mardi 29 janvier 2013

Ah, la chameau! (et la dromadaire aussi)

Et JB, qui a presque fini le quatrième tome des aventures d'Elling, traduisait ce matin la phrase suivante, dans le chapitre 11 (et à chaque fois c'est lui qui souligne):
Et force m’a été de constater qu’elle était sobre comme un chameau (…)
Or, quelques jours plus tôt, il traduisait également, dans le chapitre 10:
Oh, la chameau!
Et, en cherchant dans sa traduction en vue de la rédaction de ce post, il découvre à sa grande joie que, au chapitre 4, figure le proverbe, extrait du Nouveau Testament, de l'Évangile selon Luc (Luc 18:25) (et non Mathieu comme le prétendent certains dictionnaires), dont l'amorce a donné son titre au film de la merveilleuse Valeria Bruni-Tedeschi:
Il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille que pour un riche d'entrer au royaume des cieux.

Et, à ce sujet biblique, JB s'autorise une digression (après tout, c'est son blog (tatoué et fumeur), il y fait ce qu'il veut).
La littérature scandinave, bien plus que sa cousine française, regorge de citations de la Bible, ou d'allusions à celle-ci. Comme chacun le sait, les Scandinaves sont luthériens, donc protestants. En conséquence de quoi le traducteur se doit, face à ces fragments, de recourir à la Bible Segond (du nom de son traducteur), eu égard à la situation religieuse française qui est, d'un point de vue textuel et lexical, compliquée — et ce sans parler des animosités historiques entre les deux religions chrétiennes.

Primo, le lexique religieux et liturgique diffère d'une foi à l'autre. Comme chacun sait, les catholiques vont à l'église, les protestants vont au temple. Ou du moins… "Protestants", c'est vite dit. Car, en français, le vocabulaire religieux diffère selon qu'on est calviniste ou luthérien. Ainsi, les calvinistes vont donc au temple, mais les luthériens vont… à l'église! Traduire des termes religieux (et JB, qui a traduit La Pasteure sait de quoi il parle) est toujours un casse-tête.
Secundo, et c'est ce qui nous intéresse ici, les protestants français n'emploient pas la même Bible que les catholiques — même si la vendeuse de La Procure avait assuré à JB (et il y était allé à reculons, nom de Dieu, pour acheter cette Bible! ça lui avait coûté, à JB, de donner du fric aux cathos!) que les catholiques utilisent aussi la Bible Segond. Laquelle diffère de l'autre en ce qu'elle est traduite de l'hébreu (et du grec), donc plus proche du texte original, en vertu de ce principe protestant qui veut que chaque peuple ait accès aux textes sacrés dans sa langue (et non plus en latin comme les catholiques) et que la traduction soit proche de l'original hébreu. Voilà pourquoi un traducteur du scandinave aura recours à la Bible du Suisse Louis Segond.
Or la traduction du proverbe supra par Louis Segond est:
Il est plus facile, en effet, à un chameau de passer par un trou d’aiguille à coudre qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.
Et, cerise sur le gâteau, JB n'utilise pas cette traduction!

Alors, bien sûr, les petits amis de JB ne manqueront pas de lui lancer:
Ben, pourquoi pas? Attends, tu nous bassines avec ta Bible suisse machin truc, et comme quoi le traducteur doit absolument l'utiliser et tout! Et tu le fais même pas?!!
Bonne question, merci de l'avoir posée!
JB n'a pas eu recours à la traduction de Louis Segond parce que, en l'espèce, il ne s'agit plus d'une citation, mais d'un proverbe, passé dans le langage courant (confer le film Il est plus facile pour un chameau…). Le lecteur se serait dit sinon: c'est bizarre, ce n'est pas la phrase que je connais… Et comme ce n'est pas un roman sur ni autour du proverbe, mais une phrase "anecdotique" dans la narration, mieux vaut s'éloigner du principe traductionnel et se coller à la réalité linguistique immédiate.

Ceci expliqué, JB peut donc revenir au chameau, un mot ancien en français puisque apparu en 1080 et "issu du latin camelus, un emprunt au grec kamelos, lui-meme emprunté à une langue sémitique occidentale", explique le Robert historique de la langue française. Oui, revenons au chameau et à ses analogies.
La locution La/le chameau! signifie, pour le Larousse:
Familier. Personne autoritaire, méchante, acariâtre, désagréable.
Et le Petit Robert de préciser que le substantif peut aussi s'employer comme adjectif:
Ce qu'il (elle) est chameau!

Toujours est-il que, d'un point de vue grammatical, tant dans sa nature substantivale qu'adjectivale, et comme on le voit, le terme demeure au masculin: on ne dit ni "Oh, la chamelle!", ni "Ce qu'elle est chamelle!". Voire, même désignant une femme, et bien qu'on emploie l'article la, le substantif demeure au masculin.
Le Grevisse nous explique ce phénomène:
Dans divers noms employés pour des humains par métaphore ou métonymie, le sens et le genre primitifs continuent à exercer leur influence.
Et de citer "les petits rats de l'Opéra", "un dragon", "un âne", "un perroquet". Si on ajoute à cela, donc, le chameau, on voit donc qu'il ne s'agit, à de rares exceptions près (en plus de "le rossignol milanais", aka La Castafiore chez Hergé), que d'emplois analogiques dont les significations donnent une image négative de la femme. Un énième exemple de machisme linguistique?

La question mérite doublement d'être posée. Car, en l'espèce, pour l'évolution sémantique du terme chameau, on ne peut pas en faire l'économie. Pour savoir comment on passe du mammifère à deux bosses (le dromadaire, qui n'a qu'une bosse, fait lui aussi partie des camélidés) à la "personne méchante", il faut s'appesantir un peu sur une étape lexicale manquante.

Car avant de désigner une femme méchante, la (pour le coup) chameau est, nous indique le TLF:
b) Arg. Terme injurieux désignant une femme de mœurs légères. Tu viens de la retape, chameau! (ZolaL'Assommoir, 1877, p. 792).
Et encore, là, c'est la version soft.
Regardons par exemple dans… au hasard… euh… oui! Dans Le petit citateur, de 1881, autrement intitulé Curiosités érotiques et pornographiques. Qu'est-ce qu'on trouve comme définition?


