d'abord découvertes en début de soirée, rentrant d'une balade en biclou, sur le Spiegel. "Spektakulär", s'exclamait le site internénette de l'hebdomadaire allemand, et JB à sa suite. Car on voyait un neurone au travail, et les images étaient si hypnotisantes que JB en a fait des captures d'écran.
À première vue, les deux neurones "au travail" représentés ressemblent, de l'humble avis de JB, à des espèces de flans. Oui, des flans à la vanille:
Voire, des flans à la vanille en train de cuire dans le four. Et, à bien observer les taches rougeâtres sur le neurone de gauche, on se prendrait à imaginer du sucre en train de caraméliser:
À moins que ce ne soient des gâteaux de riz, continuait de conjecturer JB:
Oui, les neurones ressemblaient davantage à des gâteaux de riz nappés de caramel et posés sur un lit de… crème fraîche? Hum…
En même temps, ils faisaient penser à deux petits volcans singuliers en pleine éruption, un peu fâchés, avec les crêtes rouges faisant penser à des amas de lave…
Oui, JB trouvait que la comparaison entre les neurones à l'ouvrage et la violence des volcans était une belle analogie. Des neurones ignivomes. Les cratères du cerveau. Les synapses éruptifs. Du magma cognitif. La réflexion en fusion. La tectonique du psychisme.
Mais JB s'égare, comme d'hab.
Et Pierrot, qui lui tirait la manche de son polo Ben Sherman, lui expliquait les avantages de cette nouvelle technique:
“Grâce à sa précision à sa rapidité, il est possible de dépister d’infimes changements de propriétés des neurones sur lesquelles on teste un médicament”, souligne Pierre Magistretti. “Une opération qui prendrait normalement 12 heures en laboratoire peut être désormais réalisée en 15 à 30 minutes, ce qui diminue considérablement le temps qu’il faut à un chercheur pour savoir si un médicament est efficace ou non.”
Forcément, JB se demandait à quoi ressemblait ses petits neurones à lui, à la fois quand ils travaillent, quand ils ne travaillent pas, et quand ils sont incapables de travailler. Il aimerait prêter son cerveau à Pierrot pour que Pierrot lui explique ci et ça. JB se disait: "Je pourrais p'têt lui envoyer un mail…?" Genre:
"Cher Pierrot, j'espère que tu vas bien. Moi ça va, mais certains jours ça va moins — un peu comme tout le monde, quoi. J'ai lu le compte-rendu de tes travaux et je les trouve phénoménaux. On a un point commun, toi et moi: on s'intéresse au cerveau. Bon, OK, moi je suis un peu égoïste et je m'intéresse surtout au mien. Mais p'têt qu'on peut s'aider tous les deux (on n'est jamais trop aidé, comme dit un copain à moi) et que je pourrais te prêter mon cerveau pour que tu regardes dedans. P'têt que tu trouveras des trucs que t'as pas encore vus ailleurs. Qu'est-ce t'en penses? J'ai hâte de te lire, hein."
Toutefois, l'analogie entre le cerveau et le volcan, tous deux en fusion, tous deux en pleine excitation, tous deux devenus fous, n'était/n'est pas si fausse puisque le langage l'a fixée. À preuve l'article du TLF sur le verbe fumer, qui dit (et c'est JB qui souligne):
A.− Qqc. fume
1. Dégager de la fumée.
B.− Au fig. Qqc./qqn fume
b) [Le suj. désigne le réceptable où a lieu la combustion, ou le conduit destiné à l'évacuation de la fumée] Cheminée, cassolette, bouche d'un canon, (cratère d'un) volcan qui fume. Nuit et jour on voyait fumer légèrement le Vésuve, et la mer réfléchir ses flammes et son ombre (Maurois, Ariel, 1923, p. 257).
1. Être le siège d'une excitation (provoquée par l'ivresse la colère, etc.). Le vin qu'ils avaient bu leur chauffait le sang et faisait fumer leur cerveau (France, Contes Tournebroche, 1908, p. 5).
Mieux, l'analogie est plus ancienne qu'on ne le croirait. Le Robert historique de la langue française insiste en ce sens:
◊ Par figure, le verbe intransitif signifie aussi “s'exciter” (fin XIVe siècle) et par extension (1456-1457) “se mettre en colère”.
Le Dictionnaire du moyen français enfonce le clou en révélant que la tournure figurée s'employait même à la forme pronominale. Et qu'on trouve même un emploi absolu au participe passé, qui signifie dès lors ”furieux”:Part. passé en empl. adj. Fumé. "Furieux": Et! grosse teste sans cervelle! Vous scavés bien que dictes mal, Puant, infame cardinal! C'est afaire a maistre enfumé, Ha, par Dieu, j'en suis fort fumé, Le cueur m'en deult, j'en suis mary. (S. fol, c.1480-1490, 7).
Et si Antoine Oudin, dans ses Curiosités françaises (1641), relevait déjà "fumer de colère" qu'il définissait par "être fort irrité", c'est la 4e édition (1762) du Dictionnaire de l'Académie qui synthétise le mieux la fumée, produit de la colère, et la tête (siège du cerveau):
On dit fig. & fam. que La tête fume à quelqu'un, pour dire qu'Il est en colère.
Mais c'est le Grand Robert qui boucle une certaine boucle sémantique en élargissant l'acception du terme ainsi (et c'est toujours JB qui souligne):
Être le siège d'un trouble (-> Les fumées de l'alcool). Cerveau qui fume (d'ivresse, d'excitation). — Fam. Ça fume: il se déploie une activité débordante ou: l'effort de réflexion, de concentration est intense (comparaison avec une machine, un moteur, etc., fonctionnant à plein régime — -> Ça carbure — ou avec une réaction chimique s'accompagnant d'un fort dégagement de chaleur — -> Potasser).
On le constate, l'analogie est donc récente, qui date de l'époque des machines, donc de l'industrialisation. Ce faisant, le glissement sémantique semble irréversible, qui mène lentement mais sûrement l'emploi figuré vers le "trouble", donc la folie. Ce qui amuse cependant JB, et il fait preuve ici d'une subjectivité linguistique pas du tout scientifique, c'est de constater que son analogie à lui, entre les volcans et les neurones, trouve dans l'exemple ci-dessus une illustration parfaite.Autrement dit, et pour résumer:
fumer/fumée = chaleur = danger < chaleur = explosion = colère = trouble = folie < fumée = colère = tête = cerveau = psychisme = folie.
Avec l'évolution des sciences et des techniques, avec la fortune sémantique qu'a connue le mot tête et ce qui s'y rapporte vont peu à peu associer le siège de la pensée et des émotions à l'accès de colère puis à la crise de nerfs — après tout, neurone est emprunté au grec neuros qui signifie nerf, on est dans le même sémantisme. Le langage est riche en locutions qui désignent la folie d'un individu en axant l'analogie sur la tête et ses dérivés: ne plus avoir toute sa tête, être tombé sur le crâne, cervelle fêlée, monter au cerveau, se triturer les méninges, avoir une araignée dans le plafond, etc.
Et la fumée dans tout ça?
JB y vient justement.
Le français moderne et populaire fournit une analogie sémantique qui réalise parfaitement cette idée:
fumer la moquette
Plus intéressant encore, la lecture des dictionnaires et/ou des sites d'expression nous révèle son évolution en à peine vingt ans.
