dimanche 31 juillet 2011

Nellie disparue

Et JB, qui a bravé la pluie pour aller rejoindre ses petits amis au restaurant et manger des Spätzle aux champignons des bois, suivis de Marillenknödel; le tout agrémenté de 2 Kristallweizen et d'un alcool blanc également d'abricots (par ce temps, on va pas se laisser abattre, hein) — JB a donc enfourché son biclou sous la pluie battante avec Nellie dans les oreilles qui lui chantait:
You can take her any place she wants
To fancy clubs and restaurants
But I can only watch you with
My nose pressed up against the window pane

JB écoutait cette chanson triste à pleurer en toute conscience, en ne se sentant nullement concerné; uniquement captivé par la voix à la couleur et au timbre étonnants de Nellie et par l'orchestration skinhead reggae de ce disque sorti en 1969 sur Gas Records, sous-division de Pama Records. On écoute:



Puis JB est rentré du restaurant, toujours sur son vélo mais sans ses écouteurs dans la oreilles mais avec Nellie dans la tête qui ne cessait de chanter que tout c'est qu'elle peut faire c'est regarder l'homme qui l'a quitté manger au restaurant avec sa nouvelle copine pendant qu'elle, Nellie, les regarde, le nez collé contre la vitrine. Pff…

Depuis le départ, la question que se pose JB est évidemment:
Who is Nellie?
Nellie n'a enregistré qu'un disque, celui-là. Avec I Who Have Nothing en face A et You Send Me en face B. Et c'est tout. Nellie disparaît des studios d'enregistrement, disparaît des maisons de disques, disparaît des catalogues. Il ne reste que ça, ce disque qu'on peut voir en vidéo, qu'on peut trouver sur les compils, qu'on peut acheter à 60£ l'unité (quand même!). Sinon, aucune photo de Nellie nulle part, aucune information sur elle, aucune biographie. Même pas un nom. Juste un prénom, Nellie — et basta. Comme tant et tant de chanteuses de ska et de reggae, Nellie aura presque eu la permission de chanter pendant 5 à 6 minutes et ensuite le droit d'aller se rhabiller.
Même Markus, l'un des DJ du nighter Everything Crash s'en étonnait, regrettant que les producteurs jamaïcains n'aient pas donné sa chance à "une artiste incroyablement talentueuse":


Et s'il s'agit d'une reprise (puisque, là aussi, les chanteuses étaient pour la plupart réduites à interpréter des reprises), elle n'est pas signée Sam Cooke, mais Ben E. King. Nellie, quand elle choisit de reprendre I Who Have Nothing a sans doute entendu dans sa jeunesse la version de Shirley Bassey. Sortie en 1963, c'est elle qui a donné au morceau sa popularité qui ne s'est jamais démentie, ne serait-ce que dan sle reggae (Derrick Morgan, Nicky Thomas, etc.). Mais, pour venger Nellie, on ne va pas écouter leur version, mais plutôt celle de Shirley Bassey, qui sait à l'époque encore chanter sans hurler ni piailler.

"I have to go"

Et JB ouvre les yeux sur ce dimanche avec He'll Have To Go dans la tête sans qu'il sache exactement quelle version tourne dans son cerveau compliqué. S'il sait assurément qu'il ne s'agit pas de l'original country enregistré par Jim Reeves en 1959, il sait qu'il en possède plusieurs versions dans son mange-disque électronique. Mais c'est d'abord Trojan Records qui lui indique que:

Jim Reeves was, of course, never anything other than a Country artist. Like Patsy Cline, Reeves perished in a plane crash in the early 60s, but releases of unissued material kept him in the charts well into the later half of the decade. It's unlikely that any of the reggae acts that recorded He'll Have To Go ever heard Bobby Boyd's 1959 original, which flopped just weeks before Gentlemen Jim took it to the top. But they will know Jim's version (or possibly that of soul star Solomon Burke) and it will be on his version that Raphael Stewart based Put Your Sweet Lips, a lazy and nonsensical re-titling using the first line of the opening verse.