Champêtre et classe.
Ce sens, jugé "populaire et très bas" par le Littré (1872-1877), serait attesté en 1828 selon le Robert historique de la langue française (qui ne cite aucune source, JB y revient) et:
s'emploie (ainsi que dromadaire) comme terme d'insulte à l'égard d'une femme, d'abord au sens de "putain" (métaphore de la "monture"), puis de "personne hargneuse", par oubli du premier emploi (cf. l'évolution de vache).
800 ans (c'est énorme) séparent donc le sens initial introduit en français et cet emploi apporté par le langage de ce qu'on appelait "le bas-peuple". Autrement dit l'argot, pour faire vite. Le Robert des expressions et des locutions (1993) explique:
Le mot est ancien mais, comme la plupart des termes désignant les animaux exotiques, il n'a donné lieu à des effets de sens que récemment.
Toujours est-il que cet argot, en ce XIXe siècle, n'enrichit pas le substantif de cette seule signification." Prenons par exemple l'explication que fournit du mot chameau le Dictionnaire argot-français & français-argot (1896), de Georges Delesalle:


Oui, un chameau peut aussi, à l'époque, désigner un "exploiteur", un voleur, un contrebandier, dans tous les cas un homme. Et si ce sens est tombé en obsolescence aujourd'hui, il est attesté dans tous les dictionnaires d'argot. Ce qui intéresse particulièrement JB ici, rapport au machisme linguistique, c'est le déséquilibre opéré par les lexicographes entre les deux définitions selon que le mot renvoie à l'homme ou à la femme.
Comparons à cet égard les termes et le ton employés par Delvau dans son Dictionnaire de la langue verte (1866). La première entrée concerne la femme, donc la prostituée, la seconde l'homme, donc le contrebandier:


La définition qui porte sur la femme est uniquement négative. Non seulement cette dernière n'est plus digne de "respect", mais ce "depuis longtemps". Non seulement on ne peut ni ne pourra plus lui faire confiance, mais c'est tellement ancré en elle que cela en devient irrémédiable.
L'homme, lui, s'en sort nettement mieux. Tout chapardeur et profiteur qu'il soit, il demeure un "compagnon", dont le qualificatif "rusé" souligne la bonhomie. Il n'est pas matois ni roublard (synonymes négatifs de l'adjectif), il est futé (synonyme positif). Quand bien même le lexicographe décrit avec force détails la nature de sa malignité.
Pour lui, ce n'est pas si grave. Pour elle, c'est sans espoir. C'est DSK en France ou Rainer Brüderle en Allemagne avant l'heure. Et c'est tellement sans espoir que, d'un point de vue lexical, l'image propre au masculin est tombée en obsolescence (le sens n'est plus repris par aucun dictionnaire contemporain, même le Robert historique ne le cite pas — c'est dire!). L'image propre au féminin est restée: mieux (ou, en l'espèce, pire), elle a continue d'évoluer sur le plan sémantique (et qu'elle s'applique aujourd'hui tant aux hommes qu'aux femmes n'arrange rien à l'affaire!).
Pour les plus sceptiques, il suffit de lire la définition du mot appliqué à l'homme par Lorédan Larchey, ajoutée dans la 8e édition, datant de 1880, de son Dictionnaire historique d'argot, initialement intitulé Excentricités du langage et publié en 1860, rehaussé pour l'occasion de la mention "mis à la hauteur des révolutions du jour" (en l'espèce: sic!). Elle fournit un résumé parfait, par le biais d'une équation lexicographique confondante, à ce que JB vient d'expliquer:


JB en reste coi.

Les lexicographes ou les auteurs d'ouvrages spécialisés n'en reviennent pas eux-mêmes. Ainsi de Jean Hyacinthe Adonis Galoppe (sic!), signant sous le nom Galoppe d'Onquaire, qui s'en émeut dans son ouvrage de 1862 Hommes et betes: physiologies, anthropozoologiques mais amusantes:


L'incompréhension est telle que même les locuteurs s'interrogent. Ainsi de cette question posée dans le mensuel L'Intermédiaire, dans son édition du 20 novembre 1893:


Lequel Dictionnaire de l'Académie, dans sa 8e édition (1932-1935), n'a toujours pas intégré cette acception, quel qu'en soit le degré injurieux, qui figure cependant dans la 9e édition (en cours d'élaboration depuis les années 1990) dans son sens contemporain:
2. Fig. et fam. Personne désagréable, méchante. Quel chameau !
Déjà, en 1856, elle était écornée pour son incurie par un ouvrage anonyme, intitulé Encyclopédiana, et portant le sous-titre recueil d'anecdotes anciennes, modernes et contemporaines. Sous ses abords triviaux, le le livre n'en reste pas moins une mine pour les étymologies restées obscures des mots d'argot.


Alors justement, si on tente à présent de se demander comment ces significations sont nées, par le biais de la sémiologie linguistique, on a déjà quelques éléments de réponse. C'est l'analogie, la comparaison, qui donne le sens. C'est l'image que le sujet parlant a de l'animal quand il l'associe à l'un ou l'une de ses semblables qui crée l'expression. Et ce principe vaut pour les deux exemples liminaires. Dans son ouvrage mentionné supra datant de 1860, Lorédan Larchey citait L'Encyclopédiana sorti quatre ans avant:


Parce que le chameau "est sobre et laborieux", la locution être sobre comme un chameau a vu le jour. Bien que le tour n'apparaisse pas dans les dictionnaires généraux du XIXe siècle et ne soit pas daté par leurs équivalents contemporains, il est en tout cas employé par Balzac (et JB a assez montré dans le blog tatoué et fumeur à quel point Balzac avait enrichi la langue française par des analogies passées depuis dans le langage courant) dès 1832 dans Modeste Mignon, puis en 1836 dans La Messe de l'athée, etc. L'explication de Larchey avec la Campagne d'Égypte par Napoléon (1798-1801) est donc plausible. JB y revient dans quelques instants.

Il en va de même pour l'origine du sens métaphorique de chameau quand il s'applique à l'homme. Francisque Michel, dans son ouvrage Études de philologie comparée sur l'argot et sur les idiomes analogues parlés en Europe et en Asie (1856), outre qu'il donne les différents synonymes en usage, explique le sémantisme par l'utilisation que font les hommes du camélidé. Parce que celui-ci devient un animal de trait, qui porte les marchandises sur leur dos, l'image se forge du voleur qui emporte son larcin en le plaçant lui aussi dans son dos:


Pour le sens qui se rapporte à la femme, Larchey, on l'a vu à l'instant, évoque les seins qui rappelleraient donc les bosses du chameau pour expliquer l'association sémantique du second à la première. JB ne revient pas sur les explications grivoises exposées plus haut dans et par Le petit citateur. Il y a en tout cas un imaginaire sexuel à la base de la connotation érotique. Or, à ce niveau, il apparaît que l'imagination des lexicographes, tous des hommes soit en dit en passant, et donc des sujets parlants de sexe masculin, soit en l'ocurrence sans limite. Le même Francisque Michel en a, lui, une autre:


Et, question sémiologie, la palme du machisme et de la vulgarité revient au même Alfred Delvau qui, dans un autre ouvrage intitulé Dictionnaire érotique moderne (1864) croit savoir que:


Pour information, le terme gourgandine, avant de désigner la sotte, a été synonyme de prostituée. De même, donc, que chameau a fini par renvoyer à une femme méchante. On pourrait, on devrait effectuer une sémiologie des termes désignant la prostituée, ce qu'a d'ailleurs fait sommairement Pierre Guiraud dans son Dictionnaire érotique (1978), recensant "près de 500 mots", et encore, insiste-t-il, "ils ne constituent qu'une partie de ce lexique". Et d'ajouter, p. 98 — et JB recopie in extenso le passage tant il illustre d'une part ce qu'il souhaite montrer dans ce post en insistant sur le mot chameau, d'autre part le machisme linguistique viscéral et historique à l'œuvre dans, notamment, la langue française.
On aura été frappé par l'extrême mépris qui entoure la "prostituée". On peut admettre qu'il soit en partie justifié, encore qu'il ne soit pas commun à toutes les cultures — mais de là à assimiler une femme à la gadoue, à une vesse sous prétexte qu'elle a la jambe un peu légère!
Mais ce qu'il y a de plus surprenant c'est que la plupart de ces mots sont couramment appliqués aux "femmes", aux femmes en général, en dehors de toute connotation érotique. Or ils sont quasiment tous dépréciatifs: la femme est une carne, une fumelle, une pouffiasse, une roulure. Certes il s'agit de mots populaires et argotiques, mais on entend aujourd'hui, dans tous les milieux, des mots tels que bonne femme, nana, souris, rombière, etc., tous mots qui ont désigné à l'origine une "prostituée".
À travers ce langage, il apparaît que toute femme est une putain en puissance et à ce titre marquée des stigmates de la prostitution: laideur, puanteur, méchanceté, etc. (…)

JB n'insistait pas pour rien sur l'emploi par Delvau de "depuis longtemps". À en croire le lexique, la femme a toujours été une prostituée avec toutes les connotations que le terme implique, et le demeurera irrémédiablement, comme l'actualité nous le confirme (cf. supra) très trop régulièrement. Autrement dit, la femme est vouée à être qualifiée, dénommée, représentée par des termes dépréciatifs et injurieux. Et que les lâches ne viennent pas nous dire qu'il s'agit d'un discours politiquement correct propre au XXIe et de surcroît féministe (so what?), l'exemple trouvé par JB plus haut dans L'Intermédiaire montre que les locuteurs du XIXe siècle trouvaient eux aussi qu'il s'agissait d'une "injure" que d'employer le terme chameau pour désigner la femme. Le décidément bien-nommé Galoppe d'Onquaire ne faisait pas d'autre constat dans son analyse, que JB poursuit ici; même s'il convient de moduler le propos de sa dernièe phrase, confer ce que disait Pierre Guiraud:


À cet égard, et pour terminer la partie sémiologique, JB décernera cette fois la palme de la mauvaise foi. L'heureux gagnant est le Robert des expressions et des locutions (1993), cité supra et donc voici l'article en entier. Les auteurs, Alain Rey et Sophie Chantreau, nous expliquent en effet — et c'est JB qui souligne:
CHAMEAU n. m. Le mot est ancien mais, comme la plupart des termes désignant les animaux exotiques, il n'a donné lieu à des effets de sens que récemment. Alors que l'âne symbolise la sottise depuis l'Antiquité, le chameau n'évoque la méchanceté que depuis le XIXe siècle environ. Il semble que ce soit d'abord une injure adressée aux femmes (le chameau étant à la fois un animal difforme, selon les critères familiers, et une monture, par un jeu de mots constant), peut-être par suite d'une confusion avec un autre terme injurieux (XVIIIe siècle) grande gamelle, proche la forme ancienne cameil, camel.

Pardon? "Il semble"? Il ne semble pas, il est attesté! Un peu léger pour des lexicographes, quand même. Et si, certes, le mot gamelle (donc, encore un mot pour désigner la prostituée, ici plus particulièrement, explique Pierre Guiraud, "la fille à soldat") est phonétiquement proche de chamelle, leur explication ne tient pas une seconde.
Primo, du point de vue de la linguistique morphologique, on disait certes en moyen français chamoil pour désigner le chameau, ainsi que de multiples variantes, que nous confirme le Godefroy (dictionnaire du moyen français): camoil, cameil, camil. Mais d'une part la chamelle a été désignée par le substantif chamoille. Et d'autre part le terme chameau, tel que nous le connaissons dans sa forme contemporaine, est fixé dès le XVIe siècle. Pour preuve, tant le Cotgrave (1611) que le Thrésor de la langue française de Jean Nicot (1606) le recensent ainsi.
Secundo, d'un point de vue lexical, la thèse ne tient pas non plus. JB l'a expliqué dans la partie grammaticale: le terme n'apparaît jamais sous sa forme féminine, chamelle, pour désigner la femme, quel que soit le sens que chameau prenne au fil des décennies, ainsi qu'on va le voir ci-dessous.

Parce que, justement, et c'est le dernier point, quand apparaît-il, ce sens? Celui de chameau signifiant prostituée?
JB l'a indiqué au début de ce post, les lexicographes avancent la date de 1828, sans toutefois citer de source. En outre, Delvau ajoutait la phrase suivante dans sa définition que JB publie à présent entièrement:


Le Dictionnaire de la langue verte ayant été publié en 1866, cela fait un usage depuis 1816, donc depuis la fin des guerres napoléoniennes (1814), ce qui renforce l'hypothèse avancée par Larchey d'une propagation de la métaphore par les soldats, après la Campagne d'Égypte. Pour l'Encyclopédiana, tout à la fois truculente et lassante à force d'être prosaïque, le rapport de cause à effet ne fait pas un pli:


JB passe sur le fait que Larchey a plus que copié allègrement sa source sans la citer avec certitude. Quoi qu'il en soit, et d'autant plus parce que le Dictionnaire de bas langage de d'Hautel, publié en 1808, ne comporte pas d'entrée au mot chameau, on peut conclure que la métaphore animalière pour désigner la prostituée, et donc la femme, provient de l'argot des soldats et se répand dans le langage de la rue au cours de la décennie 1810.

Une autre piste à suivre concerne la mention, par les lexicographes contemporains, de l'ouvrage écrit par Gaston Esnault, Dictionnaire des argots (1965). Ce dernier, dans la partie étymologique du terme, propose non seulement une explication sémiologique, mais fournit des informations étymologiques précieuses:
ETYM. Équivalent comique, et voté non péjoratif, de monture. Dès 1842 a cours le dicton populaire: "Cette vie est un désert avec le chameau pour le voyage." Mais, au XVIIe siècle, à Rouen, écamelle, féminin d'écamel, chameau, est une injure; en 1828, une Parisienne qui en a appelé une autre chameau! dromadaire! passe en correctionnelle.