Pour un autre Pierrot que JB aime beaucoup, il a nommé Pierre Merle, le sens se rapporte uniquement au lexique de la drogue, ainsi qu'il l'explique dans son Nouveau dictionnaire de la langue verte, qui étudie "le français argotique et familier du XXIe siècle":
Fumer la moquette (…) se dit d'un gros consommateur de cannabis qui fumerait tout ce qu'il trouverait s'il était en manque, y compris la moquette de son appartement.
Certes. Mais comme se demandent beaucoup d'internautes: pourquoi la moquette? "Chez moi j'ai du parquet, alors je ne peux pas savoir…", s'excusait un certain Fed-up. Le toujours tordant site expressio.fr expliquait autrement les choses:On peut aussi concevoir que cette expression a pu naître par allusion au gars dont la réserve personnelle "d'herbe" est vide, qui est en manque, et qui, faute de grives, coupe des poils de sa moquette pour en mettre dans son joint, avant de partir dans un trip inhabituel.
Cela dit, il ne faut pas non plus oublier que le haschich, c'est du chanvre indien.
Or, à quoi était beaucoup utilisé le chanvre autrefois, jusqu'au XIXe siècle? Comme cette plante est une fibre naturelle très résistante, elle servait (et sert toujours, mais moins fréquemment) à fabriquer de la ficelle, du tissu et même des tapis. Et, dans l'intimité de son chez soi, il n'y a pas une bien grande différence entre "fumer le tapis" et fumer la moquette.
Trêve de bêtises.
Car ce même site donne quant à lui une tout autre signification à la locution, qui est celle que lui attribue JB:
Un sens que donne également Le Robert qui a intégré la locution verbale dans son édition de 1993, ainsi que l'explique l'ouvrage collectif Les dictionnaires Le Robert: genèse et évolution:
Mais, contre toute attente, c'est Wikipédia qui explique le mieux l'évolution sémantique:
En fait, le sens premier est celui indiqué par Pierre Merle (et par Charles Bernet et Pierre Rézeau dans On va le dire comme ça, Dictionnaire des expressions quotidiennes (2008), alors que la plupart de leurs exemples ont la seconde signification!!!), puis, par analogie, "comme sous l'influence d'une drogue", la locution finit par signifier “être (un peu) fou”, qui elle-même nous ramène à la définition du Grand Robert sur le verbe fumer, et notamment son substantif fumée, que JB explique maintenant seulement pour qu'on comprenne bien l'évolution (et c'est toujours JB qui, dans les exemples ci-dessous, souligne):
◊ 3 (Milieu du XVIe siècle). Vapeurs qui sont supposées monter au cerveau sous l'effet de l'alcool, brouillant ainsi les idées. Être troublé par les fumées du vin. Chasser, dissiper les fumées d'un banquet, de l'ivresse. -> Excitation.
Autrement dit, l'idée et le sens sont anciens et ont été, là encore, renouvelés par l'évolution des pratiques, ici de consommation (autrefois l'alcool, aujourd'hui le haschich). La réalisation de l'image est complétée par le nouveau sens que prend le substantif fumée au XIXe siècle, tour à tour une "chose inconsistante et vaine", un "propos, idée qui manque de netteté", enfin, "ce qui peut monter à la tête, étourdir", explique toujours le Grand Robert. JB ne saurait être exhaustif s'il n'indiquait pas que de là est né (grâce à Sainte-Beuve en 1840) l'évolution de l'adjectif fumeux qui, de "qui répand de la fumée, s'enveloppe de fumée" (vers 1560), finit par signifier "qui manque de clarté ou de netteté".
Quoi qu'il en soit, JB n'a pas fumé la moquette (ce qu'il ne fait jamais de toute manière, du moins dans le premier sens) quand il compare son cerveau à des petits volcans. Il n'y a pas de fumée sans feu, d'accord.
mardi 16 août 2011
Si j'avais un marteau, je serais…
Et JB, hier soir, utilisant pour les besoins de sa traduction la locution être marteau (en l'occurrence: "ça le rend marteau"), s'interrogeait évidemment sur l'origine de la formule. Que le TLF qualifiait de "populaire" et répertoriait ainsi:
♦ Avoir, recevoir un coup de marteau (sur la tête). Avoir l'esprit dérangé, être fou. Non, vraiment M. Rade va beaucoup trop loin. Il a un coup de marteau certainement (Maupass., Contes et nouv., t.1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 332). Coup de marteau. Accès de folie. Elle finit par oser lui parler de son coup de marteau, surprise de l'entendre raisonner comme au bon temps (Zola, Assommoir, 1877, p.698).
P. ell. Être marteau. Coucher ici? C'est-i qu'vous seriez marteaux? (Barbusse, Feu, 1916, p.116). «Quelle drôle de boîte!», se dit le valet de pied, qui demanda à ses camarades si le baron était farce ou marteau (Proust, Prisonn., 1922, p. 227). Personne à l'esprit dérangé. Ce garçon ne te fera pas un très bon mari, parce qu'il tire du côté de sa mère: une famille de marteaux (Pagnol, Marius, 1931, iv, 10, p.245).
Au vu de cette explication, le substantif marteau devient adjectif "par ellipse". La locution consacrée étant d'abord l'action à proprement parler. Autrement dit, c'est parce qu'on se prend un coup de marteau qu'on devient marteau. C'est parce qu'on a "un coup" de folie qu'on finit fou. Vraiment? JB veut dire tout autant: est-ce vraiment le cas au niveau de l'évolution sémantique du terme? est-ce vraiment le cas dans la vraie vie?
De plus, deuxième constatation qui amène une deuxième question: au vu des exemples tirés de la littérature, la métaphore du marteau pour désigner la folie semble récente. Vraiment?
Répondons d'abord à la deuxième question. La consultation de la section étymologique du TLF offre un mystère:
b) 1587 avoir un coup de marteau «être fou» (Ronsard, Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 18, p. 293, vers 11); 1889 être marteau (d'après Esnault)
Ainsi donc, on aurait une occurrence vers la fin du XVIe siècle chez Ronsard, puis plus rien pendant 300 ans, puis, à la faveur d'on ne sait quoi, la métaphore resurgirait. Hum. JB est on ne peut plus sceptique. D'expérience, il sait que cela n'est guère possible (sauf dans le cas d'un mot grossier qui constitue un tabou linguistique) et qu'il s'agit souvent d'une erreur de lecture.
Et il est d'autant plus sceptique que le Cotgrave (1619), le premier vrai dictionnaire (en fait français > anglais) de la langue française, n'indique pas ce sens — en revanche, il donne trois proverbes alliant l'enclume et le marteau, tournures restées dans le langage. Idem des Curiosités françaises d'Antoine Oudin (1640) qui lui aussi recense "entre le marteau et l'enclume" mais ne cite aucun "coup de marteau" synonyme d'"accès de folie". Un bond au XIXe siècle dans les dictionnaires d'argot ne donne là non plus pas le moindre résultat, ni chez Delvau (1866), ni chez Rigaud (1888).
Aha.
Pourtant, le Robert historique de la langue française est formel:
Là encore cette mystérieuse date de 1587 qui renvoie à Ronsard, alors que l'attestation de la métaphore est seulement attestée en 1889. Ce qui est d'autant plus plausible du fait, on vient de le voir, de son absence dans les dictionnaires d'argot. De même, ni Les études philologiques comparées sur l'argot de Francisque Michel (1851), ni L'argot ancien de Lazare Sainéan (1907) ne proposent d'entrées au mot marteau dans un sens et un emploi populaire, alors même que le TLF qualifie ainsi la locution. C'est signe qu'elle est bel et bien postérieure aux études sur l'argot effectuées et parues dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Pour peu qu'elle eût été utilisée autrefois, elle figurerait dans le Dictionnaire de Furetière (1690), le moins orthodoxe de tous quand on le compare à celui de Richelet (1680) ou aux éditions de l'Académie — et l'emploi syntagmatique y figurerait d'autant plus qu'il a été employé par Ronsard, LE plus grand poète français de la Renaissance. Or rien. Alors, quid?