Et, heureusement pour leurs oreilles, les différents artistes de reggae n'auront pas entendu le phrasé mollasson et le timbre mat de Reeves, avec cette voix qui roule dans la gorge, est incapable de monter dans les aigus et chanterait presque faux par endroits. Quant à la version par Raphael Stewart recommandée par Trojan Records, de 1971, mouais… JB n'est pas convaincu. S'il n'y a rien à redire de l'orchestration des Four Tops, la voix de l'interprète a tendance à agacer à forcer de hurler plutôt que de chanter, de lancer les phrases dans le micro plutôt que de les moduler. Un peu comme s'il participait à un jeu de quilles musical. Mais JB laisse ses petits amis juges:



Non, décidément, ça ne va pas.
Deux ans avant lui, Davis Isaacs s'y essayait. Et c'est autrement réussi. Grâce à Lee Perry qui le produit et dont on reconnaît la patte dès les premières notes? Sans doute. Avec des riffs de guitare frénétiques et une phrase musicale à l'orgue Hammond toujours aussi entêtants (comme… flûtés?), le morceau est rehaussé par la voix plaintive de David Isaacs dont l'entière discographie sortie sous l'égide de Lee Perry, selon JB, est tout simplement brillante — au point que, toujours selon JB, le reste de sa production restera un soupçon falote. On écoute:



Mais la version que JB préfère est celle de Roy Richards, qu'il interprète un an avant (on est à présent en 1968) avec Enid (dont, évidemment, on ne connaît pas le nom — et encore une chanteuse de ska/reggae réduite à son seul prénom, renvoyée à un anonymat qu'aucun homme ne connaît jamais). Comme l'indique le sieur Cassounet depuis la Rance où il réside (et JB est toujours épaté par sa collection), il s'agit d'un morceau dans le style rocksteady, donc plus lent, plus alangui, produit comme on le voit également par Clement Coxsone Dodd. Mais il y a un instrument qui détonne (dans tous les sens du terme) dans cette orchestration. Ce sont bien sûr les percussions très nyabinghi avant l'heure, une quasi anticipation musicale puisqu'il faut attendre 1973 pour que cette musique devienne emblématique de l'ordre rastafari et de ses musiciens (notamment Count Ossie et Ras Michael pour les plus connus; le morceau préféré de JB dans ce genre musical étant Nyah Bingewe, de Nyah Earth, avec la flûte traversière — héhé! et un bonjour à G au passage). Allez, on écoute Roy & Enid:



Sur ce, JB va faire comme dans la chanson et dire : "I have to go", non sans souhaiter à ses petits amis un bon dimanche — sous ses applaudissements.

samedi 30 juillet 2011

Le voile pudique sur le rideau de pluie

Et Berlin est toujours douché sans qu'une seconde depuis jeudi la pluie cesse. JB, qui depuis sa majorité a toujours aimé Philip K. Dick, se dit que c'est un temps de Blade Runner (à propos duquel il avait montré ici il y a deux ans les éditions originales qu'il possède) Il se souvient de cette mythique scène de fin (qu'il avait déjà présentée ici l'an passé) quand, dans le film de Ridley Scott, l'hypnotisant Rutger Hauer, le répliquant rebelle que Harrison Ford est censé éliminer, déclare avant de mourir:


On regarde en captures d'écran ces désormais célèbres "larmes sous la pluie", qui sont en réalité une improvisation de l'acteur néerlandais:



Revoyant cette scène des "larmes sous la pluie" et voyant dehors les gouttes de pluie, JB repensedu coup à ce syntagme qu'il aime temps tant: un rideau de pluie.
Il apprend grâce au Robert historique de la langue française que l'évolution sémantique du substantif rideau pour finalement désigner, par analogie, ce qui dans la nature fait obstacle au regard est relativement récente au regard de la première attestation du terme, en 1347:
Rideau de… se dit aussi de tout ce qui forme écran et masque la vue ou est susceptible de s'opposer à une action: rideau de troupes désigne une ligne de défense mobile (fin XVIe siècle). Par extension, rideau s'applique, au concret (1770) et au figuré (avant 1784) à des objets relativement plats qui forme écran, notamment dans rideau d'arbres (1755), rideau de flammes, de fumée (1964).