Pardon? En correctionnelle? Nan!
Bon. Résumons.
JB ne voudrait pas froisser Gaston Esnault († RIP), mais il n'a trouvé aucune trace de cet écamel(le). Ni dans la base Gallica de la BNF, ni dans gougueule, ni dans aucun des dictionnaires de patois normand existants. Le peu qu'il ait déniché n'a rien à voir avec le chameau, comme l'expliquent Édélestand & Duméril dans leur Dictionnaire du patois normand (Basse Normandie) (1849), qui reste en la matière une référence:


Le seul terme approchant se trouve dans le livre de Camille Maze, Étude sur le langage de la banlieue du Havre (1903), et qui correspond à la prononciation normande de chameau:


Mais d'écamel(le), rien nulle part. Et quand bien même, le même argument que JB opposait au Robert vaudrait ici.

Ce qui intéresse JB plus et tout particulièrement, c'est cette date de 1828 et cette prise de bec ayant fini au tribunal.
JB s'emploie donc à tenter de remettre la main dessus. Il se dit dans un premier temps qu'il doit bien y avoir un compte-rendu du procès quelque part. Mais où? Il consulte tout un tas de revues juridiques publiées à l'époque. Avant et après. Rien. Aucune qui n'inclue la date de 1828. Finalement, il apprend que ce ne peut être que la Gazette des Tribunaux, également intitulée Journal de jurisprudence et des débats judiciaires, journal quotidien (!) qui paraît à partir de 1825. Bon. Problème: où la trouver? Rien dans la base Gallica, rien dans le site américain archive. Rien rien rien.

Or si. Il existe des versions numérisées sur le site de la bibliothèque de l'École nationale de l'administration pénitentiaire. La numérisation a été effectuée en partenariat avec l'Énap, la BNF et l'École Nationale de la Magistrature. Et, effectivement, ils y sont tous! De 1825 à 1849. Mais pourquoi peut-on faire simple quand on peut faire compliqué? Puisqu'il n'y a non seulement pas de recherche possible par mot, mais il faut à chaque fois faire mille et une manipulations pour revenir à chaque numéro. Oj! se dit JB, j'en ai pour un an. Très vite, il comprend que chaque numéro donne son nom à l'adresse internet. Ça lui évite à chaque 5 retours et rechargements — c'est énorme quand on sait que JB doit consulter 365 numéros sans savoir à quel moment de cette fichue année 1828 le compte-rendu est censé se trouver, si tant est qu'il s'y trouve.
Et donc il cherche. Il exclut d'emblée janvier. Février: rien. Mars: rien. À chaque fois, il tape chameau dans l'option rechercher de Safari, qui lui répond un invariable "introuvable", et jette toutefois un œil rapide au journal, pour s'assurer qu'il ne passerait pas ainsi à côté d'une éventuelle coquille.
Avril 1828 touche presque à sa fin, quand, le dernier jour du mois, ce désormais fameux 30 avril 1828, Safari répond à JB: "1 élément". Dans son palais socialiste, JB s'écrie: "Ouais!" Et il jubile doublement puisque 1) il a trouvé, 2) le compte-rendu est sa-vou-reux. C'est d'ailleurs une notice plus qu'un compte-rendu (parfois, ils font 2 pages!): une "chronique judiciaire". La voici, sachant que le procès a eu lieu la veille, le 29 avril 1828:


Pardon? Une "faiseuse de mouron pour les oiseaux"???
JB ne jubile plus: il exulte.
Il connaît bien le substantif mouron qui a donné la locution:
2. Loc. verb. Se faire du mouron. Se faire du souci, s'inquiéter.
Mais le TLF nous explique aussi qu'il s'agit ici d'une plante:
A.− BOTANIQUE
1. Mouron des champs; mouron rouge ou mouron bleu. Plante herbacée annuelle (de la famille des Primulacées) très commune dans les jardins et les champs, aux fleurs solitaires donnant naissance à une capsule qui contient de nombreuses graines toxiques. Le Mouron rouge est une très petite herbe à fleurs rouges, bleues, ou parfois blanches; il ne faut pas la confondre, dans ce dernier cas, avec le Mouron des oiseaux, car ses graines, au contraire, les font périr; son fruit est un pyxide (F. Faideau, A. RobinBot. élém.,classe de 5e, Paris, Larousse, 1902, p. 42).
2. Mouron blanc ou mouron des oiseaux. Synon. usuel de alsine; synon. morgeline.

Et le Wiktionnaire nous le confirme:
(Botanique) Petite plante annuelle, à fleurs blanches, (Stellaria media (L.) Vill., 1789), de la famille des caryophyllacées, envahissante dans les cultures, et qui peut servir à la nourriture des oiseaux en cage.
Voilà quoi ressemble le mouron des oiseaux. Voilà ce que cultive "la dame Michout, dite Lanoue":


Mais revenons à notre chronique judiciaire, en entier cette fois:


JB adooore! Tout est merveilleux:
• La faiseuse de mouron des oiseaux.
• Les injures, puisque la femme Gaudron s'estime "injuriée" en se faisant traiter de "Chameau!" — confer ce que disait JB sur le ressenti, déjà au XIXe siècle et, donc, dans le document attestant l'apparition du terme chameau avec ce sens.
• Les injures qui s'enchaînent et sont un trésor pour tout lexicographe et linguiste et amateur de mots — la dame Michout dite Lanoue utilise en tous points ce que JB décrivait sur le principe analogique, mais elle fait mieux: elle part d'un sémantisme (celui de l'animal exotique) et le décline en autant de mots qui lui viennent à l'esprit et, de surcroît, ajoute l'insulte chameau (le dromadaire, lui, le pauvre, ne connaîtra pas la même richesse lexicale que son cousin à deux bosses). Ce faisant, et sans le savoir, la dame Michout dit Lanoue ne sait pas qu'elle entre dans la postérité lexicographique.
• Les fautes de français, ce "agonisée d'injures" devenu un classique, et aussi l'erreur dans la conjugaison du verbe pronominal.


Car enfin, pour boucler la boucle, ce témoignage de 1828 est une perle traductionnelle pour JB qui, comme il l'a dit en amorce, laquelle a précipité cette recherche et ce post, travaille sur le 4e tome des histoires d'Elling. Le comparse de ce dernier, Kjell Bjarne, parle en dialecte d'Oslo et en faisant des fautes. Pour cela, l'auteur a également recours à une graphie non normée.
JB a très longtemps hésité sur la meilleure manière de restituer ce norvégien. Puis il a décidé d'y aller carrément, ça donne, en trois exemples (et c'est lui qui souligne):
— T’es complètement à côté de la planque! Nan, j’t’assure, t’es un cas. Et t’es craspouète aussi… T’as vu ton front? T’as l’air malade, hein. 
— Mais nan! J’aide aussi Arnstad à entasser les marchandises dans la réserve. Pi je plie les cartons pour les foutre à la poubelle. Y a du pain sur la branche, hein. (…) Ce boulot, Elling, c’est qui m’est arrivé de mieux. Reidun, la gosse, et ce boulot. Ch’rais dev’nu zinzin, sinon. Comme toi. J’aurais fait des conneries.
— C’est que, euh… les murs, y z’étaient p’us vraiment blancs, a fait observer Kjell Bjarne, en détournant le regard.