JB va retrouver la citation dans le tome 18 des Œuvres complètes de Ronsard, dans l'édition de Lemaunier, effectivement à la page 293. Il apprend que la mention fait partie des Fragments, les quasi toutes dernières œuvres de Ronsard (mort en 1585) dans une pièce intitulée Jugement de Ronsard sur ses contemporains. On lit:
Bon.
Question: le sens employé par Ronsard renvoie-t-il effectivement au coup de folie?
Réponse: oh que non!
Car que signifie à l'époque avoir un coup de marteau?
Même la première édition (1694) du Dictionnaire de l'Académie nous l'explique (et c'est JB qui souligne):
On dit proverbialement qu'On n'est pas sujet à un coup de marteau, pour dire, qu'On ne s'assujettit point à venir prendre ses repas à une heure fixe.
Pas convaincus? Qu'à cela ne tienne. Le libéral qu'était Furetière donne à la fin du même siècle une signification identique:
Quel verbe emploie Ronsard après le vers dans lequel il intègre "coup de marteau"? Bingo: "prévoir". Il y a là cette idée de temporalité, de devoir prorogé, d'obligation repousée. Ce que Ronsard veut dire, c'est que certaines personnes ont une propension atavique, et donc en l'espèce rebelle, à ne pas vouloir servir "les Sœurs" en temps voulu, au moment où ils devraient le faire. Tout bornés qu'ils sont, ils n'en sont pas toqués ni cinglés pour autant. Ils ont certes "un coup de marteau (…) dans le cerveau", mais il ne sont pas marteaux pour autant.
Exit, donc, le marteau ronsardien pour signifier la folie et retour au marteau argotique.
Dans le Larousse de l'argot & du français populaire, Jean-Paul Colin est plus avisé, qui, en plus de nous expliquer ce qu'il résume à un seul "adjectif" par "fou, dérangé mentalement", nous précise dans la partie étymologique de l'entrée du terme:
Enfin, dans son Dictionnaire des argots de 1965, Gaston Esnault apporte les précieuses indications suivantes:
Et voilà. Merci qui? Merci, Gaston.
Car, pour le coup, l'explication de Gaston corrobore les emplois recensés par le TLF: le coup de marteau donne des citations contemporaines à l'attestation aux environs de 1880; la formule adjectivée se retrouve principalement au XXe siècle.
JB n'en a pas fini pour autant.
Car, hier soir, tandis qu'il cherchait une origine éventuelle en moyen français, il trouvait, en dernière position dans la liste, le sens suivant au substantif marteau:
D. - Par métaphore [Contexte grivois] : ...il attacha au bancq les deux marteaulx qui avoient en son absence forgé sur l'enclume de sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 495).
Ça alors! s'exclamait JB dans son palais socialiste.
Pour aussitôt déchanter car force lui était de constater qu'il ne comprenait strictement rien ni à la citation, ni au sens. Certes il comprenait qu'il y avait là un jeu de mots entre l'expression entre le marteau et l'enclume dont on a vu l'ancienneté puisqu'elle était déjà recensée dans le Cotgrave; certes il comprenait que le substantif devait désigner un organe génital, mais lequel?
Ni une ni deux, JB courait consulter le truculent Glossaire érotique de la langue française de Louis de Landes (1861), s'étonnant au passage que le Dictionnaire érotique d'Alfred Delvau, publié trois ans plus tard en 1864, ignore le terme. Quoi qu'il en fût, De Landes expliquait:
Déjà, c'était un peu plus clair dans l'esprit de JB. Mais pas entièrement. JB ne voyait pas par quelle mystérieuse analogie le marteau venait désigner le sexe féminin. Et c'est évidemment Pierre Guiraud qui, dans son Dictionnaire érotique de 1978, venait cette fois éclairer sa lanterne en reprenant comme exemple la citation de Tabarin datant du XVIIe siècle:
Et voilà une autre énigme lexicographique résolue.
JB était, et est, aux anges.
Il peut prendre congé de ses petits amis en leur faisant écouter If I Had a Hammer de Nicky Thomas, reprise en 1970 du Si j'avais un marteau du légendaire… Clo-Clo, écrite par Pete Seeger et Lee Hays. Car, du coup, à la lumière, de la signification sexuelle du substantif, on est en étant de se demander si, en composant reprenant la chanson, Claude savait vraiment de ce sur quoi il turlutait. Auquel cas il était sans doute un peu… marteau.
♦ Avoir, recevoir un coup de marteau (sur la tête). Avoir l'esprit dérangé, être fou. Non, vraiment M. Rade va beaucoup trop loin. Il a un coup de marteau certainement (Maupass., Contes et nouv., t.1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 332). Coup de marteau. Accès de folie. Elle finit par oser lui parler de son coup de marteau, surprise de l'entendre raisonner comme au bon temps (Zola, Assommoir, 1877, p.698).
P. ell. Être marteau. Coucher ici? C'est-i qu'vous seriez marteaux? (Barbusse, Feu, 1916, p.116). «Quelle drôle de boîte!», se dit le valet de pied, qui demanda à ses camarades si le baron était farce ou marteau (Proust, Prisonn., 1922, p. 227). Personne à l'esprit dérangé. Ce garçon ne te fera pas un très bon mari, parce qu'il tire du côté de sa mère: une famille de marteaux (Pagnol, Marius, 1931, iv, 10, p.245).
Au vu de cette explication, le substantif marteau devient adjectif "par ellipse". La locution consacrée étant d'abord l'action à proprement parler. Autrement dit, c'est parce qu'on se prend un coup de marteau qu'on devient marteau. C'est parce qu'on a "un coup" de folie qu'on finit fou. Vraiment? JB veut dire tout autant: est-ce vraiment le cas au niveau de l'évolution sémantique du terme? est-ce vraiment le cas dans la vraie vie?
De plus, deuxième constatation qui amène une deuxième question: au vu des exemples tirés de la littérature, la métaphore du marteau pour désigner la folie semble récente. Vraiment?
Répondons d'abord à la deuxième question. La consultation de la section étymologique du TLF offre un mystère:
b) 1587 avoir un coup de marteau «être fou» (Ronsard, Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 18, p. 293, vers 11); 1889 être marteau (d'après Esnault)
Ainsi donc, on aurait une occurrence vers la fin du XVIe siècle chez Ronsard, puis plus rien pendant 300 ans, puis, à la faveur d'on ne sait quoi, la métaphore resurgirait. Hum. JB est on ne peut plus sceptique. D'expérience, il sait que cela n'est guère possible (sauf dans le cas d'un mot grossier qui constitue un tabou linguistique) et qu'il s'agit souvent d'une erreur de lecture.
Et il est d'autant plus sceptique que le Cotgrave (1619), le premier vrai dictionnaire (en fait français > anglais) de la langue française, n'indique pas ce sens — en revanche, il donne trois proverbes alliant l'enclume et le marteau, tournures restées dans le langage. Idem des Curiosités françaises d'Antoine Oudin (1640) qui lui aussi recense "entre le marteau et l'enclume" mais ne cite aucun "coup de marteau" synonyme d'"accès de folie". Un bond au XIXe siècle dans les dictionnaires d'argot ne donne là non plus pas le moindre résultat, ni chez Delvau (1866), ni chez Rigaud (1888).
Aha.