De fait, l'acception n'est pas recensée par Richelet dans son dictionnaire de 1690 et l'Académie l'intègre seulement dans sa 6e édition de 1835:

RIDEAU se dit aussi figurément Des arbres ou arbrisseaux plantés en haie ou en palissade, pour produire de l'ombre, ou pour rompre la violence des vents. Les cyprès, les thuyas, les peupliers d'Italie sont très-propres à former des rideaux. On dit de même, Cette allée d'arbres, cette suite de maisons forme rideau, Elle arrête la vue, et cache les objets plus éloignés.

Toutefois, le nettement moins conservateur Dictionnaire universel d'Antoine Furetière (1690) recense la locution:



Plus ancienne est cependant la locution tirer le rideau sur quelque chose, que Furetière nous explique ainsi:



Le rideau, qui depuis l'origine sert à cacher, et donc à dissimuler, est à peu près à cette époque concurrencé par le voile, confer l'expression jeter un voile discret ou (mieux! c'est l'adjectif préféré de JB dans cette locution syntagmatique) pudique. Et si jeter un voile pudique ne se trouve dans aucun dictionnaire généraliste, le Robert des expressions et locutions nous explique que:
Jeter [étendre, tirer] un voile sur: “dissimuler qqchose, passer sous silence” (1730, Voltaire). Cet emploi métaphorique de voile date du XVIIe siècle. La locution correspond au contenu du verbe voiler. À l'opposé, on dit de la même façon lever le voile sur qqchose, “révéler”. Le verbe dévoiler utilise la même métaphore. Dans un contexte particulier, on trouve: Jeter (etc.) un voile pudique, discret, sur…

Étonnamment, le voile pudique ou discret ne se trouve pas non plus dans l'excellent Dictionnaire des combinaisons de mots (aux éditions Le Robert, 2007), une sorte de dictionnaire analogique qui recense ce qu'on appelle en linguistique les collocations: c'est-à-dire les associations traditionnelles de mots, la phraséologie. Ainsi pour la substantif voile (qui, donc, n'y figure pas), les collocations verbe + nom seront, comme on le voit plus haut: jeter, tirer, étendre, etc.; les collocations nom + adjectif seront: pudique, discret, etc.
De même, l'irremplaçable Dictionnaire analogique de la langue française de Prudence Boissière (1862) ne propose pas la locution. Toutefois, si on va consulter l'ancêtre du dictionnaire analogique français, Les épithètes françaises rangées sous leurs substantifs, un, JB cite, "ouvrage utile aux poètes" (!!!) écrit par le Père Louis François Daire et publié en 1759 (le plus ancien étant cependant Les épithètes de Monsieur De La Porte, publié en 1510), on trouve bel et bien des propositions:


Si le voile pudique est absent, le voile discret est toutefois proposé. Et, si on revient pour s'en convaincre au Dictionnaire analogique de Prudence Boissière, on constate que l'adjectif pudique et son contraire impudiques sont associés aux mots: chaste, honte, licence, luxure, nu, pur, vierge.