Si JB a réussi à franchir la barrière mentale (puisque c'en est avant tout une), c'est grâce à la lecture de l'ouvrage de Gilles Philippe et Julien Piat, La langue littéraire (2009). Il en avait déjà parlé il y a trois ans.
Les auteurs expliquent que, à partir de 1850 environ (donc pile pendant la dissémination dans le langage du terme chameau dans sa signification de prostituée), la prose romanesque française a tenté de s'éloigner de la poésie et de la langue littéraire pour se rapprocher de la langue parlée, donc la langue du peuple. Elle a essayé de restituer ce décalage qui existe de tout temps entre l'écrit français et l'oral français. Les écrivains l'ont fait de deux manières: en insufflant soit de l'oralité, en composant les dialogues tels que ceux-ci se disent quand ils sont parlés (donc y compris avec les fautes d'orthographe et les réductions syllabiques), soit ce que Philippe & Piat nomment la vocalité, c'est-à-dire le fait de prolonger le principe d'oralité sur et dans la narration, sans le limiter aux seuls dialogues (Céline en est l'exemple), en racontant l'histoire à proprement parler avec le langage de la rue, dans un registre dit relâché ou populaire.
JB a appliqué ce principe de l'oralité pour les dialogues de Kjell Bjarne. C'est un choix de traduction. Et toute traduction de qualité est un travail littéraire où le traducteur a fait un choix franc, détermine (que ce dernier fonctionne ou pas est une autre question).
JB a fait un choix. Ah, le chameau!

samedi 26 janvier 2013

Sein schönstes Kleid

Und zu später Stunde gestern rotzte der JB, øøøh… pardon, trotze der JB die Kälte, den Hunger und die Wölfe um sich zum Nighter im Grünen Salon zu begeben. Die Strassen waren leer, die Nacht war schwarz, der Schnee knirschte unter seinen Stiefeln, der JB zitterte in seinem Galaanzug aber rutschte nicht auf dem Eis.
Er hatte gedacht: seitdem der Nighter im Grünen Salon ist, muss ich Ton in Ton sein, und seitdem ich zur Zeit Elling übersetze [Kjell Bjarne: Ich bin fast 40 und ich hab nie gefickt. Elling: Ficken wird grob überschätzt!], kann ich zweifach Ton in Ton sein und mich nach Ellings Art ankleiden. Wundervolle Idee! schrie er in seinem sozialistischen Palast.
Also hier damit mit dem gelben Polyamid-Rollkragenpulli, und hier damit mit der grünen Polyesterschlaghose. Also volldederonisiert betrachtete er sich im Spiegel an. Schmackhaft! Die Kleidung schmiegte sich eng an seine schlanke Statur an und passte perfekt zu seiner unsichtbaren Dauerwelle, mit anderen Worte: seiner Glatze. Diese distinguierte, hautenge Garderobe war irgendwie eine Fortsetzung seiner eigenen Haut.

Und so latschte er, von M gefolgt, Richtung eines anderen sozialistischen Palasts: der Volksbühne. Ein überschwänglicher JB, an diesem Abend wieder erfreut in der Hauptstadt leben zu dürfen, schenkte ihr und der ganzen Skinheadcommunity ein schönes und leider vergessenes Lied von Monika Herz, anno 1973 in der DähDähRrr, änderte dazu ein Paar Wörter und identifizierte sich völlig mit dem Objekt seines Gesangs und summte, unwissend von der Ohrfeige, der auf ihn im Grünen Salon wartete:
Ja, wir seh'n uns in Berlin. Nach Berlin geht uns're Reise.
Dieser Mann, zur Winterzeit, zeigt der Welt sein schönstes Kleid.



Als die Beiden das Ballhaus betraten, sahen sie sofort G & N & R — ein Paar Minuten später kamen F & AR & I (das Geburtstagskind der Woche). Tja, die skankige Clique war beinahe komplett (nur F #2 fehlte).

Der JB war schwer enttäuscht. Das muss gesagt werden.
Denn: man durfte nicht rauchen.
Der JB wollte sich gleich bescheweren. Er hat das auch gemacht. Als er am Tresen seinen Wehmut Wehrmut Wermut bestellte, fragte er die Barmaid und folgendes Gespräch fand statt:
Der JB: Darf man doch irgendwo rauchen?
Die Barmaid: Ja, draussen.
Der JB (pikiert, fast erstickend): Ein Raucherraum gibt's da nich?!
Die Barmaid: Nö.
Dieses unverschämtes Kind bekam kein Trinkgeld von dem JB, also.

Nach einer draussen gerochenen Zigarette, wo die unsichtbare Dauerwelle des JB völlig erfroren wieder hinein kam, änderte er die inhalierenden Massnahmen. G & N fanden als Ersten den Trick: vor der Haustür, also in der Wärme, rauchen. Schlau! Die zweite völlig illegale (oooh!) Manöver katapultierte den JB zum Klo, also auch zu der Schulzeit. Er benutzte die Gelegenheit nicht nur um zu rauchen, aber auch um sein kleines Geschäft zu machen (Wermut ist sehr diuretisch). Völlig multitaskingfähig gelang es dem JB gleichzeitig zu stehen & pinkeln & rauchen & plaudern mit B. Chapeau! Als Ökofaschist vergass der JB nicht seine mit Wasser gelöschte Kippe in die Müll zu schmeissen, statt sie nonchalant auf den Boden zu vergessen.
Die dritte Rauchfinesse brachte G & den JB auf die Treppe, ganz hoch im Haus. Die beiden sassen da, zufrieden mit sich selbst und dem Leben, wenn plötzlich, aus dem Nichts, kam die Schwester des unverschämten Kindes. "Es ist also verboten, blah blah blah." Der JB antworte kurz und klar: "Ja." Am Ende haben alle im Grünen Salon ungestört geraucht. Basta!
[18.29: M möchte betonen: "Es fehlt unsere zivile Ungehorsamszigarette auf der Couch." Stimmt! Gut gesehen!]

Und dann passierte es.
Panza hatte gerade Carlton & The Shoes aufgelegt und der JB war völlig im Blüten. Hüpfend mit AR auf der Tanzfläche, sagte er:
Carlton & The Shoes sind total unterwertet!
AR teilte seine Meinung.



Und während Cartlon Manning also ein bisschen wermütig wehmütig über "to live in righteousness" sang, wurde der JB Opfer der gröbsten unrighteousness. Eine Frau hat ihm nämlich die Schlau gestohlen. Volldederonisiert wie er war, glaubte der JB, er wäre die Kleidungstopstar des Nighter. Aber nein. Eine Frau betrat diese Tanzfläche mit einem hellbraunen Maxirock. Krass! Der JB war volleifersüchtig. Denn das war nicht irgendeinen Maxirock. Sondern ein Maxirock aus bure.
Was ist bure?
Tja.
Anscheinend existiert das Wort auf Deutsch nicht. Das Pons-Wörterbuch teilt mit:


Aber ein genaues Wort ist nicht zu finden. Auf der frantsösischön Wikipédia-Seite für bure gibt es keine entsprechende deutsche Seite. Auf Englisch hiesse es frieze und auf Bretonisch burell. Okay… Das macht mir einen schonen Bein, wie man auf frantsösischö sagt = was nützt mir das schon! Und wenn man zurück in die Zeit forscht bringt das Dictionnaire encyclopédique français-allemand et allemand-français (1883) von Charles Sachs auch keine andere Antwort:


Tatsächlich findet der JB was. In dem Dictionnaire des langues française et allemande (1839) von einem gewissenen Herrn Henschel:


Burre??? Nie gehört. Das scheint auch der Fall für den Duden zu sein:


Nee, das meinte der JB eben nicht. Weil das Wort barre in seiner Geburtssprache eine gaaanz andere Bedeutung hat!

Aber die Brüder Grimm wissen Bescheid:


Oh, Mann! Das ist ist nicht zu verstehen. Obwohl Cora Frost sagt, "man muss ja alles nicht verstehen", verbleibt das sehr kryptisch. Wo auf frantsösichö kennt jede(r) die bure, oder toile de bure. Also die Burre ist zwar ein "grober Wollenstoff", immer braun, die ein bisschen ähnlich wie den Jutestoff oder den Kartoffelsack ist. Es ist hauptsächlich für und von katholischen Mönchen verwendet und sieht so aus, zum Beispiel wenn Franz von Assisi sie tragt in dieser Gemälde von Francisco Zurbarán (1645):


Aber eine zeitgenössische Verwendung der Barre Burre ist auch möglich. Zum Beispiel von diesen jubelnden belgischen (!) Mönchen (und man beachte die Niethosen (wie man damals in der DähDähRrr sagte), also die Jeans unter dem Kleid — die Bibel hat ja gesagt, man dürfe Niethosen tragen (wenn sie in die göttliche Zukunft erfunden worden sind)):


Tja, auch in der Kirche hat man fun!

Aber zurück zu der Erzfeindin des JB, die ihm die Schlau des Nighter gestohlen hat mit ihrem hellbraunen Maxirock aus Burre, ein Stoff, der an einen Kartoffelsack leicht erinnert. Todschick war der. Und grünneidisch war der JB. Denn dieser Maxirock hatte auch was von dem Godetrock. Also ein Godetrock, erklärt Wikipedia für uns:
hat im unteren Teil eingefügte keilförmige Stoffteile ("Godets") und entsprechend geschnittene nach unten weiter werdende Bahnen, so dass der Rock oben schmal ist und erst im unteren Drittel Falten wirft.
Schöoon! So sieht es aus:


Okay, hier ist es zwar a bisserl übetrieben. Denn der hellbraune Godetmaxirock aus Burre, den diese Frau trug, hatte nur wenige Falten. Aber, die Krönung, die Falten haben siech sich nicht bewegt, wenn sie getanzt hat! Krass und doppelkrass! Sie tanzte, drehte sich, der Rock bewegte sich, aber die Falten blieben steif. Nicht zu glauben! Was für eine Kleidungsohrfeige, den der JB bekam!
Der JB hat es ganz genau studiert. Es gibt nur eine Erklärung dafür: die Falten wurden im Voraus beim Bügeln gestärkt. Wie hypraschlau von ihr!
Verstehen endlich die kleinen lieben Freunde des JB, warum er so enttäuscht war? Er hatte ja gar nicht an den hellbraunen mit gestärkten Falten Burrengodetmaxirock für seine eigene Nutzung und Ankleidung gedacht. Und er möchte so gerne einen. So könnte er in seinem sozialistischen Palast besser arbeiten, besser denken, einfach besser sich selbst sein. Und wiederum wären Renate und Angélique auch eifersüchtig. Das wäre eine schöne Rache!
Seufz…


Ein bisschen später legte Panza dieses Lied auf:



Der JB musste wieder vor sich hin seufzen. Was für ein schönes Lied. Zu schön. Der JB, dieses kleines Ding ohne hellbraunen mit Falten gestärkten Burrengodetmaxirock, verträgt nicht so viel Schönheit. Und nicht nur schön ist die Coverversion der Gaylads, die ist auch so traurig, so wehmütig — eigentlich wie das Original von Simon & Garfunkel. Es sollte verboten sein, so viel traurige Schönheit (ein Pleonasmus) bei einem Nighter aufzulegen. Die Gaylads singen die erste Strophe nicht, und hiermit beschränken sich auf das Umgehen mit anderen Menschen: wie man sich plötzlich fremd in einer Masse fühlt, allein und verlassen. Oh nee… Aber diese erste Strophe ist bluterfrierend, jedenfalls für den JB, dieses kleines Ding ohne hellbraunen mit gestärkten Falten Burrengodetmaxirock:
Hello darkness my old friend
I've come to talk with you again
Because a vision softly creeping
Left its seeds while I was sleeping
And the vision that was planted in my brain
Still remains
Within the sound of silence

Und der JB erinnert sich.
Es war in einem anderen Nighter, vor circa einem Monat. Im Schreina. Er war auf der Tanzfläche, mit I (das Geburtstagskind der Woche), Sounds of Silence wurde da auch aufgelegt, und er sagte I: "The Graduate. Mit Dustin Hoffman und Anne Bancroft."
Denn er erinnerte sich auch auf die Schlussszene. Nachdem Benjamin Braddock (Dustin Hoffman) Elaine Robinson (Katharine Ross) entführt hat. Sie sitzen in dem Bus, der die Stadt verlässt, ganz hinten. Und dann fängt das Lied an. Sie reden nicht mehr. Auch sie erinnern sich. Sie sind zusammen, aber trotzdem alleine:

 

Seufz wieder… Zu viel traurige Schönheit.

Und eigentlich ist das Original schön genug um auf dem tätowierten rauchenden Blog zu stehen.



Tschö-öh!

jeudi 24 janvier 2013

"Change my mind"

Und der JB, ohne dass er es wirklich verstehen kann (oder doch, im Nachhinein versteht er das ganz genau, aber er verrät es hier nicht), hat plötzlich Hortense Ellis' Stimme singende im Kopf. Oder genauer hat er diese Zeile von ihr im Kopf:
Now I would like to start all over again

Und, in seinem iTunes suchend, das Lied findend, erinnert er sich an die nächste Zeile:
I just wanna change my mind

Lass uns das Lied anhören.



Schön, oder?
Mit diesem paradigmatischen Bild der gescheiterten Liebe:
I keep lookin' back, but my baby's not in sight
Oder vielleicht ist es sogar ein Bild, eine Geste, die zu der Liebe gehören, egal ob diese gelungen oder gescheitert ist. Man verlässt den/die, man liebt und automatisch wirft man einen schnellen Blick hinter seinen/ihren Schulter: ist er/sie immer noch da? fragt man sich. Folgt er/sie mich immer noch mit den Augen? Oft, wenn der/diejenige immer noch zuguckt, dann könnte man vor Glück springen. Wenn nicht, und nun egal ob man immer noch zusammen ist oder nicht, kommt ein Zweifel, ein bohrender, nagender, gefährlicher Zweifel — und dann denkt man genauso gefährlich: Na, wenn er/sie mich nicht zuguckt, liebt er/sie mich wohl nicht (mehr), oder?

Aber neijjjn! sagt der JB. So muss es nicht unbedingt sein. Und nicht vergessen: man ist in solchen Phantasien sein bester Feind.

Genauso geht es mit der englischen Redewendung change one's mind. So isoliert, also weg von einem kompletten Satz, ertönt sie plötzlich in ihrer Wörtlichkeit — und bestätigt somit die Theorie der Sprachwissenschaft, d.h. was Ferdinand de Saussure unterschieden hat zwischen dem Signifikant (was man hört) und dem Signifikat (was es bedeutet). Also heisst change one's mind gar nicht, dass man sein Gehirn ersetzt (!), nein, sondern dass man seine Meinung ändert. Der JB, wortpervers wie üblich, hört und versteht beide Varianten!


Aber zurück zu dem Lied.
Hortense, die Schwester von Alton, Mutter von… vierzehn (14!) Kindern, erfährt der JB auf ihrer frantsösischön Wikipedia-Seite, hat dieses Lied nach ihm gesungen, in 1971, und damit, "turned [it] inside out, using the role reversal ploy to recast them as statements of female anguish rather than male uncertainty", teilt allmusic mit. Selbst hat der Alton dieses Originallied von Tyrone Davis in 1968 gecovert, und man hört, dass die Instrumentierung fast gleich ist. Der Orgel ist bei Hortense weg, deren Version mehr "doddig" (also Clement Dodd, der das Lied produziert hat), mehr Studio 1 ist.



Mit seiner akustichen Version folgte die instrumentale von Jackie Mittoo in 1969, mit dem Hammond-Orgel natürlich ganz vorne. Dann auch, am selben Jahr, die von Byron Lee (nicht schlecht). Danach kamen Brentford Road Allstars (1970), Horace Andy und Nicky Thomas (beide 1973, der Erste (sehr) schön in roots), Gregory Isaacs (1977) und Delroy Wilson (1978), der unterschätzte Dennis Brown (1982) — und anscheinend auch John Holt in 1978, aber der JB weder kennt die Version von ihm, noch findet sie.
Viel Spass beim Hören!

mercredi 23 janvier 2013

Patsy-iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!

Und der JB sass da, in seinem Friseurschreibtischsessel, ruhig & munter, klar im Kopf & fit im Schritt — als er plötzlich King Horrors Schrei ausgesossen ausgestossen hat:



Um Gottes Marx' Willen! Was ist nun schon wieder? fragen sich die kleinen lieben Freunde des JB.
Tja…

Der JB sass also da und plauderte mit G im Telefon. Die beiden hatten wieder (vielleicht für das 5. Mal — mindestens, also ein bisschen ellingsmässig) das gemeinsame kulturelle Programm für die kommenden Wochen durchgecheckt (iiih! was für ein hässliches neudeutsches Wort!) überprüft. Neue Termine wurden abgemacht, neue Karten gekauft. Gut.

Und dann, denn da und dort passierte es, nahm der JB einen nonchalanten Guck auf der Seite von This Is Ska, also von dem jährlichen Skafestival in Rosslau. Und genau da schrie er! Was hat er nämlich gesehen und gelesen? Das:




Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah!

Patsy in Rosslau? Patsy Todd in Deutschland? Dame Patsy Todd in Europa? "Meine Patsy?" fragte noch dazu der JB laut, im Rohr (also im Telefonrohr, um jetzt Missverständnisse zu vermeiden). "Ich kriege sogar Gänsehaut!" fügte er zu, nie übertreibungkarg wie er ist.
Patsy.
Patsy mit Stranger in Rosslau.
Boah, krass.

Wie lautet es, heute, in 2013?
Ja.
Vor ca. 6 Monaten ist der JB auf dieses Konzert gelandet. Es ist in New York am  1. Oktober 2011 stattgefunden. Und so war es:



Der JB sagt einfach: Na, wir sehen uns…

lundi 21 janvier 2013

Ska washing & Washing ska

Das jamaikanische Original, von Keith (Lyn) & Ken (Lazarus) mit Byron Lee und seinen Dragonaires, anno 1964, in einer Aufnahme von damals.

L'original jamaïcain, de Keith (Lyn) & Ken (Lazarus) avec Byron Lee et ses Dragonaires, anno 1964, dans un film d'époque.




Un an plus tard, dans la République populaire de Pologne, AliBabki (Wanda Orlańska-Borkowska, Ewa Dębicka-Brzozowska, Anna Dębicka-Czaplicka, Agata Dowhań, Krystyna Grochowska, Sylwia Krajewska) fait un cartonow avec Wash Wash Ska.

Ein Jahr später, in der Volksrepublik Polen, hat AliBabki (Wanda Orlańska-Borkowska, Ewa Dębicka-Brzozowska, Anna Dębicka-Czaplicka, Agata Dowhań, Krystyna Grochowska, Sylwia Krajewska) einen Bombenerfolgow mit Wash Wash Ska.



Frage: entsprechen diese Waschmaschinen- bzw. Wassergeräusche dem Titel? Also: man hätte sofort Lust Ska zu hören, sobald man seine Wäsche waschen würde? Sogar umgekehrt: man hätte beim skahören sofort Lust, seine Wäsche zu waschen? Weiter: man würde beim skahören, und auch beim skatanzen, faktisch und gleichzeitig seine Wäsche waschen? Der JB ist verwirrt.

Question: les bruits de machine à laver et d'écoulements d'eau correspondent-ils au titre? Donc: on aurait aussitôt envie d'écouter du ska en lavant son linge? Voire, l'inverse: on aurait aussitôt envie de laver son linge en écoutant du ska? Plus encore: on laverait effectivement et concrètement son linge en écoutant du ska et en dansant sur du ska ? JB est un peu confus.

Des soutiens-gorge bonnet F, couleur chair, banals

Et JB se voit traduire cette phrase d'Ingvar Ambjørnsen, qu'il écrit ainsi dans un premier temps:
Inutile de s’empêtrer plus longtemps dans des bavardages banaux.
Hum, se dit-il in petto. Y a un truc, comme disait Gérard Majax en son temps:



Banaux? s'écrie-t-il dans son palais socialiste. On n'est pas au four! Ni au moulin d'ailleurs. Car, pour autant que JB sache, banal devient banaux au pluriel quand il désigne une réalité du moyen âge, mais sinon? Quand il s'agit du quotidien, des choses banales, comment s'accorde l'adjectif au masculin pluriel? Banals ou banaux? Hum.
Dira-t-on?
Ginette a fait les soldes en jupe-culotte, elle s'est acheté deux cache-cœur banaux pour aller avec.
Ou dira-t-on plutôt?
Patrice s'est fendu de commentaires banals à propos du ball-trap de dimanche dernier.
Hum.
Raoul a fait l'acquisition de deux godemichets banaux voire grotesques — ce n'étaient pas des Jeff Stryker.
Luce a commandé un couple de soutiens-gorge bonnet F, couleur chair, assez banals en somme.
Hum et triple hum.

De prime abord, le TLF donne dans la pluralité non discriminatoire:



Les auteurs belges du Grevisse tout aussi belge expliquent d'emblée:
Banal, comme terme de féodalité, fait au masculin pluriel banaux: fours, moulins BANAUX. — Quand il signifie "sans originalité", il fait banals ou, un peu moins souvent, banaux.
Alors ça, peste JB dans son palais socialiste, c'est bien une réponse à la Grevisse, toujours à ménager la chèvre et le chou! Grrr!

Banal, dans un contexte médiéval, renvoie au ban et à la banalité:
I.− DR. FÉOD. Droit que le seigneur avait d'imposer l'usage de son four, de son moulin, de son pressoir et autres objets lui appartenant, à ses sujets et de percevoir une redevance sur cet usage.
Le Robert historique de la langue française poursuit l'explication, et JB fera des sauts de puce du substantif à l'adjectif, d'origine germanique, et d'un dictionnaire à l'autre:
BAN n. m. est emprunté (vers 1130) au francique °ban "loi dont la non-observance entraîne une peine", restitué par l'ancien haut allemand ban "commandement sous menace de peine, défense, juridiction" et par l'ancien norrois ban "défense".
Ainsi, poursuit le TLF, le suzerain faisait annoncer publiquement l'étendue de son ban: il "proclamait le ban". D'où l'expression convoquer le ban et l'arrière-ban qui, précise le Robert, "a pris le sens figuré de "s'adresser à tous ceux dont on peut attendre aide et secours". Il poursuit son explication de l'évolution sémantique de l'adjectif (et c'est JB qui souligne):
BANAL (…) Après la disparition du régime féodal, le mot s'est maintenu comme synonyme de "communal", surtout dans four, moulin banal (pluriel: banaux) jusqu'au XIXe siècle. ◊ Par extension, et par l'intermédiaire d'un sens non marqué qualifiant une personne qui se met à la disposition de tout le monde (1688), l'adjectif est passé au sens figuré actuel, "sans originalité, sans personnalité, à force d'être utilisé, vécu, regardé" (1798).

Bon, voilà pour l'approche diachronique sémantique, donc l'évolution du terme, qui nous permet de comprendre notamment pourquoi il y a un hic, un truc grammatical. À ce sujet, le Grevisse liste un nombre égal d'auteurs ayant recours à banals et banaux, dont Romain Rolland qui, le comble, utilise les deux d'une œuvre à l'autre.

Que faire, dès lors? Hum.
JB pourrait contourner le piège et écrire:
Inutile de s’empêtrer plus longtemps dans des bavardages d'une banalité confondante.
L'affaire serait faite et bouclée — et c'est marre.
Mais Dupré, dans sa toujours aussi impeccable Encyclopédie du bon français dans l'usage du français contemporain (1972) vient rappeler JB à l'ordre:
Beaucoup de Français, gênés par ces hésitations, évitent d'employer le masculin pluriel de banal, soit en remplaçant le nom masculin par un nom féminin, soit en disant: "d'une grande banalité". Il faut avoir plus de courage.

Fichtre et bigre!
JB, un peu parano sur les bords et les côtés, se sent visé, lui qui est pourtant d'une vaillance à toute épreuve.
Et Dupré poursuivait sa diatribe en ces termes, attention ça vole:
Suivons la règle absurde de l'Académie, pour ne pas être mal jugés par les demi-savants qui prennent les académiciens pour des législateurs; mais souhaitons qu'une normalisation intervienne bientôt et impose l'un des deux pluriels pour tous les cas.

Il faut dire, à la décharge de Dupré, que la 8e édition (1932-1935) du Dictionnaire de l'Académie n'était pas catégorique sur ce point et, par conséquent, laisse flotter un doute fâcheux. Sa 9e édition (en cours de rédaction depuis 1990) est désormais plus claire et ne porte plus à ambiguïté:
1. (Pl. Banaux, -ales). FÉOD. Qui était mis à la disposition de tous moyennant le paiement d'une redevance au seigneur. Un four, un pressoir banal. Des moulins banaux. Par ext. Accessible à tous. Forêt banale. Pâture banale. 
2. (Pl. Banals, -ales). Courant, ordinaire. Une affaire, une situation banale. Voilà un cas peu banal ! Par ext. Qui manque d'originalité, commun. Un visage banal. Son mobilier est banal. Une expression, des phrases banales. Des compliments banals. Subst. Évitez avant tout le banal.

Donc JB dira: des bavardages banals.
Mais il ne l'écrira pas. Non.
Entre-temps, il s'est dit que bavardages banals, en plus de créer une cacaphonie (oooh!) cacophonie avec ce retour de graphie en ba, induit une redondance pléonastique: un bavardage est, en soi, banal. Il va donc opter pour un autre adjectif et préférer:
Inutile de s’empêtrer plus longtemps dans des bavardages oiseux.


Or, si JB revient à Dupré et à ses commentaires au sujet de l'Académie, il remarque la phrase suivante:
Beaucoup de grammairiens sont de cet avis: Cayrou, Lanusse et Yvon, Martinon, Sudre…
Quoi? Un grammairien s'appelait Lanusse? Eh oui. Et il a surtout rédigé des grammaires scolaires, tant pour les enseignants que pour les élèves:



Lanusse, Ça ne devait pas être facile à porter tous les jours… Pourtant, c'est un nom bien courant, gascon, dont la répartition géographique est concentrée dans le Sud-Ouest:


En cherchant des informations sur le grammairien dont le nom complet était Jean Marie Maximilien Lanusse, qu'il avait lui-même réduit à Maxime Lanusse, JB est tombé sur ce curieux panneau indicateur:


Non content d'être un patronyme, Lanusse est aussi un toponyme. Et cela fait repenser à JB, rapport à la grammaire, rapport au curieux, qu'il a appris ce week-end les pluriels des mots allemands Anus et Phallus. Il ne les connaissait pas et est quasiment tombé à la renverse en lisant qu'ils donnaient respectivement, au pluriel, les formes Ani et Phalli. Du coup, JB imaginait le dialogue suivant, entre un proctologue et son collègue dermatologue:
— J'ai ausculté aujourd'hui trente ani, j'en peux plus!
— Et moi vingt-trois phalli, quelle plaie!

Sur ces mots banals et oiseux, JB retourne au travail. Babaille!