Pourtant, le Robert historique de la langue française est formel:
◊ On dit au figuré être marteau “être fou” (1889), elliptiquement d'après avoir un coup de marteau (1587) par le sémantisme qui donne toqué, frappé, dingue, etc.
Là encore cette mystérieuse date de 1587 qui renvoie à Ronsard, alors que l'attestation de la métaphore est seulement attestée en 1889. Ce qui est d'autant plus plausible du fait, on vient de le voir, de son absence dans les dictionnaires d'argot. De même, ni Les études philologiques comparées sur l'argot de Francisque Michel (1851), ni L'argot ancien de Lazare Sainéan (1907) ne proposent d'entrées au mot marteau dans un sens et un emploi populaire, alors même que le TLF qualifie ainsi la locution. C'est signe qu'elle est bel et bien postérieure aux études sur l'argot effectuées et parues dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Pour peu qu'elle eût été utilisée autrefois, elle figurerait dans le Dictionnaire de Furetière (1690), le moins orthodoxe de tous quand on le compare à celui de Richelet (1680) ou aux éditions de l'Académie — et l'emploi syntagmatique y figurerait d'autant plus qu'il a été employé par Ronsard, LE plus grand poète français de la Renaissance. Or rien. Alors, quid?
JB va retrouver la citation dans le tome 18 des Œuvres complètes de Ronsard, dans l'édition de Lemaunier, effectivement à la page 293. Il apprend que la mention fait partie des Fragments, les quasi toutes dernières œuvres de Ronsard (mort en 1585) dans une pièce intitulée Jugement de Ronsard sur ses contemporains. On lit:
Bon.
Question: le sens employé par Ronsard renvoie-t-il effectivement au coup de folie?
Réponse: oh que non!
Car que signifie à l'époque avoir un coup de marteau?
Même la première édition (1694) du Dictionnaire de l'Académie nous l'explique (et c'est JB qui souligne):
On dit proverbialement qu'On n'est pas sujet à un coup de marteau, pour dire, qu'On ne s'assujettit point à venir prendre ses repas à une heure fixe.
Pas convaincus? Qu'à cela ne tienne. Le libéral qu'était Furetière donne à la fin du même siècle une signification identique:
Quel verbe emploie Ronsard après le vers dans lequel il intègre "coup de marteau"? Bingo: "prévoir". Il y a là cette idée de temporalité, de devoir prorogé, d'obligation repousée. Ce que Ronsard veut dire, c'est que certaines personnes ont une propension atavique, et donc en l'espèce rebelle, à ne pas vouloir servir "les Sœurs" en temps voulu, au moment où ils devraient le faire. Tout bornés qu'ils sont, ils n'en sont pas toqués ni cinglés pour autant. Ils ont certes "un coup de marteau (…) dans le cerveau", mais il ne sont pas marteaux pour autant.
Exit, donc, le marteau ronsardien pour signifier la folie et retour au marteau argotique.
Dans le Larousse de l'argot & du français populaire, Jean-Paul Colin est plus avisé, qui, en plus de nous expliquer ce qu'il résume à un seul "adjectif" par "fou, dérangé mentalement", nous précise dans la partie étymologique de l'entrée du terme:
emploi métonymique: rapport de cause à effet entre le coup et le dérangement mental (1882, Chautard).
Le lexicographe renvoie ici à La vie étrange de l'argot, ouvrage publié en 1931 chez Denoël par Émile Chautard et que Céline, JB l'apprend, adorait au point de s'en être abondamment servi, comme l'indique une page consacrée à l'auteur:Ce livre imposant est devenu un véritable classique de la langue verte, il figurait dans la bibliothèque de Céline qui l’utilisa pour la rédaction de Mort à Crédit. " Pour Céline, "le Chautard" est l’ouvrage de référence en matière d’argot. Il s’agit de La Vie étrange de l’argot, publié par Denoël et Steele en 1931, par Émile Chautard, "de la société de l’Histoire de Paris et de l’Ile- de-France", ouvrier typographe. Ce fort volume de 720 pages n’est pas à proprement parler un dictionnaire, mais une étude thématique, organisée selon le principe "du berceau à la tombe" faite de documents et d’anecdotes qui illustrent l’emploi des formes argotiques. " (Note de Jean-Paul Louis, dans Lettres à Marie Canavaggia, Tome III, index analytique, du Lérot, Tusson, 1995.)
Enfin, dans son Dictionnaire des argots de 1965, Gaston Esnault apporte les précieuses indications suivantes:
marteau, n. m. Coup de marteau 1° Bizarrerie, “"fêlure" au cerveau (populaire avant 1840). — D'où en avoir un coup, un petit coup (1956) et être marteau (1889, peu répandu avant 1896), être "toc-toc", être "piqué".
JB répète: "peu répandu avant 1896".Et voilà. Merci qui? Merci, Gaston.
Car, pour le coup, l'explication de Gaston corrobore les emplois recensés par le TLF: le coup de marteau donne des citations contemporaines à l'attestation aux environs de 1880; la formule adjectivée se retrouve principalement au XXe siècle.
JB n'en a pas fini pour autant.
Car, hier soir, tandis qu'il cherchait une origine éventuelle en moyen français, il trouvait, en dernière position dans la liste, le sens suivant au substantif marteau:
D. - Par métaphore [Contexte grivois] : ...il attacha au bancq les deux marteaulx qui avoient en son absence forgé sur l'enclume de sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 495).
Ça alors! s'exclamait JB dans son palais socialiste.
Pour aussitôt déchanter car force lui était de constater qu'il ne comprenait strictement rien ni à la citation, ni au sens. Certes il comprenait qu'il y avait là un jeu de mots entre l'expression entre le marteau et l'enclume dont on a vu l'ancienneté puisqu'elle était déjà recensée dans le Cotgrave; certes il comprenait que le substantif devait désigner un organe génital, mais lequel?
Ni une ni deux, JB courait consulter le truculent Glossaire érotique de la langue française de Louis de Landes (1861), s'étonnant au passage que le Dictionnaire érotique d'Alfred Delvau, publié trois ans plus tard en 1864, ignore le terme. Quoi qu'il en fût, De Landes expliquait:
Déjà, c'était un peu plus clair dans l'esprit de JB. Mais pas entièrement. JB ne voyait pas par quelle mystérieuse analogie le marteau venait désigner le sexe féminin. Et c'est évidemment Pierre Guiraud qui, dans son Dictionnaire érotique de 1978, venait cette fois éclairer sa lanterne en reprenant comme exemple la citation de Tabarin datant du XVIIe siècle:
marteau (remmancher le) d'une femme “coïter”
La métaphore est, à première vue, curieuse car le marteau fait penser au pénis plus qu'au vagin. Mais l'emploi est motivé, ici, par l'expression remmancher son marteau, le marteau n'étant plus conçu comme l'instrument qui coigne, mais celui dans le trou duquel on enfonce un manche.
Et voilà une autre énigme lexicographique résolue.
JB était, et est, aux anges.
Il peut prendre congé de ses petits amis en leur faisant écouter If I Had a Hammer de Nicky Thomas, reprise en 1970 du Si j'avais un marteau
vendredi 12 août 2011
"Tomorrow may be too late…"
Et JB, qui consciencieusement travaille pendant que la quasi pleine lune lui envoie des clins d'œil, écoute sa nouvelle compil dans le gras de laquelle il doit encore tailler pour qu'elle ne dépasse pas quatre-vingts minutes et puisse ainsi tenir sur un CD. Cornell Campbell vient de chanter Girl of My Dreams et c'est au tour de Jimmy London (avant John Holt et son excellent Up Park Camp) de pousser la chansonnette. Et qu'est-ce qu'il chante, le Jimmy London que JB adore décidément? Exactement: la rengaine d'Elvis, le tube éculé à force d'avoir été trop entendu, le pruneau comme on dit en norvégien: Now Or Never. Et JB adore mille fois plus la copie que l'original. Il décide du coup d'en faire profiter ses petits amis:
Pas mal, non?