Cette longue digression par la phraséologie pour mieux montrer que, dans leurs emplois métaphoriques, le voile couvre ce que le rideau n'avait pas prévu de masquer: le corps, la nudité, la sexuation et la sexualité. Et, comme le montre les entrées chez Boissière, la locution voile pudique porte en elle et avec elle un parfum de honte et de scandale. À preuve les plus anciennes attestations que JB ait trouvé recensées dans la base Gallica de la BNF. La première trace se trouve dans Le Crime, écrit par Robert-Martin Lesuire en 1789:


La seconde occurrence est extraite de Cynodie, un ouvrage de 1833 écrit par une certaine Antoinette Dupin:


L'image est celle du pan de tissu tendu sur les parties dites "honteuses" de la femme, ainsi qu'on peut le voir sur cette étonnante Vénus au voile de Lucas Cranach de 1532 (ce visage… ce visage!):


De fait, nous indique également le dictionnaire, la nudité doit être absolument voilée. Le langage a intégré dans son usage ce que la morale réprouve et impose:
 Voiler la nudité de qqnSi vous saviez, à côté de l'exactitude la plus minutieuse à traduire le texte saint, quelles trouvailles de délicatesse a eues le vieux sculpteur (...); ce voile, aussi, que la Vierge arrache de son sein pour en voiler la nudité de son fils (ProustJeunes filles en fleurs, 1918, p. 841).
Bien sûr, cette nudité qu'il convient de cacher, ce corps sur lequel il faut jeter un voile pudique, est forcément, quasi consubtantiellement, celui de la femme. Le corps et la nudité et la sexuation de l'homme n'ont pas besoin d'être cachés ni dissimulés.


Ceci, sur le voile, pour revenir au rideau de pluie, aux larmes sous la pluie.
Car une autre acception du voile et de ses dérivés, ici le verbe voiler, se rapporte une fois encore à ce qui est vu (et donc ne doit pas être vu) et à ce qui empêche de voir (volontairement ou pas).

Le TLF nous indique en effet que le "sens métaphorique" du verbe voiler, quand le verbe signifier alors "“cacher, rendre moins visible, masquer”" date de 1550, et ce serait Ronsard qui le premier l'a employé dans ses Odes. Mais le lien entre le voile, la pluie et les larmes, c'est non seulement "le voile de tristesse" qui peut s'abattre entre les humains et les choses qu'ils regardent (à l'instar du rideau de qui obstrue la vue), mais aussi "les yeux [qui] se voilent". Et qui, le premier, a employé cette métaphore, à en croire le TLF? C'est… Balzac:
1824 en parlant du regard (Balzac, Annette, t. 2, p. 122: elle baissa la voix et ses yeux se voilèrent)
Une fois de plus Balzac. Une fois de plus car, souvent, quand JB cherche l'auteur(e) de telle invention sémantique, il retombe très souvent sur Balzac. Ainsi de l'association du visage humain à la face de hyène, ainsi de la désormais célèbre peau de chagrin — et JB en a encore plein en réserve, sur lesquels il reviendra.

Toujours est-il que, depuis Balzac, et grâce à lui, le regard se voile. Les yeux se voilent d'émotion et de tristesse, et ils se voilent d'autant plus quand un rideau de larmes s'abat sur eux. Le liquide (les larmes, la pluie), le sentiment (la tristesse, l'émotion), la manifestation (le rideau, le voile) et à chaque fois le regard (la vue bouchée, obscurcie, obstruée). Comme en ce samedi où un rideau de pluie s'abat sur Berlin et qu'un voile de tristesse apparaît dans le regard tandis que les larmes sous la pluie se diluent dans l'eau de cette même pluie. Aïe…

Mais, comme personne ne veut être triste, on va écouter le très early reggae Please Stop Your Crying, de Larry & The Cables, "a scorcha from Bamboo" comme il figure sur le 33 tours, Bamboo étant la maison de disque qui l'a sorti en 1969 (y a pas de secret!), et scorcher (ou scorcha) signifiant un tube, un morceau accrocheur.

vendredi 29 juillet 2011

Des gouttes de pluie sur le porc seul

Et JB, qui mange une pomme Gravenstein en écoutant la pluie tomber, pense du même coup à la si triste et si belle (= pléonasme?) version par Dennis Brown de Raindrops Keep Falling, sur son tout aussi bel album de 1970 No Man Is An Island. JB trouve ça triste que Dennis Brown n'ait jamais vraiment été reconnu à sa juste valeur. JB trouve ça triste que Dennis Brown soit mort (en 1999) à cause notamment de sa consommation de drogues († RIP). JB trouve ça triste que la chanson de Dennis Brown le rende triste quand déjà c'est triste qu'il pleuve sans discontinuer depuis le début de la journée alors qu'on est en plein été et qu'on devrait aller se baigner à oualpé dans les lacs de Berlin. Pff…