Et ce que JB adore sur cette vidéo, et qui avait tout de suite attiré son regard aussi myope que perçant, c'est évidemment le look des 45 tours de Randy's, la maison de disques. Il se souvient que ça l'avait tellement interpelé à l'époque qu'il avait gardé des images. Voilà à quoi ressemble une galette de chez Clive Chin, le producteur de Randy's (du nom du magasin de disques de son père, Randy's Record Store), chez qui donc est sorti l'album de Jimmy London duquel est tiré ce morceau.
Oui, JB trouvait que les bandes (que ses yeux daltoniens voient) successivement jaune, rouge, aubergine et marron ressemblaient aux fameuses trois bandes de la marque des cigarettes qu'il fumait quand il habitait encore dans la Rance et qu'il voit cette fois (toujours avec ses yeux daltoniens) aubergine, orange et jaune:
Mais sans doute se trompe-t-il là aussi…
Pas mal, non?
Et ce que JB adore sur cette vidéo, et qui avait tout de suite attiré son regard aussi myope que perçant, c'est évidemment le look des 45 tours de Randy's, la maison de disques. Il se souvient que ça l'avait tellement interpelé à l'époque qu'il avait gardé des images. Voilà à quoi ressemble une galette de chez Clive Chin, le producteur de Randy's (du nom du magasin de disques de son père, Randy's Record Store), chez qui donc est sorti l'album de Jimmy London duquel est tiré ce morceau.
Oui, JB trouvait que les bandes (que ses yeux daltoniens voient) successivement jaune, rouge, aubergine et marron ressemblaient aux fameuses trois bandes de la marque des cigarettes qu'il fumait quand il habitait encore dans la Rance et qu'il voit cette fois (toujours avec ses yeux daltoniens) aubergine, orange et jaune:
Mais sans doute se trompe-t-il là aussi…
jeudi 11 août 2011
La politique du gaufrier et la tactique du salami
Et JB, qui est justement en train de manger, lit dans son journal le commentaire en “une” du sociologue Oliver Nachtwey, qui dit, à propos des émeutes en Angleterre et de la politique de Cameron (bœuœuœurk) — et c'est JB qui souligne:
Le linguiste quisommeille est en constant état de veille en JB (doublé du gourmand qu'il est aussi) s'exclame, la bouche pleine, dans son palais socialiste: "La tactique du salami? Késako?"
Il ne tarde pas à trouver, grâce à Wikipédia:
JB apprend par la même occasion que la locution idiomatique hongroise (szalámitaktika, en hongrois dans le texte), outre qu'elle est désormais employée dans de nombreuses langues, désigne de nouveaux phénomènes. Les Suédois donnent pour exemple le projet impopulaire puis retoqué de construction d'une autoroute, si bien qu'on en construit qu'une moitié, très vite saturée, pour enfin terminer le tronçon manquant: ni vu ni connu, on obtient l'autoroute entière malgré les protestations. Autre exemple venu d'outre-Manche, la politique tarifaire de Ryanair qui consiste, au lieu d'indiquer dès le départ le prix total du billet d'avion, à afficher une somme modique mais qui va en s'amplifiant au fur et à mesure qu'on ajoute le bagage en soute, l'embarquement prioritaire, le paiement par carte bancaire, l'enregistrement en ligne (et, on se souvient, ce n'était qu'une proposition mais tout de même: l'utilisation en vol des toilettes), etc., etc.
En linguistique, ces formules métaphoriques ont un nom, on les appelle des idiotismes. Il en existe de toutes sortes, et dans toutes les langues. JB citera uniquement ceux qui concernent sa langue maternelle, le français: les idiotismes animaliers (= monter sur ses grands chevaux pour “s'énerver”), les idiotismes gastronomiques (= être soupe au lait, également “s'énerver”), les idiotismes toponymiques (= battre à Niort, pour “nier” — une locution très ancienne attestée déjà chez Oudin sous la formule aller à Niort dans son Curiosités françaises de 1641), etc., etc. Wikipédia les recense toutes ici.
JB ajoutera cependant les idiotismes vestimentaires tel le splendide péter dans la soie, pour “vivre dans l'opulence”; ainsi que (forcément) les idiotismes sexuels (avoir une bite à la place du cerveau, pour “ne penser qu'au sexe”) qui sont différents des idiotismes corporels, ainsi de péter plus haut que son cul (histoire de filer la métaphore précédente du pet), pour “avoir des prétentions excessives”, également une locution française très ancienne puisque Oudin, qui la qualifie de "vulgaire", la cite sous la formule "On ne saurait péter plus haut que son cul".
Mais la tactique du salami a cela de particulier, dans le domaine des idiotismes, qu'elle file la métaphore alimentaire pour l'appliquer à l'exercice de la politique. Ce qui fait penser à JB (il est toujours en train de manger, souvenons-nous) à une locution qu'il a découverte il y a quelques mois à propos de la crise politique belge — et il l'avait trouvée tellement… délicieuse qu'il l'avait conservée:
Ce sont moins les communes à facilités qui intéresse JB mais bien sûr, dans ce contexte, la fameuse politique du gaufrier. Même Wikipédia la recense et l'explique ainsi:
La politique du gaufrier est-elle l'inverse de la tactique du salami?
Dans les deux cas, plus on retranche, moins il y a à picorer. C'est le principe de la fameuse peau de chagrin de Balzac.
D'un autre côté, on peut se demander si les Flamands ne pratiquent la tactique du salami également pour s'opposer à la politique du gaufrier: ils retirent telle prérogative fédérale, puis celle-ci, puis celle-là, afin que, au final, il n'y ait plus rien à trancher sur le salami collectif belge.
Bref.
L'objet n'est pas ici de faire de l'analyse politique de comptoir, mais plutôt de s'intéresser à ce type de métaphore culinaire qui s'appliquent à la politique et, dans les deux exemples cités, pour le cas de la Belgique, se rejoignent.
JB a cherché d'autres exemples mais son cerveau a montré ses limites. Évidemment, ses petits amis seront bien avisés d'éclairer ses lumières.
Auch die eiserne Lady wollte die britische Gesellschaft einst von Grund auf reformieren und bediente sich dabei der Salamitaktik.
-> La Dame de Fer voulait elle aussi réformer la société britannique de fond en comble et, pour ce faire, a eu amplement recours à la tactique du salami.
Le linguiste qui
Il ne tarde pas à trouver, grâce à Wikipédia:
La tactique du salami est une expression inventée par l'homme politique hongrois Mátyás Rákosi, chef du Parti communiste hongrois, pour décrire l'élimination progressive des pouvoirs extérieurs au communisme (Église, autres partis...), « tranche après tranche, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien ». Cette stratégie est assurée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale au moment du processus de prise de pouvoir par les communistes, qui aboutit à la formation de la République populaire de Hongrie.
JB apprend par la même occasion que la locution idiomatique hongroise (szalámitaktika, en hongrois dans le texte), outre qu'elle est désormais employée dans de nombreuses langues, désigne de nouveaux phénomènes. Les Suédois donnent pour exemple le projet impopulaire puis retoqué de construction d'une autoroute, si bien qu'on en construit qu'une moitié, très vite saturée, pour enfin terminer le tronçon manquant: ni vu ni connu, on obtient l'autoroute entière malgré les protestations. Autre exemple venu d'outre-Manche, la politique tarifaire de Ryanair qui consiste, au lieu d'indiquer dès le départ le prix total du billet d'avion, à afficher une somme modique mais qui va en s'amplifiant au fur et à mesure qu'on ajoute le bagage en soute, l'embarquement prioritaire, le paiement par carte bancaire, l'enregistrement en ligne (et, on se souvient, ce n'était qu'une proposition mais tout de même: l'utilisation en vol des toilettes), etc., etc.
En linguistique, ces formules métaphoriques ont un nom, on les appelle des idiotismes. Il en existe de toutes sortes, et dans toutes les langues. JB citera uniquement ceux qui concernent sa langue maternelle, le français: les idiotismes animaliers (= monter sur ses grands chevaux pour “s'énerver”), les idiotismes gastronomiques (= être soupe au lait, également “s'énerver”), les idiotismes toponymiques (= battre à Niort, pour “nier” — une locution très ancienne attestée déjà chez Oudin sous la formule aller à Niort dans son Curiosités françaises de 1641), etc., etc. Wikipédia les recense toutes ici.
JB ajoutera cependant les idiotismes vestimentaires tel le splendide péter dans la soie, pour “vivre dans l'opulence”; ainsi que (forcément) les idiotismes sexuels (avoir une bite à la place du cerveau, pour “ne penser qu'au sexe”) qui sont différents des idiotismes corporels, ainsi de péter plus haut que son cul (histoire de filer la métaphore précédente du pet), pour “avoir des prétentions excessives”, également une locution française très ancienne puisque Oudin, qui la qualifie de "vulgaire", la cite sous la formule "On ne saurait péter plus haut que son cul".
Mais la tactique du salami a cela de particulier, dans le domaine des idiotismes, qu'elle file la métaphore alimentaire pour l'appliquer à l'exercice de la politique. Ce qui fait penser à JB (il est toujours en train de manger, souvenons-nous) à une locution qu'il a découverte il y a quelques mois à propos de la crise politique belge — et il l'avait trouvée tellement… délicieuse qu'il l'avait conservée:
Ce sont moins les communes à facilités qui intéresse JB mais bien sûr, dans ce contexte, la fameuse politique du gaufrier. Même Wikipédia la recense et l'explique ainsi:
Wafelijzerpolitiek (littéralement politique du fer à gaufre) est le nom donné par les néerlandophones au système belge de compensations instauré dans les années 1988 pour la répartition des fonds entre les deux grandes régions du pays, la Région flamande et la Région wallonne. Un exemple en est le soutien à la firme wallonne Sonaca en compensation aux 3 milliards et demi injectés par le gouvernement dans la banque flamande KBC.
Cette politique du gaufrier, donc un terme néerlandais à la base, repose concrètement sur un "pacte", expliquait dans un article de 2003 le quotidien wallon La libre Belgique, qui a permis grâce à sa distribution égalitaire entre les deux grandes régions d'outre-Quiévrain un maintien des frontières nationales et non plus l'éclatement du royaume, mais a occasionné une dette publique colossale (autre sujet à la mode en ce moment).La politique du gaufrier est-elle l'inverse de la tactique du salami?
Dans les deux cas, plus on retranche, moins il y a à picorer. C'est le principe de la fameuse peau de chagrin de Balzac.
D'un autre côté, on peut se demander si les Flamands ne pratiquent la tactique du salami également pour s'opposer à la politique du gaufrier: ils retirent telle prérogative fédérale, puis celle-ci, puis celle-là, afin que, au final, il n'y ait plus rien à trancher sur le salami collectif belge.
Bref.
L'objet n'est pas ici de faire de l'analyse politique de comptoir, mais plutôt de s'intéresser à ce type de métaphore culinaire qui s'appliquent à la politique et, dans les deux exemples cités, pour le cas de la Belgique, se rejoignent.
JB a cherché d'autres exemples mais son cerveau a montré ses limites. Évidemment, ses petits amis seront bien avisés d'éclairer ses lumières.
samedi 6 août 2011
Louisa Mark(s)
C'était hier soir en rentrant du nighter quand il faisait si lourd même la nuit, c'était ce matin au réveil alors que la chaleur était déjà assommante, c'était la semaine dernière pendant qu'il pleuvait à torrents, ce sera la semaine prochaine quand on sera toujours dans le "trou estival" comme on dit si prosaïquement en allemand (= Sommerloch) pour désigner cette période où il ne se passe rien (JB y reviendra, sur ce mot). Mais c'était surtout le 21 juin dernier, lui indique son mange-disque électronique, lorsque JB la découvrait.
Il faisait alors une escapade dans cette période du reggae qu'on appelle Lovers Rock, un phénomène quasi essentiellement britannique, du moins qui part de l'Angleterre et qui gagnera ensuite la Jamaïque (pensons à John Holt, pensons à Myrna Hague, etc.), qui dure circa de 1978 à 1988 et qui se caractérise par des chansons d'amour dont le romantisme vient rompre avec les morceaux engagés du reggae depuis l'apparition du dub. Musicalement, le style lorgne vers la disco finissante et une soul plutôt RnB, avec des notes d'orgue très "Caraïbes", pas toujours convaincantes. De fait, et comme JB s'en entretenait pas plus tard qu'hier soir au nighter avec M le DJ, il faut beaucoup chercher, beaucoup écouter pour trouver des choses impeecables. Il y a une quantité énorme de morceaux vieillis, sirupeux, inaudibles à tous niveaux.
Quoi qu'il en soit, le style Lovers Rock (certains disent: "the best reggae music to make love to") aura au moins eu le mérite de mettre en avant des femmes, des chanteuses. Ce sont non seulement elles qui ont donné leurs lettres de noblesse à ce genre de reggae, mais ce sont par elles qu'il s'est imposé. Et c'est surtout, en 1975, par l'une d'entre elles, celle-ci que JB découvrait en ce fameux 21 juin 2011 et, depuis, dont il écoute de façon très régulière et quasi obsessionnelle (ce qui, le caractérisant, est somme toute un hénaurme pléonasme) le titre phare sorti en 1978, 6 Sixth Street: Louisa Mark. Née à Londres en 1960, elle est souvent appelée Louisa Marks, avec un S qui rend son patronyme homonyme avec celui du penseur culte de JB, le prénommé Karl. Une hésitation orthographique que réunit son surnom: Louisa "Markswoman" Mark.
Allez, on écoute d'abord, on en parle ensuite:
Alors bien sûr, diront les petits amis de JB: "Tu aimes cette chanson à cause de la flûte traversière." Et ils n'auront sans doute pas tort. Mais ce serait trop simple si c'était uniquement pour ça.
Pour JB, cette perle caractérise véritablement le style Lovers Rock: une tonalité presque poussée à l'extrême, des cuivres et l'orgue très en avant et, surtout, essentiel, la voix féminine: haute, cristalline — comme l'étaient les timbres des femmes en ces années 1970 (pensons à Susan Cadogan, pensons à Sharon Forrester). Et ce moment que JB adore par-dessus tout, c'est quand Louisa Mark module le "why?", qui se poursuit par cette phrase: "Why? Why just down the road from me so I can see? And all the people around me, they can laugh at me. So tell me, tell me baby why?"
Puisque 6 Sixth Street, pour celles et ceux qui ne l'auraient pas compris, est une chanson de trahison avant d'être une chanson d'amour. (Et, en un éclair, JB se demande à tort si la trahison est aussi un élément consubstantiel de l'amour, mais il ne va pas s'étendre sur le sujet, hein.) C'est une chanson d'une tristesse affligeante avant d'être une chanson "sur laquelle on peut faire l'amour". C'est un libido killer tune avant d'être un killer tune — pour employer la rhétorique du mightydoctorbird, ce bloggeur qui connaît ses années 70 reggae sur le bout des doigts (mais qui ignore Louisa Mark — "So tell me, tell me baby why? Why?") et nous fait lui aussi découvrir des perles.
Or, en ce 21 juin 2011 où JB découvrait avec non plus un train mais un convoi de retard l'existence de Louisa Mark, il apprenait du même coup que Louisa Mark… est décédée. Oh naaan…, se lamentait-il dans son palais socialiste. Et non seulement ça, mais il apprenait que Louisa Mark a quitté la musique en claquant la porte, comme Phyllis Dillon et Dame Patsy Todd avant elle, toutes navrées de voir leur carrière et leurs chansons bâclées par des meks qui s'en foutaient d'elles, pourvu qu'elles chantassent (comme on dit en français correct). Oh naaan…, se lamentait derechef un JB scandalisé.
La suite, on la trouve dans 2 nécros. La première rédigée par David Katz dans le Guardian. La seconde par Shola Adenekan sur The New Black Magazine. JB va alterner les deux:
Sa première chanson, enregistrée à 14 ans et intitulée Caught You in a Lie, la propulse immédiatement parmi les grandes stars féminines du reggae d'Angleterre.
On regarde une photo d'elle, publiée par le site de Trojan:
Trojan qui, dans sa nécro, passe évidemment sur les griefs qui l'ont opposé à Louisa Mark et Clement Bushay, son producteur, sur lequel JB reviendra un autre jour.
Allez, on se quitte sur sa reprise de All My Loving, un morceau des Beatles que Prince Buster avait déjà interprété en version rocksteady.
Il faisait alors une escapade dans cette période du reggae qu'on appelle Lovers Rock, un phénomène quasi essentiellement britannique, du moins qui part de l'Angleterre et qui gagnera ensuite la Jamaïque (pensons à John Holt, pensons à Myrna Hague, etc.), qui dure circa de 1978 à 1988 et qui se caractérise par des chansons d'amour dont le romantisme vient rompre avec les morceaux engagés du reggae depuis l'apparition du dub. Musicalement, le style lorgne vers la disco finissante et une soul plutôt RnB, avec des notes d'orgue très "Caraïbes", pas toujours convaincantes. De fait, et comme JB s'en entretenait pas plus tard qu'hier soir au nighter avec M le DJ, il faut beaucoup chercher, beaucoup écouter pour trouver des choses impeecables. Il y a une quantité énorme de morceaux vieillis, sirupeux, inaudibles à tous niveaux.
Quoi qu'il en soit, le style Lovers Rock (certains disent: "the best reggae music to make love to") aura au moins eu le mérite de mettre en avant des femmes, des chanteuses. Ce sont non seulement elles qui ont donné leurs lettres de noblesse à ce genre de reggae, mais ce sont par elles qu'il s'est imposé. Et c'est surtout, en 1975, par l'une d'entre elles, celle-ci que JB découvrait en ce fameux 21 juin 2011 et, depuis, dont il écoute de façon très régulière et quasi obsessionnelle (ce qui, le caractérisant, est somme toute un hénaurme pléonasme) le titre phare sorti en 1978, 6 Sixth Street: Louisa Mark. Née à Londres en 1960, elle est souvent appelée Louisa Marks, avec un S qui rend son patronyme homonyme avec celui du penseur culte de JB, le prénommé Karl. Une hésitation orthographique que réunit son surnom: Louisa "Markswoman" Mark.
Allez, on écoute d'abord, on en parle ensuite:
Alors bien sûr, diront les petits amis de JB: "Tu aimes cette chanson à cause de la flûte traversière." Et ils n'auront sans doute pas tort. Mais ce serait trop simple si c'était uniquement pour ça.
Pour JB, cette perle caractérise véritablement le style Lovers Rock: une tonalité presque poussée à l'extrême, des cuivres et l'orgue très en avant et, surtout, essentiel, la voix féminine: haute, cristalline — comme l'étaient les timbres des femmes en ces années 1970 (pensons à Susan Cadogan, pensons à Sharon Forrester). Et ce moment que JB adore par-dessus tout, c'est quand Louisa Mark module le "why?", qui se poursuit par cette phrase: "Why? Why just down the road from me so I can see? And all the people around me, they can laugh at me. So tell me, tell me baby why?"
Puisque 6 Sixth Street, pour celles et ceux qui ne l'auraient pas compris, est une chanson de trahison avant d'être une chanson d'amour. (Et, en un éclair, JB se demande à tort si la trahison est aussi un élément consubstantiel de l'amour, mais il ne va pas s'étendre sur le sujet, hein.) C'est une chanson d'une tristesse affligeante avant d'être une chanson "sur laquelle on peut faire l'amour". C'est un libido killer tune avant d'être un killer tune — pour employer la rhétorique du mightydoctorbird, ce bloggeur qui connaît ses années 70 reggae sur le bout des doigts (mais qui ignore Louisa Mark — "So tell me, tell me baby why? Why?") et nous fait lui aussi découvrir des perles.
Or, en ce 21 juin 2011 où JB découvrait avec non plus un train mais un convoi de retard l'existence de Louisa Mark, il apprenait du même coup que Louisa Mark… est décédée. Oh naaan…, se lamentait-il dans son palais socialiste. Et non seulement ça, mais il apprenait que Louisa Mark a quitté la musique en claquant la porte, comme Phyllis Dillon et Dame Patsy Todd avant elle, toutes navrées de voir leur carrière et leurs chansons bâclées par des meks qui s'en foutaient d'elles, pourvu qu'elles chantassent (comme on dit en français correct). Oh naaan…, se lamentait derechef un JB scandalisé.
La suite, on la trouve dans 2 nécros. La première rédigée par David Katz dans le Guardian. La seconde par Shola Adenekan sur The New Black Magazine. JB va alterner les deux:
On regarde une photo d'elle, publiée par le site de Trojan:
Trojan qui, dans sa nécro, passe évidemment sur les griefs qui l'ont opposé à Louisa Mark et Clement Bushay, son producteur, sur lequel JB reviendra un autre jour.
Allez, on se quitte sur sa reprise de All My Loving, un morceau des Beatles que Prince Buster avait déjà interprété en version rocksteady.
vendredi 5 août 2011
"where I can get my liberty"
Et JB (qui a commencé à ranger son bureau en prenant d'abord soin de son bien précieux: ses dictionnaires — il les a installés sur une étagère qui ne servait à rien), fixant ses orechiette en train de cuire, a soudain entendu un bruit. Franchissant le seuil de son balcon, ses yeux comme ses oreilles ont été attirés par deux bruits et deux spectacles époustouflants.
Les bruits: des criaillements d'oiseaux par dizaines et des bruissements dans les arbres.
Les spectacles: le ciel encore bleu clair dans l'obscurité et des dizaines et des dizaines de corneilles qui foncent dans les airs.
Qui viennent se réfugier dans la cour du palais socialiste de JB.
Forcément.
Elle savent en effet que le palais socialiste est un endroit paisible, où on ne veut de mal à personne (sauf aux faschos).
Quand, quelques minutes plus tard, JB passe au salon, il comprend l'effroi des corneilles. Côté Spree a lieu un feu d'artifice. Elles ont pris peur.
Et cela rappelle à JB qu'il a découvert cette semaine un morceau qu'il ne connaissait alors qu'il s'agit d'un classique. Instrumental. De 1970. De Jo Jo Bennett. Avec des notes de… violon et des… piaillements d'oiseaux. On écoute, c'est à tomber à la renverse.
Dans le même élan, JB apprenait qu'il existe également une version acoustique. Également avec le violon et les oiseaux. Interprétée la même année par Lloyd Jones. Quand JB l'a entendue, il est tombé dans les pommes. Tout était beau: la mélodie, les paroles, la voix, le phrasé et le timbre de cette voix. Là encore, on écoute.
Depuis JB l'écoute en boucle. Et c'est également en boucle qu'il va l'entendre, juché sur son vélo, rejoignant le nighter du Tommyhaus, tout en chantant: "Take me back to the land where I can get my liberty."
Les bruits: des criaillements d'oiseaux par dizaines et des bruissements dans les arbres.
Les spectacles: le ciel encore bleu clair dans l'obscurité et des dizaines et des dizaines de corneilles qui foncent dans les airs.
Qui viennent se réfugier dans la cour du palais socialiste de JB.
Forcément.
Elle savent en effet que le palais socialiste est un endroit paisible, où on ne veut de mal à personne (sauf aux faschos).
Quand, quelques minutes plus tard, JB passe au salon, il comprend l'effroi des corneilles. Côté Spree a lieu un feu d'artifice. Elles ont pris peur.
Et cela rappelle à JB qu'il a découvert cette semaine un morceau qu'il ne connaissait alors qu'il s'agit d'un classique. Instrumental. De 1970. De Jo Jo Bennett. Avec des notes de… violon et des… piaillements d'oiseaux. On écoute, c'est à tomber à la renverse.
Dans le même élan, JB apprenait qu'il existe également une version acoustique. Également avec le violon et les oiseaux. Interprétée la même année par Lloyd Jones. Quand JB l'a entendue, il est tombé dans les pommes. Tout était beau: la mélodie, les paroles, la voix, le phrasé et le timbre de cette voix. Là encore, on écoute.
Depuis JB l'écoute en boucle. Et c'est également en boucle qu'il va l'entendre, juché sur son vélo, rejoignant le nighter du Tommyhaus, tout en chantant: "Take me back to the land where I can get my liberty."
mercredi 3 août 2011
"as the ceiling flew away"
C'est comme dans un roman français des années 80: brusquement, JB décide de travailler dans le salon et non plus dans le bureau de son appartement socialiste.
Il est là, dans son salon, assis à sa grande table blanche, en train d'écouter la version triste et belle (= pléonasme!!!) par Roland Alphonso du tube de Procol Harum, White Shade of Pale, qu'il a rebaptisée Hop Special…:
La version originale, quant à elle, commençait par ces vers (les petits amis de JB comprendront ainsi mieux la suite des événements):
We skipped the light fandango
turned cartwheels 'cross the floor
I was feeling kinda seasick
but the crowd called out for more
The room was humming harder
as the ceiling flew away
JB écoute donc Roland Alphonso, un chouïa cafardeux, fixant d'un œil rassuré une photo de la statue Karl Marx (Marx merci, comme dit toujours JB en allemand (Marx sei dank), lui qui refuse désormais de direDieu merci (= Gott sei dank)), quand il se dit donc tout à trac qu'il va momentanément déménager son lieu de travail dans le salon.
Du même coup, il repense par exemple à La Salle de bain (sans S à bain comme pourtant le veut l'orthographe française) de Jean-Philippe Toussaint, qui commence ainsi:
Dans le même mouvement, JB se dit que son bureau est trop encombré et que cela participe de sa panne traductionnelle. Et si c'est peut-être une vue de l'esprit, ce n'est pas son cher ami É qui le contredira, bien que ce dernier soit si loin qu'il ne peut sans doute rien en savoir. JB décide également de ranger son bureau dès demain pour éclaircir l'espace et, ce faisant, sa tête compliquée.
Dans le même mouvement, JB descend de son étagère à livres (comme on dit littéralement et si prosaïquement en norvégien = bokhylle) un autre roman de ces années 80, La Moustache, d'Emmanuel Carrère, dans lequel un personnage aussi lymphatique que celui de l'écrivain belge , et passablement désabusé qui plus est, décide de jour au lendemain de se raser la moustache.
Dans les deux cas, ce n'est pas du tout l'ordre escompté qui va régner, mais bien le désordre, le bazar général dans la vie et le bordel ambiant dans la tête. JB, qui ne goûte pas aux adages populaires et espère donc que la formule jamais deux sans trois ne s'appliquera pas.
Et donc, sur les notes de saxophone de Roland Alphonso et non plus de l'orgue Hammond de Matthew Fisher, JB se met au travail dans son salon, non sans penser aux paroles de la chanson et aux images de film de John Lvoff, qui avait porté à l'écran le roman de Jean-Philippe Toussaint, dont il reproduit ici une image pour ses petits amis:
Il est là, dans son salon, assis à sa grande table blanche, en train d'écouter la version triste et belle (= pléonasme!!!) par Roland Alphonso du tube de Procol Harum, White Shade of Pale, qu'il a rebaptisée Hop Special…:
La version originale, quant à elle, commençait par ces vers (les petits amis de JB comprendront ainsi mieux la suite des événements):
We skipped the light fandango
turned cartwheels 'cross the floor
I was feeling kinda seasick
but the crowd called out for more
The room was humming harder
as the ceiling flew away
JB écoute donc Roland Alphonso, un chouïa cafardeux, fixant d'un œil rassuré une photo de la statue Karl Marx (Marx merci, comme dit toujours JB en allemand (Marx sei dank), lui qui refuse désormais de dire
Du même coup, il repense par exemple à La Salle de bain (sans S à bain comme pourtant le veut l'orthographe française) de Jean-Philippe Toussaint, qui commence ainsi:
1) Lorsque j'ai commencé à passer mes après-midi dans la salle de bain, je ne comptais pas m'y installer; non, je coulais des heures agréables méditant dans la baignoire, parfois habillé, tantôt nu.
Dans le même mouvement, JB se dit que son bureau est trop encombré et que cela participe de sa panne traductionnelle. Et si c'est peut-être une vue de l'esprit, ce n'est pas son cher ami É qui le contredira, bien que ce dernier soit si loin qu'il ne peut sans doute rien en savoir. JB décide également de ranger son bureau dès demain pour éclaircir l'espace et, ce faisant, sa tête compliquée.
Dans le même mouvement, JB descend de son étagère à livres (comme on dit littéralement et si prosaïquement en norvégien = bokhylle) un autre roman de ces années 80, La Moustache, d'Emmanuel Carrère, dans lequel un personnage aussi lymphatique que celui de l'écrivain belge , et passablement désabusé qui plus est, décide de jour au lendemain de se raser la moustache.
Dans les deux cas, ce n'est pas du tout l'ordre escompté qui va régner, mais bien le désordre, le bazar général dans la vie et le bordel ambiant dans la tête. JB, qui ne goûte pas aux adages populaires et espère donc que la formule jamais deux sans trois ne s'appliquera pas.
Et donc, sur les notes de saxophone de Roland Alphonso et non plus de l'orgue Hammond de Matthew Fisher, JB se met au travail dans son salon, non sans penser aux paroles de la chanson et aux images de film de John Lvoff, qui avait porté à l'écran le roman de Jean-Philippe Toussaint, dont il reproduit ici une image pour ses petits amis:
Inscription à :
Articles (Atom)