Du même coup, JB repense à la version par ce même Dennis Brown de No Man Is An Island, toujours sur l'album homonyme, quand le chanteur a ce petit geignement, ce rauquement, ce bruit de gorge, que JB a légèrement amplifié pour le faire partager à ses petits amis:



Et JB, qui est là tout seul à manger sa pomme Gravenstein en écoutant la triste pluie tomber et en écoutant aussi la triste chanson de Dennis Brown, cette fois No Man Is An Island, se dit que la vie est décidément bizarre qui (lui) réserve tant de coïncidences.

JB parlait hier soir de hure qui désignait à l'origine une tête de sanglier quand, ce matin, à cause d'une discussion vaine sur une certaine page bleue, JB a eu la sotte idée de parler linguistique à un garçon qui avait choisi comme pseudo… sanglier. JB était allé voir l'étymologie du mot et avait appris à sa grande stupeur que les mots sanglier et singulier sont en effet de la même famille, qui viennent tous deux du latin singularis — idem du dérivé anglais single. Voire, un sanglier, en moyen français, c'est d'abord un “porc vivant seul” avant d'être un cochon sauvage. JB trouvait cette origine puis cette évolution sémantique absolument magnifique; et il était fier comme un petit garçon qui vient d'avoir un 20/20 en dictée de l'annoncer à son partenaire épistolaire. Sauf que. Celui-ci ne s'en émouvait nullement, trouvait ça sans doute hors-sujet, et force était à JB de constater qu'il faut tout de même être nigaud pour aller parler linguistique sur une certaine page bleue. Pff…

Et donc la pluie si triste, et donc le fait d'être un porc seul alors que Dennis Brown répète qu'"aucun homme n'est une île" et qu'"aucun homme ne tient tout seul", et… Et le téléphone sonne. C'est É. É qui propose à JB d'aller boire une bière au Wilde 13, l'un des bars de skinheads de leur quartier commun. JB ne se fait pas prier. Certes, les gouttes de pluie vont continuer de tomber sur lui, lui le porc seul, mais, au même moment, Dennis Brown chante, I've Got To Go. JB aussi.

jeudi 28 juillet 2011

"Hold me and lead me all the way"

Tous les amis partis, JB se retrouva fort dépourvu quand sa station fut venue. Sa station était assise et la station à venir était Ostbahnhof. JB n'avait aucun problème avec sa station assise (ni debout, d'ailleurs) mais, au fur et à mesure que se profilait la gare d'Ostbahnhof, Dame Patsy chantait avec insistance:
Do you remember when we met?
We were together all one.
So don't leave me, my only me* one,
Just hold hold hold me by the hand.
Hold me and lead me all the way.
Oh, my darling day by day…
And when we reach our destiny,
My darling keep the love to me.

(* merdre! le mégalapsus!! fy faen!!!)

Et, de même que JB se souvenait qu'il avait fait tourner ce morceau l'année dernière sur le mange-disque électronique du blog tatoué et fumeur, il se souvenait aussi que cette chanson l'avait étreint la première fois qu'il l'avait entendue. Et donc, de même qu'il se souvenait que ses amis étaient qui ici, qui , qui là-bas et qui dans ce lieu, il sentait également que les paroles de Patsy le laminaient tout autant alors qu'elles n'étaient que propices. Aussi, se souvenant enfin qu'il n'avait plus nourri le blog tatoué et fumeur depuis des lustres (en âge électronique, ce sont même des années lumières), il décidait, ici et maintenant, étreint dans son train (ouais ouais, elle est fastoche celle-là), de revenir (lui qui arrivait alors que ses amis étaient partis) au journal électronico-linguistico-musical en recommençant par Do You Remember?:




Sur ce, JB va manger une tranche de hure, hein. Un mot d'origine inconnue mais sans doute germanique qui, à l'origine (c'est-à-dire dès le XII siècle), apprend JB à l'instant même, signifiait "ensemble de poils qui couvrent la tête d'une bête sauvage", puis "tête de certaines bêtes sauvages, en particulier du sanglier", enfin, par métonymie, "tête ébouriffée d'un homme". La signification culinaire et charcutière est très tardive au regard du sens premier, en ce qu'elle n'apparaît que vers la moitié du XIXe siècle, indique le Robert historique de la langue française. Ce qui, somme toute, peut nous mettre de bon poil, mais pas forcément à poil (enfin… c'est comme on veut, hein).
Babaille!

vendredi 1 juillet 2011

"I felt so happy"

Tiens, et si on s'écoutait un peu de soulful reggae avant d'aller au lit? Ça fait jamais de mal et certains aiment bien. Et comme on aime(rait) que certains aim(ass)ent bien et qu'on n'est pas chien (même qu'on préfère plutôt en avoir — du chien), on va écouter Then He Kissed Me; cependant qu'un cossus gâte-bois vrombit dans le dos de JB et va bientôt se brûler les ailes (et par là même se griller le corps) sur l'ampoule brûlante et non écologique de la lampe halogène que JB a dû acheter en 1989 et qui, comme une grande, l'éclaire toujours depuis, mais c'est une autre histoire.

On écoute donc Then He Kissed Me, non pas dans sa version originale de 1962, co-écrite par Phil Spector et chantée par les Crystals, mais dans sa reprise reggae en 1972 par les Marvels, dont on apprend ici que c'était leur premier titre chez Trojan Records, ce qui nous fait au demeurant une belle jambe; cependant que le cossus gâte-bois occupe toujours les pensées de JB, lui qui a dû résoudre avant-hier soir pour l'un des membres de la Mopsfamilie une énigme de traduction du danois qui portait sur la larve du lepidoptère en question. Puisque, avant de devenir l'imago dont la couleur qui se confond avec le bois lui permet de ne passer inaperçu à ses prédateurs, la chenille est réputée pour porter malheur au Danemark: là-bas, on l'accuse de mordre ses victimes humaines et de transformer leur cauchemar en réalité. Alors le cauchemar est-il ce que les Marvels et les Crystals avant la légende, à savoir:
He kissed me in a way that I've never been kissed before,
He kissed me in a way that I wanna be kissed forever more.
I knew that he was mine so I gave him all the love that I had
And one day he took me home to meet his mon and his dad.

De fait, autant JB ignorait tout de la chenille danoise comme française du cossus gâte-bois (il a été baptisé ainsi car les larves bouffent les troncs dans lesquels elles logent), autant il ignorait qu'un simple baiser (fût-il sur les lèvres et sans la langue) pût conduire chez des beaux-parents. De même, autant JB connaissait parfaitement le cossus gâte-bois mais de vue seulement, autant il connaissait mais d'oreille seulement les Marvels et leur impérissable reprise de Someday We Will Be Together qu'on trouvait en 1970 sur le disque Straighten Up. Et autant, les Marvels ressemblaient à ça:


… autant le cossus gratte-bois et sa larve (qui selon certains sent le vinaigre et, selon Pline, faisait le délice des Grecs qui la croquaient) ressemble à ça:


Et Jean-Henri-Casimir Fabre, dans son Éléments d'histoire naturelle des animaux (1881) duquel est tiré la planche supra, nous explique que, contrairement aux Marvels que lui ne connaissait pas encore (et pour cause), "cette hideuse larve est rougeâtre", à preuve:


Mais… Minute, papillon! On n'a même pas encore écouté l'aubade sirupeuse pleine de violons dégoulinants consacrée à l'amourtoujours-amourabat-jour! C'est maintenant chose faite: