lundi 30 mai 2011

Ne pas être à fond de cale

Et JB, qui n'a guère pu dormir mais c'est une autre histoire, doit traduire ce verbe norvégien pas évident à restituer:
kjølhale

Le dictionnaire monolingue norvégien nous explique que le mot a été emprunté au néerlandais et signifie:

 1legge et fartøy over på siden slik at bunnen kan repareres
 2om e forh: trekke en fra den ene skipssiden til den andre under kjølen (som straff)
Le premier sens, c'est celui que donne son équivalent norvégien français: caréner, abattre en carène, dont le TLF nous fournit la signification en français:
 Abattre en carène. Coucher un bateau sur un bord pour contrôler l'état de ses œuvres vives et au besoin les réparer.

Aussi, quand le petit Ole, dix ans, annonce à Tonje, neuf ans:
Jon m’a chargé de te dire qu’il allait te xxx, annonce Ole en sautant de la passerelle, toujours vêtu de son pantalon baggy. Son bateau va faire faillite à cause de toi.
Il évident que Jon ne veut pas caréner (= xxx) Tonje.
Non.
Jon veut, "en guise de punition", ainsi que nous précise le contexte lexical de la locution: "traîner quelqu'un de la proue à la poupe d'un bateau", sous-entendu, "par la peau des fesses".

JB doit par conséquent, à défaut de pouvoir traduire à l'identique (ce qu'il doit, eu égard à l'exigence de fidélité), trouver de préférence une expression qui fait intervenir l'univers maritime dans l'analogie de son lexique. Hum… Pas fastoche. JB se dit dans un premier temps qu'il va éluder le problème et va traduire par:
♦ Être au pain sec. Être réduit au pain pour toute nourriture, être réduit à un régime alimentaire spartiate. Si l'on m'eût mis au pain sec, il m'eût porté des confitures (Sartre, Mots, 1964, p.17).
♦ Mettre au pain et à l'eau. ,,Se dit d'une punition dans laquelle on ne donne au délinquant que du pain pour son repas`` (Littré).

Mais c'est une fausse bonne idée.
Maria Parr, l'auteur, n'a pas employé ce verbe pour rien. Comme on l'a vu plus haut, celui qui veut punir Tonje travaille sur le ferry en tant que vendeur de tickets et contrôleur, et Tonje a le chic pour ne jamais avoir d'argent pour payer.

Aussi JB se creuse-t-il la cervelle et songe illico: Prudence.
Oui, le Dictionnaire analogique de la langue française de Prudence Boissière, publié en 1862. Une mine.
Pas loupé.
Ce cher Prudence propose effectivement trois termes ou locutions, que JB va ranger par ordre de pertinence par rapport à sa traduction:


Bon, courir à la bouline, c'est exclus, même JB ne sait pas ce que ça signifie (ce qui, au demeurant, certes, ne veut rien dire). Ou plutôt, si: si même JB ne sait pas ce que cela signifie, il y a peu de chances pour qu'un enfant (puisqu'il s'agit d'un livre pour enfants) le sache. Si JB ne rit pas, alors le lecteur ne risque pas de rire lui non plus. en traduction, il faut que l'effet comique claque, sinon, comme dans l'humour, c'est mauvais.

Vient ensuite:

Ce que le TLF nous explique ainsi:

2. Réduit où l'on enferme les marins punis. Quand je suis sorti, Olready faisait vingt-deux jours de cale (E. et J. de GoncourtJournal, 1872, p. 869).
♦ P. anal. :
4. Il [le pion] m'a mis aux arrêts; − il m'a enfermé lui-même dans une étude vide, ... Dans une fente, un livre : (...) Robinson Crusoe (...) je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, ... La faim me vient : j'ai très faim. Vais-je être réduit à manger ces rats que j'entends dans la cale de l'étude?
J. VallèsJacques Vingtras, L'Enfant, 1879, p. 114.
3. Loc. À fond de cale. Au fond de la cale. On mit les prisonniers à fond de cale (Ac. 1835-78). ... les pauvres bougres qui ramaient à fond de cale (MilleBarnavaux et quelques femmes..., 1908, p. 309).
♦ Pop., fam. Être à fond de cale. Être à bout de ressources.
Alors, certes, c'est déjà un moins obscur; et JB pourrait parfaitement traduire: "(…) il va te mettre à fond de cale." Mais ça résiste toujours un peu. Et JB a peur, pour le coup, d'être à fond de cale, dans le sens dit "populaire" par le TLF.

Reste la troisième et dernière suggestion:

Et c'est ce lexique-là que JB va employer. Il va inverser l'ordre de la phrase, répéter l'image de la "faillite" pour appuyer l'effet comique, ce qui donne:
Jon m’a chargé de te dire qu’il allait faire faillite à cause de toi, annonce Ole en sautant de la passerelle, toujours vêtu de son pantalon baggy. Quand il sera sur la paille, il ne lui restera plus qu’à utiliser son ferry pour t’envoyer aux galères.

Et voilà.
Alors?
Bon, d'accord, c'est plus long. Mais au moins on a l'image maritime.
Sur ce, babaille, hein.

dimanche 29 mai 2011

Bang bang bang, Nikita!

Et JB, qui cherchait un morceau de Dawn Penn, est tombé sur cette perle qu'il écoute quasi en boucle depuis:



Génial, non?
Le "sample" (le terme est anachronique eu égard à la sortie du morceau, JB y revient) reprend donc une phrase de Nikita Khrouchtchev, prononcée lors de son discours mémorable aux Nations Unies, le 12 octobre 1960, lorsqu'il avait non seulement tapé du poing sur la table pour montrer sa ferme opposition à Dag Hammarskjöld, le président de l'ONU de l'époque, mais il avait également défait sa chaussure pour cogner le pupitre avec la semelle. L'INA nous rappelle cet événement ici.

Revenons maintenant au morceau.
JB espérait presque qu'il se fût agi de Tommy McCook, mails il n'en est rien. De fait, il ne s'agit pas de ska mais de popcorn. Le morceau se trouve sur une écrasante majorité de sites consacrés à ce genre de musique des années 60.
Néanmoins, la question demeure: qui sont les musiciens?
Bonne question, merci de l'avoir posée.
Puisque JB n'en est pas certain à 100%, malgré ses recherches.
Sur toitube figure cette précision:


Le problème que rencontre JB est que ce fameux Lester Van Stock, n'apparaît que sur deux pages, dont celle de toitube. Et uniquement pour ce morceau. Les petits amis de JB lui rétorqueront: peut-être n'a-t-il composé que ce morceau. C'est vrai. Or, sur les sites de popcorn, les gens semblent parfaitement se souvenir de ce Middle of The Nite in Moscow (aussi intitulé Middle of The Night in Moscow). Alors? Une copie du disque corrobore la mention supra:


Assault Records, n° du disque: 1829.
Mais pas de Lester Van Stock. Ni, sur gougueule, de Lester Vanstock, Lester Von Stock ou Lester Vonstock. JB, l'hystéro, déteste ce genre d'imprécisions. Il a cherché également en indiquant avec le nom des compositeurs qui figurent sur le vinyle, Harvey et Johnson, mais cela équivaut à chercher un Martin ou un Dupont dans une botte de foin musicale.

En attendant, il reste toujours le morceau et ce "Bang bang bang, Nikita" définitivement culte.


0h10

Et JB, qui mérite décidément son surnom de teckel, croit avoir trouvé.
Recherchant la page sur toitube pour l'envoyer à la Mopsfamilie, il en trouve une autre, sur laquelle est reproduite un vinyle sorti sur une autre maison de disque:


Ainsi que les petits amis de JB peuvent le voir de leurs propres yeux, il s'agit bien de Lester Van Stock ici également. Bon.
Or, sur la colonne de droite, le généreux toitube propose à JB d'écouter un certain… Lester Lanin. Pardon? Oui: Lester Lanin. Minute papillon, s'écrie JB. Et comment il s'appelle le monsieur avec Nikita. Bingo: Lester Van Stock.
Lester Lanin et Lester Van Stock.
On regarde un petit cliché de Lester Lanin:


Mieux: JB apprend que, en 1962, Lester Lanin et son orchestre ont sorti un morceau intitulé: Midnight In Moscow. Et il s'appelle comment celui de Lester Van Stock? Bingo: Middle of The Night in Moscow.
Midnight In Moscow et Middle of The Night in Moscow.
Mais il y a encore mieux. Et pour ça on écoute:



Eh oui, c'est la même mélodie. Et à propos de cette mélodie (que JB, il l'avoue, ne connaissait pas), le Wikipédia nous dit:
Les Nuits de Moscou (en russe, Podmoskovnie Vetchera) est une chanson russe très connue, composée en 1955 par Vassili Soloviov-Sedoï (musique) et Mikhaïl Matoussovski (paroles).
C'est en 1957 que cette chanson connut une notoriété internationale, après avoir été primée au Festival mondial de la jeunesse et des étudiants qui eut lieu cette année à Moscou. Elle fut particulièrement populaire en République populaire de Chine. L'interprétation au piano du célèbre pianiste américain Van Cliburn contribua à cette popularité. Il joua par la suite ce morceau à la Maison Blanche en 1989 à l'occasion de la visite de Mikhaïl Gorbatchev.

Quant au collègue anglophone du Wikipédia français, il ouvre son article en expliquant:
"Moscow Nights" or "Midnight in Moscow" is a Russian song, and one of those best known outside its homeland.

Donc: Midnight In Moscow.
Et l'article se ponctue par ces précisions importantes (et c'est JB qui souligne):
The British jazz group, Kenny Ball and his Jazzmen, had a hit with the song in 1961 under the title "Midnight in Moscow", and film exists which shows them playing it at a concert in Moscow. This version peaked at number two on the U.S. Billboard Hot 100 chart in early 1962; in March of that year, it spent three weeks at number one on the American Easy Listening chart.

Ainsi, le morceau arrive dans les oreilles de Lester Lanin via l'Angleterre, où Kenny Ball a enregistré en 1961 une version instrumentale (puisque, on l'a vu plus haut, il s'agit au départ d'une chanson, donc chantée), qui deviendra un succès aux États-Unis en 1962. Et c'est aussi, on l'a vu aussi, en 1962 que Lester Lanin propose sa version. Or, 1962, c'est aussi l'année où Lester Van Bock a sorti son Middle of The Night in Moscow, comme nous le précise allmusic.com. La différence entre la version de Lester Lanin et celle de Kenny Ball, c'est non seulement le rythme plus enjoué mais, à la fin, la guitare rockabilly qui ne figure pas dans la version du britannique.

En conséquence, la question qu'on est en droit de se poser est:
Et si Lester Van Bock n'était pas le pseudonyme de Lester Lanin?
De fait, si Lester Lanin est né à Philadelphie, allmusic.com nous précise qu'il était "the youngest of ten sons of a Russian Jewish immigrant family". Ça fait beaucoup de coïncidences troublantes, trouve JB. D'autant que Lester Banin avait ses entrées dans les plus hautes sphères internationales:

He spent the next 60 years playing for some of the most prominent patrons in the world, including the British royal family and most of the kings and queens of Europe. And beginning with the Eisenhower era, he played inaugural balls at the White House through nine presidencies.

Les Kennedy adoraient Lester Lanin qu'ils invitaient pour rythmer leurs soirées à la Maison Blanche, précise pour sa part Guido van Rijn dans son ouvrage Kennedy's blues: African-American blues and gospel songs on JFK:


On peut même se procurer une compilation intitulée Music of The Kennedy White House sur laquelle figure un morceau de Lester Lanin, c'est dire. Et non seulement ça, mais, dans la nécrologie publiée par le NY Times à l'occasion de la mort en 2004 de Lester Lanin, il est précisé:


Et qui Kennedy, le 4 juin 1961, rencontre-t-il lors du fameux Sommet de Vienne? Bingo: Khrouchtchev. JFK serre la pogne de Nikita:


Et que se passe-t-il un an plus tard, en 1962, entre Kennedy et Khrouchtchev? Bingo: la Crise des missiles de Cuba.

JB trouve que ça fait beaucoup beaucoup de coïncidences. Il ne voudrait pas tirer des conclusions trop hâtives, mais bon, quand même hein.

Allez, sur ce, JB redit: "Bang bang bang, Nikita!" Et vive Lester, qu'il s'appelle Lanin ou Van Stock.

samedi 28 mai 2011

Who the f*** is Brigitte Bond?

Et JB, qui retourne son mange-disque électronique comme il le ferait du tiroir de sa table de chevet s'il en avait une — JB, donc, retombe sur ce morceau de 1964:


Il écoute ce Blue Beat Baby mi-swinging sixties, mi-early ska. Et il en fait profiter tous ses petits amis:



Et, réécoutant ça, JB trouve étrange la voix de cette mystérieuse Brigitte Bond. JB, qui entre-temps est devenu est un pet-cialiste des voix féminines jamaïcaines ne trouve aucune espèce de ressemblance avec le timbre en vogue, à l'époque, sur l'île des Caraïbes. Voire: il ne s'agit pas du tout d'une voix de femme noire, mais bien une voix de femme blanche. Et, non seulement ça, mais elle renferme une raucité qui n'est pas sans rappeler celle, dix ans avant, d'Amanda Lear. Étrange. Aussi, pour JB, la question qui et qu'il se posait lorsqu'il a découvert la chanson en novembre 2010 dernier se repose avec la même acuité:
Who the f*** was (is?) Brigitte Bond?

JB part à la pêche aux informations.

Le disque est bien répertorié dans tous les index et catalogues dignes de foi.
Tant chez tapir, où ladite Brigitte sort juste avant après Prince Buster:


Tant chez tapir, donc, que chez 45cat.com:


On apprend même qui étaient ces fameux Bluebeats (parfois aussi orthographiés  en deux mots, The Blue Beats), lesquels ont ainsi composé le morceau:


En parlant justement de bluebeat, le style musical et non plus la maison de disques. C'était quoi? Pour répondre à cette question, on va laisser chanter Derrick Morgan et Patsy Todd, dans leur morceau, également sorti en 1964, et intitulé The National Dance (tiens, ça fait d'ailleurs penser à JB que N lui avait demandé en décembre dernier de lui copier le morceau, ce qu'il n'a toujours pas fait — tsss…). Une chanson, nous indiquent les notes du CD duquel elle a été tirée, qui "was co-written by Millicent Patsy Todd". Et, évidemment, JB est aux anges. Mais la question: le bluebeat, c'est quoi? On écoute la réponse:



Donc, bluebeat et ska, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, ce que confirme le duo:
Whether you call it Ska in Jamaica or Bluebeat in London town, let's all join together and do the national dance.


Toutefois, la question liminaire se pose toujours:
Who the f****** f*** is/was Brigitte Bond?

JB n'a pas été le premier à s'interroger, et d'autres avant lui se sont cassé les dents, ainsi qu'en témoigne un dénommé buzzboy67 sur toitube:


Or, toujours sur toitube, JB trouve cette information fracassante, oui, fracassantissime:


Hein?!?
Brigitte Bond serait une trans!?!
Une "strip-teaseuse maltaise"?!?
Naaan… !?!
Et le Thom en question, qui nous révèle cette information, précise: "I knew her so well" = "Je la connaissais tellement bien."
Naaan!!!
Elle ressemblerait même à ça:


Bon, la dédicace, là, en bas en gauche, ça compte pour du beurre, hein. JB se souvient par exemple parfaitement qu'il avait reçu une dédicace personnalisée de Michèle Torr, mais en fait c'était du bidon, c'étaient juste ses petits amis de l'époque qui lui avaient bricolé un faux mot. JB était fumasse, hein.

Bon. Brigitte Bond.
Brigitte Bond serait "une transsexuelle", qui plus est une "strip-teaseuse maltaise". Ouiii…
Or JB découvre une autre version:


Star(lette) de cinéma française en vrai ou en faux, il est en tout cas fort probable qu'elle ait vécu à Londres et non en Jamaïque. D'autant que roots archives ne la connaît pas. La compilation Mod Reggae de Trojan Records nous le confirme (et c'est JB qui souligne):

London's hippest musicians were also taking note, none more so than Georgie Fame who recorded with Prince Buster as well as releasing his own 'Rhythm and Blue Beat' EP. Graham Bond backed up Ernest Ranglin on an EP for Black Swan, whilst in 1964 Chris Farlowe released The Blue Beat on Decca under the guise of The Beazers. Blue Beat reciprocated the favour by releasing Blue Beat Baby by Brigitte Bond, although a rather tame affair, it contains the line "All the Mods wanna tap their feet". Mods and Ska had officially become partners and it's a relationship that lasts to this day, from Manchester's Hideaway R&B Club to Rude in Reading and a whole host of London club nights, such as Right On, Set The Tone, Coast To coast, Reggae Train, Reggae Shack and Steppin' Out, all helping to keep that link alive.

Toutefois, Trojan ne dit pas un mot sur Brigitte Bond, ne révèle rien sur l'identité réelle ou supposée de notre Chérie BB, reste muet sur ces initials B.B., comme Gainsbourg en parlera quatre ans plus tard, en 1968, à propos d'une autre femme dont JB n'écrira pas le nom complet au risque de se voir atteint d'un brusque accès d'aphtes & d'herpès conjugués.
Au final, et à défaut de réponse, force est de chanter avec Serge († RIP):

Die Mopsfamilie und die Vokuhila

Tja, liebe kleinen Freunde, manchmal ist das Leben genau wie der Anfang des Liedes von Merlene Webber, Hard Life:



Leider hat der JB weder die Mama noch den Papa in seiner Nähe, die ihm eine Antwort geben können. Stattdessen hat er seine lieben kleinen Freunde, den er alles erzählen kann und wird.

Es war nämlich so:
Der JB war mit der Mopsfamilie verabredet. Es wurde Marillenschnaps gierig getrunken und geplaudert und gelacht und geraucht.
Die Drei verbringen wie immer einen tollen Abend und verabschieden sich voneinander. Die Mospfamilie kehrt zurück nach Beauty Hill in einem republikfeindlichen dekadenten Mercedes, während der JB zurück zu seinem sozialistischen Palast in der Zone radelt mit Musik in den Ohren, und (falsch) voll lauter Stimme & Freude auf Joe Mansanos Life On Reggae Planet singt, und zwar:



Der JB ist also völlig guter sozialistischen & skinheadischen & arbeitslustigen Dinge, tritt seine Küche ein, vorbereitet sich Kaffee im alten Façon (d.h.: er muss kochendes Wasser regelmässig giessen — Kaffee schmeckt nämlich am besten so), hat vor die Restpfanne vom Mittag aufzuräumen (d.h.: Hähnchenkeulen mit Champignons und Spätzle, das alles im Weisswein gebraten — lekka!), nimmt den Restessen vom Kühlschrank aus (d.h.: die Restpfanne wollte ruhig und unbesehen mit dem Restessen kuscheln), wenn… wenn… wenn…
Wenn der JB, die Pfanne mit seiner linken Hand greifend, stosst mit seinem rechten Ellbogen auf das Kaffeedingsda, wo der Filter voller heissem Wasser & Kaffeepulver ist, dessen Inhalt… auf den Boden fällt. Oh neeeeeee…
Der JB hat nur Zeit nach hinten zu springen um nicht gebrannt zu werden, wenn… wenn… wenn…
Wenn der JB mit jetzt seinem linken Ellbogen auf das Restessen stosst, dessen Inhalt… in die Spüle fällt. Oh neeeeee…
Der JB fühlt sich nicht nur wie Merlene Webber, aber wie Calimero zugleich:
Die Welt ist so ungerecht.

Ja, die Welt und das Leben hinter ihr sind so ungerecht manchmal. Gerade jetzt, wenn der Abend so schön angefangen hatte.
Es war nämlich so, also:

Der JB war mit der Mopsfamilie verabredet. Es wurde Marillenschnaps gierig getrunken und über Sprachwissenschaft (what else?) geplaudert. Inwiefern? fragen laut und leise die lieben kleinen Freunde des JB, und sie haben Recht sich und den Anderen die Frage zu stellen.
Der JB lästerte nämlich über die Frisur einer gewissenen jüngeren Generation, die neulich keine andere schlechte gute Idee fand, eine Frisur aus den 80er Jahren nachzuäffen um sie wiederum auf ihren eigenen Schädel zu basteln. Das, wenn man alle diese Jahre Spass ohne Haare haben kann. Der JB meint das:


Dann entstand um den Tisch folgendes Gespräch.
Teil #2 der Mopsfamilie: Geht es um eine Vokuhila?
Teil #1 der Mopsfamilie (Teil #3 war zu Hause geblieben): Nee, Vokuhila bedeutet ja 'vorne kurz, hinten langs'. Hier ist es kurz um den Schädel und lang drauf.
Teil #2 der Mopsfamilie: Ja, danke, ich weiss, was eine Vokuhila ist.
Teil #1 der Mopsfamilie: Warum fragst du denn also?
Der JB: Das ist keine Vokuhila, das ist eine Rukuola.
Teil #1 & Teil #2 der Mopsfamilie: ??????
Der JB: Na: rundum kurz, oben lang. Rukuola. Also eine Ruccola-Frisur.


Aber moment mal, liebe kleine Freunde.
Sagt man die Vokuhila? Oder der Vokuhila?
Der JB verweiblicht "es", weil es eine Frisur heisst — aber sollte er "es" eigentlich vermännlichen, weil es der Haarschnitt ist???
Hmm… Gute Frage.
Was sagt der Duden dazu:


Also eindeutig die Vokuhila. Aber ARTE (der JB bittet seinen lieben kleinen Freunden: ARTE, hallo! A R T E!!!) war schon damals in Karambolage einer anderen Meinung. Denn:


Tja… Schwiiierig.
Der JB hasst diese Sprachenrätseln, die keine Lösung finden.
Also fragt er die Sprachwissenschaft.
Und, so überrumpelnd wie es sein mag, hat die Sprachwissenschaft eine Antwort parat. Eine gewisse Frau Dr. des. Agnes Jäger, bei der Uni Frankfurt am Main sagt:

Also ist Vokuhila ein Akronym, genauso wie Stasi für Staatssicherheit damals in der Zone stand oder FF, heutzutage in einigen Kreisen wo nichtverbale Kommunikation oft herrscht, für Faustficken steht — aber das ist eine andere Geschichte.
Bloss. Damit will der JB nur zeigen dass: würde man die Grammatik und die Linguistik mit ganz konkreten, bodenständigen Beispielen erklären, würden es weniger Fehler (sprich: der/die??? Vokuhila) gemacht.

Apropos bodenständige Beispiele und die Linguistik. Der Duden hat uns ja erklärt, dass Vokuhila "umgangssprachlich" ist. Ein gewissener Prof. Dr. habil. Norbert Fries bei der Lehrstuhl Syntax in der Humboldt-Universität zu Berlin vertieft diese unvermeidbare Realität, wo Worte wie Schwanz oder Vukuhila in den Lexemen und Syntagmas auftauchen:


Der Prof. Dr. habil. Norbert Fries bei der Lehrstuhl Syntax in der Humboldt-Universität zu Berlin vereinigt nämlich die Linguistik und die Soziologie, und betrachtet von daher die Jugendkultur von der… jenau: Soziolinguistik. Und welche Beispiele nimmt für sein Konzept der Unikonfirmität. Wieder jenau:


Der JB wundert sich, wenn es nicht die Frisur bezeichnen soll, was die/der Vokuhila überhaupt andeuten kann? Die Schamhaare? Näh, oder? Quatsch.
Aber moment mal. Jetzt haben wie sogar zwei Akronyme! Oj.
Keine Bange, liebe kleine Freunde, Wikipedia ist hier, um uns alllllles zu erklären:

Die Kombination des Vokuhila-Schnitts mit einem Schnurrbart führt zu einer Erweiterung des Begriffsspektrums. Man spricht in diesem Fall von Vokuhila-Oliba (wobei Oliba die Abkürzung für „Oberlippenbart“ darstellt) oder von Vokuhila-Mischna (wobei Mischna die Abkürzung für „mitSchnauzer“ ist). Während Oliba die in Deutschland verbreitete Bezeichnung ist, findet Mischna vorwiegend in Österreich Verwendung.

Aber jetzt haben die lieben kleinen Freunde des JB die Haare voll von diesen Begriffen und möchten gern ein Orgasmus bekommen beim Anschauen einer/s Vokuhila(s). Jawoll!
Hier, bitte schøn, die Wessiversion:


Und hier die Ossiversion, die die der JB am liebsten mag:


Denn, es sei so, wie die Uni-Leipzig uns auf ihrem Sprachportal es mitteilt, die/der Vokuhila sei sehr beliebt in der fussballistischen Welt gewesen. Und nicht nur das, sei sogar eine fussballistische und zeitliche Eigenschaft bei einigen Kickern:

Wort: Vokuhila-Frisur
Anzahl: 12
Häufigkeitsklasse: 18 (d.h. der ist ca. 2^18 mal häufiger als das gesuchte Wort)
Links zu anderen Wörtern:
Beispiel: 
Die Dänen sagen zu einer Vokuhila-Frisur in Anlehung an die unsäglichen Haartrachten der Fussballspieler in den Achtzigern: "Bundesligafrisur". (Quelle: spiegel.de vom 04.06.2005

Was übrigens das Online-Wörterbuch dict.cc uns auch bestätigt mit einem Synonym (nach dem Akronym, jetzt das Synonym):


Also mullet ist die Übersetzung der/der Vokuhila(s) auf englisch. Toll. Kann man bei nächstem Urlaub benutzen können/sollen/müssen/dürfen (und auf jeeeden Fall: dürfen!). Aber wie heisst es auf anderen Sprachen, wollen die kleinen lieben Freunde wissen??? Denn die sind genau wie der JB, sie urlaubieren nicht mehr in Amiland, wa? Wa!?! Sie fahren eher nach… zum Beispiel: Norwegen, mit ihrer hockeysveis:


Aber sie fahren nicht in den Iran. Oh nein. Das wollen wir nicht. Denn dort, erfährt der JB, sind nun Vokuhilas verboten. Seit letztes Jahr. Doch. Gugge mal, wie man so schøn auf sächsisch sagt:


Was macht dieser iranischer Herr?
Ja, er hat die neuen Vorschrifte der männlichen Frisuren und Haarschnitte bei einer Modeshow in Teheran präsentiert. Die englische Telegraph erzählt uns die ganze Geschichte:


Die Zeitung sagt nicht, ob eine skinheadische Frisur in Ordnung ist.

Auf jeden Fall. Seitdem wir in einem fussballistischen Kontext sind, nicht nur mit der Frisur, sondern auch mit dem Spiel sind… Denn bald fängt die Frauen-WM an, und der JB, zusammen mit der skankingen Band (mit Namen G & N), sich fast jedes Spiel anschauen wird — und der JB zeigt nur EIN Bild. Nur EIN:


Also, seitdem wir in einem fussballistischen Kontext sind, nicht nur mit der Frisur, sondern auch mit dem Spiel, können wir ALLE (der JB sagt ja: A L L E) so ein T-Shirt kaufen und täglich tragen (der JB sagt: T Ä G L I C H):


Ja, bei Publicwieving A L L E FC Vokuhila T-Shirts mit Mike Werner tragen.
Nun ja. Der JB merkt & spürt & fühlt, dass er der einzige so verkostümiert sein wird. Vielleicht wolen wir eher die Bob Marley-Version koofen, wa?


Na, G & N? Soll der JB für die skankige Band welche besorgen?
Doch, oder?

Denn, und der JB hat es hier auf dem tätowierten und rauchenden Blog schon mal gezeigt, Bob Marley liebte Fussball. Wie hier in Neuseeland:



Und, mit diesen tollen Bildern im Kopf, geht der JB seine Vokuhila-Kotelleten frisieren. Tschö-öh!

vendredi 27 mai 2011

Les miss antisociales

Et, cependant qu'il travaille au mot qui n'a pas forcément besoin d'être le plus long pourvu uniquement que le compte soit bon, JB retombe sur une chanson de France Gall. Fonçant dans son mange-disque électronique, il laisse son regard acéré se fixer sur cette chanson sortie en 1968:


Puisque, oui, les petits amis français de JB l'ignorent sûrement, mais la Gall a eu une carrière florissante de ce côté-ci du Rhin. Tous les Allemands, qu'ils soient de l'Est ou de l'Ouest, connaissent par cœur le refrain de A Banda (Zwei Apfelsinen Im Haar). Mais donc, en cette année 1968, elle chante aussi Hippie Hippie, qu'on écoute incontinent:



La même année 1968, de l'autre côté de l'Atlantique, complété par un groupe répondant au nom idoine The Hippies, Austin Faithful préfère des tonalités moins psychédéliques, c'est-à-dire complètement rocksteady, mais nous chante un Miss Anti-Social tout aussi antiautoritaire que JB a forcément immédiatement adoré quand il l'a découvert il y a quelques mois. Enjoy!



Mais cette boucle ne saurait être parfaitement bouclée sans un retour à l'envoyeur, c'est à-dire la Rance, voire un retour dans l'envoyeur, c'est-à-dire tout autant la Rance même si c'en en est une autre, avec Antisocial de Trust, qui a bercé la prime jeunesse de JB. Et, trente ans après, JB, qui est lui aussi une "miss anti-social", trouve toujours impeccable l'antiautoritarisme prôné par Bernie Bonvoisin contre la Rance alors dirigée par Végéheu. On écoute:



Et déjà, dans sa chambre d'enfant, JB trouvait que Bernie Bonvoisin avait des appas fort prometteurs, eu égard à la mouleboulitude de son pantalon stretch simili-cuir, dont JB ne résiste pas à exhiber les talents pas si cachés (que la capture d'écran ci-dessous ne révèle cependant pas comme elle le devrait):


Ceci dit, à trente ans d'écart, JB est nettement plus enclin à succomber à la version contemporaine, en dépit du paillasson de poils:


Sur ce, babaille, hein.

mercredi 25 mai 2011

Sidérant, stupéfiant, pétrifiant: médusant!

Et JB, aujourd'hui, dans sa traduction, corrige un abasourdie en: médusée. Il se dit que, dans un roman pour enfants dont le personnage est une petite fille de 10 ans, abasourdie est un poil trop soutenu.
Bon.

Ceci fait, il s'arrête un instant sur cet adjectif:
médusé
Pourquoi médusé?
Médusé comme la méduse?
Mais laquelle?
Cette méduse-ci (que JB ne prend pas au hasard, il y reviendra)?


Ou cette méduse-là (que, là encore, JB ne choisit pas par hasard)?


Quel est le rapport entre, d'une part, l'adjectif dont le TLF nous explique le sens:
Médusé, -ée, participe passé et adjectif. Synonymes: ébahi, sidéré, stupéfié.
… et, d'autre part, l'animal marin et la Gorgone?

Il ne faut pas avoir inventé le fil à couper le beurre linguistique pour, à la vue de ces images, comprendre l'analogie. Ce que le TLF nous confirme en parlant de "analogie de forme avec la chevelure de Méduse". Le Robert historique de la langue française poursuit l'explication (et c'est JB qui souligne là où cela a un intérêt particulier pour l'analyse du jour):
MÉDUSE, n. f., terme de zoologie, est issu (1754) du nom propre Méduse, emprunt, par l'intermédiaire du latin Medusa, au grec Medousa, nom d'une des trois Gorgones, la seule qui soit une mortelle, et dont la tête hérissée de serpents a fourni une comparaison avec les tentacules de l'animal marin. Méduse était aussi caractérisée par sa laideur épouvantable et son regard qui avait le don de pétrifier quiconque osait la regarder. Le nom de Medousa est le participe présent féminin de medein “songer, être préoccupé” qui se rattache à la racine indoeuropéenne °med- (cf: médiéval, méditer, mode, etc.). Elle est donc proprement “celle qui médite” (d'après la fixité de son regard). (…) L'allusion mythologique originelle est toujours présente en français [outre pour désigner l'animal marin, JB] dans l'expression tête de Méduse, qui s'emploie en parlant d'un être, d'un concept, qui frappe de stupeur et d'épouvante, et avec son dérivé méduser (confer ci-dessous).

Si les petits amis de JB veulent bien, on va s'arrêter pour faire deux commentaires.
1) Pour JB, qui a présenté l'an passé quelques méduses sur le blog tatoué et fumeur (il laisse à ses petits amis le soin de les retrouver — comme dans les devinettes: "Une méduse est cachée dans ce dessin. Sauras-tu la retrouver?"), à commencer par celle sur le tableau reproduit supra, à savoir La tête de Méduse, peint par Rubens en 1618 — pour JB, donc, qui a vécu l'année 2010 comme il l'a vécue, c'est de l'or en barre cette étymologie. C'est de l'or en barre ce lien étymologique entre, non pas entre la mode et la réflexion (ça, il s'en fiche un peu sinon pour en ricaner), mais entre le médical et la méditation.
Et, plus d'un an après, il se demande dans quel sens s'effectue l'interaction, le rapport d'interdépendance (un peu comme la poule et l'œuf). JB ne veut surtout pas croire que la réflexion suscite l'infection ni l'affection. Mais il peut confirmer que le médical ou la maladie provoquent la méditation, pas du tout transcendantale ceci dit.
Voici qui est posé, en passant.

2) Le regard fixe de Méduse pétrifie ses spectateurs qui en restent donc… pétrifiés, stupéfiés, ébahis, abasourdis. La synonymie ne nous confirme pas autre chose:

Donc, quand JB change son abasourdie en médusée, il est parfaitement raccord avec le sens tant norvégien que français.
Ceci posé, l'adjectif vient-il de la figure mythologique?
Oui, mon capitaine! répond cette fois encore le Robert historique de la langue française quand on le questionne:
MÉDUSER v. tr. (1607, rare avant 1838) conserve la valeur étymologique du nom grec et signifie “frapper de stupeur”; il est surtout courant au participe passé MÉDUSÉ, ÉE.


À ce stade de l'explication, deux questions se posent?
1) Pourquoi, en français, ce passage de la figure mythologique ou verbe? D'autant que le Robert et JB l'ont bien soulignée: le terme originel mythologique a connu une fortune lexicographique en français — et donc, de nouveau: pourquoi?
2) En a-t-il toujours été ainsi des occurrences du verbe méduser dans son emploi au participe passé, comme de nouveau le Robert et JB l'ont souligné? D'autant que nous avons des étymologies étranges: un terme apparu en 1607, mais "rare avant 1838". Haha, fait JB perplexe. Il… médite un peu et se redit: Haha… 1607? Et la peinture de Rubens qui date de 1618… Hum. N'y a -t-il pas un lien entre la peinture de Rubens et le verbe?
Non, mon capitaine.
Mais il y a bien un lien entre la peinture en général et la vulgarisation dans le langage du verbe méduser.

Si les petits amis de JB veulent bien (de toute manière, ils n'ont pas le choix), ce dernier va répondre d'abord à la deuxième question, laquelle à son tour répondra à la première.

JB, qui est le Saint-Thomas de la linguistique et ne croit que ce qu'il voit, va tout de même vérifier dans les dictionnaires. Aucune méduse ni mythologique ni animale dans le dictionnaire de Richelet (1680), ni dans celui de Furetière (1690). Quant à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751-1772), elle ne mentionne que la gorgone.
Déjà, à ce stade, JB se demande où diable les linguistiques et lexicographes tiennent donc leur datation de 1607… Si elle s'avérait, un puriste comme Richelet et ce cher Furetière l'auraient inclus.

Néanmoins, si JB consulte les dictionnaires du XIXe siècle sur la base Gallica de la BNF, il se rend compte que, et il répond ainsi à la seconde question, non, l'emploi "courant" de médusé ne l'a pas été autant qu'on le croit.

On commence en 1839 avec le Dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique et littéraire de François Noël, qui nous dit… abasourdi par cet emploi:


JB adooore cette définition pas du tout partisane! Ceci dit, le Nouveau dictionnaire universel de Maurice La Châtre, paru entre 1865 et 1870) copie à peu de choses près les mots de Carpentier:


Mais il ne faudrait surtout pas oublier Louis-Nicolas Bescherelle qui fait paraître en 1845 son Dictionnaire Universel, dont Wikipédia nous précise qu'il s'agit du "dictionnaire majeur du XIXe siècle". Et si l'homme était un éminent grammairien, on constate qu'il n'était guère un lexicographe de vision puisque méduser est non seulement "pass[é] dans la conversation", mais devenu définitivement littéraire.


Et si les précédentes étaient une copie du Bescherelle, que précise Louis-Nicolas et qu'oublient les autres? Bingo! Qu'il s'agit d'un… "néologisme"!

Mais pourquoi, bon sang de bois, le verbe est-il déjà "plus de mode" alors qu'il n'a été jusqu'à présent recensé par aucun dictionnaire et que Bescherelle le considère comme un mot nouveau? Nous sommes au XIXe siècle et non au XXe-XXIe siècle, où les Robert et Larousse mettent un point d'honneur à intégrer dans les révisions annuelles de leurs ouvrages respectifs les néologismes. Autrement dit: qu'a-t-il donc bien pu se passer? D'autant plus que, on s'en souvient, le Robert historique insistait pour dire que le verbe était "rare avant 1838". S'il est rare avant cette date, il ne peut guère être passé de mode, voire être tombé en désuétude un an après et être tout en même temps "néologisme"!

L'excellent Dictionnaire analogique de Prudence Boissière (publié en 1862 — et JB souhaiterait qu'on en fasse un pareil aujourd'hui) intègre le verbe méduser, qu'il range dans la catégorique horreur, ce qui nous donne une confirmation définitive du sémantisme une une piste vers l'étymologie précise:


Pierre (Larousse), avec son Grand dictionnaire publié entre 1866 et 1878, publication qui fera date comme chacun le sait, répète à son tour qu'il s'agit d'un néologisme, mais évacue (merci!) les éléments partisans et péjoratifs:


Émile (Littré) travaille à la même époque (1872-1877) sur son Dictionnaire de la langue française et adopte la même position lexicographique:


Enfin, si le verbe méduser entre dans le Dictionnaire de l'Académie lors de sa 8e édition (1932-1935), il est tout de même présent dans la 7e (1881), mais dans la partie "complément". Et force est de constater que c'est le premier ouvrage à intégré le fameux participe passé, temps dans lequel le Robert le qualifiait de "surtout courant". Pour une fois, et c'est tellement rare qu'on ne peut que le saluer, l'Académie sera à la pointe lexicographique.


Juste après, le Grand dictionnaire des rimes françaises de Morandini d'Eccatage (1886) le qualifie de "familier". Donc de "plus de mode" à "néologisme", en même pas 40 ans (soit… allez… 3 secondes en linguistique), il est devenu "familier". Et, deux ans plus tard (1888-1889), le Dictionnaire français illustré de Larive et Fleury l'intègre également. JB n'indique pas cet ouvrage par hasard parce que c'est dans ses pages qu'il a trouvé la gravure des méduses montrée plus haut!



Les petits amis de JB, il le sent, commencent à s'impatienter.
Pourquoi est-ce qu'il nous bassine avec ça?
Pour montrer une chose:
Comment, parfois, dans la lexicographie, un jugement, une erreur, vont être commis à un moment donné de l'histoire et répétés à l'infini sans que quiconque ne songe à vérifier leur véracité ou à revenir aux sources. Puisque c'est ce que JB a fait.

Le Robert historique de la langue française avait raison quand il affirmait que le verbe méduser est "rare avant 1838". On trouve effectivement plusieurs occurrences et qui ont toutes trait à la période contre-révolutionnaire et aux guerres napoléoniennes. La plus vieille source qu'ait trouvée JB date de 1815 (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en ait des plus anciennes), elle est signée par, tenez-vous bien, le… marquis Jean Charles Alexandre François de Mannoury d'Ectot, dans son ouvrage, tenez-vous encore bien… Mémoire au Congrès de Paris, sur la proposition d'un contrat social européen, précédé de Réflexions politiques et morales sur les périodes révolutionnaires et napoléoniennes et sur la réorganisation du gouvernement français (ouf!). Et que dit-il, le Marquis? Ça:


Et, quasi 200 cents après, on voit que les "fourberies et jongleries d'État" n'ont guère changé. Mais c'est une autre histoire.
Ce que JB veut dire par là, c'est que, avant cette obscure date de 1838, le verbe méduser ne s'emploie guère que dans un sens politique, lorsqu'un État ou une armée, bref, une force, va endormir le peuple ou des soldats. Le sens est stricto sensu emprunté à l'action sur les spectateurs du regard de la Méduse. Victor Hugo, dans son ouvrage Actes et Paroles publié en 1875 (mais écrit antérieurement, confer plus bas) ne l'emploie pas dans un autre sens:


Et c'est là qu'on arrive peu à peu au dénouement de l'enquêtre lexicographique et étymologique.
Cette citation, JB l'a trouvée dans Note sur le néologisme chez Victor Hugo, un article (bourré de fautes d'orthographe!!!) écrit par un certain Edmond Huguet et publié en 1898 dans le tome 12 de la Revue de philologie française et de littérature. Et on voit ci-dessus qu'il y a un appel de note. Haha. Et que dit cette note?


1607.
1607.
1607.
1607? Et la peinture de Rubens date de… 1618! C'est pour ça? Il y aurait un lien caché, malgré tout? C'est dans ce même contexte?
Non, mon Capitaine!

1607, c'était la date fournie par le Robert historique. C'est aussi celle indiquée par le TLF:
Étymol. et Hist. 1607 (J. de MontlyardMythol., p.773 dans Gdf. Compl.), rare jusqu'au xixe siècle. Dérivé du nom propre Méduse (v. méduse); dés. -er.

JB fait trois recherches parallèles. 1) Retrouver l'ouvrage du fameux Delboulle (quel nom lui aussi!); 2) Savoir à quoi correspond le fameux H.D.T.; 3) Trouver le mot en question dans le Mythol. (que JB suppose être Mythologie(s???) de cet obscur de Montlyard.

Delboulle s'appelle Achille et l'histoire apprend à JB que c'est un lexicographe contrarié, qui s'est plaint que Émile Littré lui avait tout copié. Bon.
JB ne retrouve pas le Recueil des mots nouveaux de Delboulle, mais il apprend qu'il s'est agi d'un article, publié en trois fois dans la revue Romania. Il y a accès. Hélas, aucune trace de méduser. En revanche, il apprend que le H.D.T. n'est autre que le Dictionnaire général de la langue Française du commencement du XVIIe siècle à nos jours de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas, qui dit:


Or donc, le TLF a la même étymologie que le H.D.T., renvoie à la même source (Delboulle, dont ils disent que l'ouvrage que JB ne trouvait pas est "à paraître", il n'a sans doute jamais paru à part dans la revue) — mais, mieux, le H.D.T. nous donne la phrase. Qu'on ne peut pas lire de 36 000 manières: il s'agirait d'un art qui, du fait de son aspect fallacieux, stupéfierait les spectateurs. N'est-ce pas?
Ceci reste encore à voir et à vérifier.

JB finit effectivement par trouver l'ouvrage de 1607 en question.
Il s'agit tout aussi effectivement de Mythologie, dont le sieur de Montlyard n'est pas l'auteur mais le… traducteur!!! Ça alors! Pour JB, c'est une perle. Il ne sait pas encore que c'est une mine, mais pour l'instant c'est une perle.
Mythologie est un ouvrage écrit en latin par l'Italien Natale Conti, qui revient sur les récits mythologiques grecs et est publié en 1551 1567. JB apprend au passage que cette somme (1000 pages!) va avoir un rôle considérable non seulement dans la relecture de la mythologie grecque, mais aussi dans l'éclosion de la Renaissance.
Mythologie a été traduit d'abord en… français. Par de Montlyard donc, Jean de son petit nom.

JB met énormément de temps à trouver sur la base Gallica le passage en question. Et il ne précise pas cela par hasard car ça a une importance considérable dans cette enquête étymologique. Mais, comme JB est teigneux comme un teckel et qu'il n'abdique jamais, il trouve. Il trouve d'abord sur gougueule livres un fac-similé de l'édition originale, publiée dans une republication de 1979, et qui ressemble à ça:


En voyant ça, JB se dit immédiatement:
Mais… Ce n'est pas un verbe! C'est un nom propre! C'est Méduse dont il est question ici. Oui. Il est question d'abord de Circé, ensuite de Méduse! Il doit y avoir une explication…
Et, en effet, il y en a une.

JB apprend qu'il y a eu quatre éditions de la traduction française: la première en… 1607; la seconde en 1611, la troisième en 1612 et la quatrième et dernière en 1627. Et à quoi ressemble le passage dans l'édition de 1607? À ça:


Est-ce que les petits amis de JB voient la différence?
Les deux figures mythologiques voient leur nom écrit non pas avec une majuscule mais avec une minuscule. Voilà l'erreur! Delboulle devait soit faire du crochet en lisant, soit faire des jeux avec son propre nom, ou autre chose — toujours est-il que ce qui n'est autre qu'une coquille, ou un oubli à la correction, ou encore une faute de composition, l'a induit en erreur et lui a fait croire qu'il avait sous les yeux la toute première apparition du verbe méduser.

Mais ce n'est pas tout. L'édition de 1611 non seulement recopie la faute mais en ajoute une autre, puisque l'espace après la virgule saute:


Il faut attendre l'édition de 1612 pour que les majuscules soient corrigées (mais pas l'espace après la virgule).


La dernière édition, de 1627, doit se baser sur le manuscrit de 1611, à preuve:


Pour JB, qui est traducteur littéraire, cette histoire est passionnante.
À partir de… mettons la fin du XVIe siècle, Jean de Montlyard traduit l'œuvre de Natale Conti publiée en 1567. Sa traduction est publiée en 1607. Est-ce lui qui a fait une faute d'orthographe? est-ce l'éditeur qui ne l'a pas lue/vue? est-ce enfin l'imprimeur qui s'est trompé? Quoi qu'il en soit, dans la chaîne du livre (comme on l'appelle aujourd'hui), il y a eu un raté. Or, 250 ans plus tard, un lexicographe croit voir dans cette erreur la confirmation de l'origine ancienne du verbe méduser. Sa publication sera lue et commentée et donc colportée et, 500 cents après la première publication, les lexicographes et les linguistes affirment toujours que la toute première occurrence du verbe méduser date de 1607…
JB trouve ça proprement… ahurissant, hallucinant, sidérant, stupéfiant, médusant!!!
Oui, voilà la vérité: médusant:

Médusant, -ante, part. prés. et adj., littér. Qui frappe de stupeur, qui méduse (supra A). Au centre de la trombe (...) une immobilité médusante naît de l'excès même de la vitesse (GracqBeau tén., 1945, p.113). Sous ces yeux médusants, il sent ses humeurs se solidifier (SartreSit. I, 1947, p.287). Il regarda ses camarades, son regard périssable rencontra sur eux le regard éternel et médusant de l'histoire (...), ils étaient les soldats fabuleux d'une guerre perdue. Statufiés! (SartreMort ds âme, 1949, p.69).

C'est médusant parce que cela sous-entend qu'une erreur ou une toute petite coquille peut avoir une influence considérable et inattendue pendant des années et des années. C'est médusant car toutes les personnes qui travaillent sur une traduction ont chacune une responsabilité hénaurme: traducteur, correcteur, éditeur, fabricant, imprimeur. Oui, comme JB le disait plus haut, c'est toute la chaîne du livre qui est concernée.

Avant de fermer le chapitre de la fausse étymologie du verbe méduser, il faut préciser deux choses.
Pourquoi Delboulle a-t-il mal lu?
On recopie le passage complet dans son édition de 1627 pour bien l'avoir sous les yeux (et les petits amis de JB constatent que chaque édition a une pagination différente, seconde raison pour laquelle il lui a été si difficile au départ de retrouver l'endroit exact du passage):


En fait, il y a trois erreurs.
1) Une erreur syntaxique.
Si on revient à la citation du H.D.T., les lexicographes rapportent que la phrase qui inclurait le verbe méduser en question serait "Art trompeur (…) qui méduse (…)". Si on fait une analyse grammaticale, "art trompeur" serait le sujet et "qui méduse" le verbe (certes dans une subordonnée relative). Or il n'en est rien. La phrase introduite par "art trompeur" n'est autre qu'une phrase exclamative, sans verbe, avec une "absence de copule", nous précise (p. 511) le Grevisse, propre au "style oratoire". Tout ce qui suit après cette phrase exclamative, donc y compris le "qui méduse", se rapporte à une autre phrase.

2) Une erreur de grammaire.
Delboulle s'est trompé sur la nature du pronom. Il l'a pris pour un pronom interrogatif alors qu'il s'agit d'un pronom relatif. L'erreur est facile à faire, nous allons voir pourquoi. Si on reprend la phrase et qu'on en élimine les incises, cela peut donner ça:
Qui Circé, qui Méduse (…) penses-tu surmonter nature par tes feux?
Or le verbe est conjugué à la seconde personne du singulier, le tu figure même en bonne place! On ne peut a priori pas faire l'erreur, on ne peut pas croire que ce tu s'adresse à Circé et à Méduse. Qui plus est, il y a bien une incise, et c'est elle qui également renseigne sur le sens de cette phrase, il est vrai, à la décharge de Delboulle, très compliquée. Enfin, il y a une minuscule après le point d'exclamation, et non une majuscule.

De fait, par qui, il faut entendre le pronom relatif quelle:
Quelle Circé, quelle Méduse (…) penses-tu surmonter nature par tes feux?
Toutefois, on peut aussi entendre et lire qui en tant que pronom interrogatif:
Qui de Circé, qui de Méduse (…) penses-tu surmonter nature par tes feux?

Le Grevisse confirme notre intuition et nous explique, page 916:
L'emploi de qui comme objet direct est une survivance de l'ancienne langue, où qui (d'abord cui) s'est employé avec cette fonction. Ce maintien s'explique sans doute par une analogie avec le pronom interrogatif qui, lequel sert d'objet direct, notamment dans l'interrogation indirecte: Je vous demande QUI vous prendrez avec vous.
Et les grammairiens belges Grevisse et Goosse d'insister pour dire que "la confusion apparaît très tôt", c'est-à-dire déjà en ancien français.


Et ce cafouillage se fait d'autant plus que, quelques pages plus tard, les mêmes grammairiens nous expliquent (p. 938) que le pronom interrogatif qui peut aussi désigner un neutre, c'est-à-dire le non-humain (animaux, concept, etc.). Même si cet emploi ne concerne plus que la langue littéraire, un exemple tiré du Mythe de Sisyphe d'Albert Camus est assez éclairant pour l'explication commise par Delboulle (et c'est JB qui souligne): "QUI de la terre ou du soleil tourne autour de l'autre, cela est profondément indifférent."
Les grammairiens vont plus loin en expliquant que, et la boucle étymologico-grammaticale est alors bouclée:
Qui neutre a été courant jusqu'au XVIIe et même jusqu'au XVIIIe siècle:
Je ne sçay QUI je doibs admirer davantage / Ou de ce grand amour, ou de ce grand courage (Corneille).


En d'autres termes, tout ceci sous-entend que le lecteur ou le traducteur (et donc: l'éditeur, le correcteur) doivent connaître leur grammaire sur le bout des doigts. Oui, JB sait, il est hystérique sur ce point très précis.
Vraiment?
Peut-être pas.
Par curiosité, il est allé vérifier l'original latin.
Or, mystère et boule de gomme, pas de trace ni de Circé, ni de Méduse…
Ça alors!
On s'en rend compte à l'œil nu, même sans comprendre le latin:


On voit que de Montlyard a respecté la ponctuation, mais on voit aussi que, après le fameux point d'exclamation, il n'y a pas de majuscule, ce qui signifie que nous sommes toujours dans la même phrase. Comme le veulent les règles grammaticales tant du latin que du français. Et c'est là, aussi, où Delboulle a dû se tromper: il a cru que c'était une nouvelle phrase. Et ça aussi c'est intéressant pour JB, car il a bel et bien remarqué dans l'exercice de son travail, lui qui parfois a recours à cette forme de ponctuation et donc de syntaxe, que certains correcteurs ont tendance à l'amender: ils lisent comme l'a fait Delboulle et veulent imposer une majuscule après le point d'exclamation ou d'interrogation selon les cas. On voit encore une fois les conséquences qu'une telle modification peut avoir.

Toujours est-il que, face à cet original latin, JB commence à se dire qu'il a en face de lui ce qu'on appelle en traductologie une "belle infidèle", c'est-à-dire une modification importante d'une phrase du texte original, effectuée par le traducteur pour la rendre plus "belle" en français. Le texte original est profondément transformé car le traducteur considère que c'est "mal dit", "moche" dans le texte original. Là encore, on voit quelles conséquences peuvent avoir les belles infidèles. Cette pratique était justement très courante à l'époque de de Montlyard, et ce, mettons jusqu'au XIXe siècle.

JB, qui veut être sûr de ce qu'il avance, va chercher d'autres traductions. Il trouve l'espagnole, qui confirme ses craintes:


C'est encore plus flagrant en espagnol. En fait, de Montlyard a voulu impérativement composer un poème en vers. Alors que l'original latin ne l'est pas (la traduction espagnole nous le confirme). Pour les besoins rythmiques, il a donc eu recours à des images: Circé et Méduse. De la même manière que cercueil est ajouté pour rimer avec œil (et ce, sans qu'il y ait dans le texte original le sémantisme de la mort, de l'ensevelissement), il a eu recours aux deux figures mythologiques, sans doute pour restituer ce que les Espagnols traduisent par "sirene perversa para los locos".


Cette énigme élucidée, JB peut tenter (il dit bien: tenter) d'en élucider une seconde et ainsi répondre à la première question:
Comment, et surtout pourquoi, la gorgone donne-t-elle naissance à un verbe? Pour quelles raisons méduse et ses dérivés ont-ils connu une fortune lexicographique en français qu'ils n'ont pas dans les autres langues? Y a-t-il des raisons psycholinguistiques? Sociolinguistiques?
Ni l'un ni l'autre, mon Capitaine!

Reprenons quelques points.
Le Robert historique nous indiquait bien que le verbe était "rare avant 1838" (ce que JB a montré à travers deux exemples, notamment celui du marquis, mais il en a plein d'autres à mettre en avant), et qu'il est "surtout courant au participe passé". De plus, JB a insisté sur un lien avec la peinture. De même qu'il a pris un exemple de 1815.
Alors?
Est-ce que les petits amis de JB ont une idée?
Oui? Non?
Qu'est-ce qui se passe au lendemain des guerres napoléoniennes?

Au lendemain des guerres napoléoniennes, en cette année 1815, la France est laminée et humiliée, occupée et saccagée par les Anglais et les Prussiens. Napoléon rentre en France, repart, est exilé. C'est soulèvements et changements de régime à répétition. Ça pue la revanche et le ressentiment, comme en Allemagne après 1918.
En 1816, la France fait partir une frégate du port de Brest pour rétablir sa souveraineté au Sénégal. Et il s'appelle comment, ce vaisseau? Alors? Aucune idée?
La frégate s'appelle… la Méduse.
La Méduse. Le naufrage de la Méduse. Le Radeau de la Méduse, la peinture de Géricault, qui date de… 1819:




L'histoire des suites du naufrage de la Méduse nous est racontée par nul autre que Pierre Larousse, dans ce même dictionnaire où il intègre le verbe méduser en indiquant bien qu'il s'agit d'un "néologisme". Comme il n'y avait pas assez de canots pour sauver tout l'équipage, on décide de confectionner à la va-vite un radeau sur lequel 150 hommes flotteront. Or…



Pierre Larousse continue son histoire et, là, les petits amis de JB doivent faire très attention aux mots que le lexicographes emploie. JB en a souligné certains en bleu mais il y en a d'autres.



JB reprend: "Épouvantable drame", "épouvantable événement", "scène terrible et navrante", "scène d'horreur", "cri d'horreur", "supplice surhumain". "Toute la France put admirer" le tableau. Et non seulement ça, mais les libéraux pointent les officiers, royalistes, incapables d'entretenir la flotte française, tant et si bien que Louis XVIII est contraint de dissoudre la chambre au mois de septembre 1816. Non seulement le naufrage est stupéfiant (donc: médusant), mais les événements politiques qui vont suivre le sont tout autant. Et cela continue avec la peinture de Géricault. Tout cela est "monstrueux, horrible", comme l'expliquait Boissière dans son Dictionnaire analogique au verbe méduser. Mais cette "monstruosité" ne s'arrête pas là, comme le précise Pierre Larousse qui pourtant en a mis trois couches dans les superlatifs de l'"horreur" (c'est dire à quel point ça a dû choquer les esprits):



Et cette pièce, en quelle année a-t-elle été mise en scène?



Eh oui: en 1839. On se souvient que le Robert historique donne le verbe "méduser" comme "rare avant 1838". La boucle est bouclée.

Le sens politique et militaire qu'avait le verbe méduser très probablement pendant les guerres napoléoniennes (qui s'arrêtent donc en 1814), la situation du territoire français en 1815, le naufrage de la Méduse en 1816 et les troubles politiques consécutifs, la peinture de Géricault en 1819, le "drame" de Desnoyer et Dennery en 1839 — autant d'événements inextricablement liés qui ne peuvent que favoriser la fortune lexicographique du substantif méduse et la postérité du verbe méduser. Toute cette histoire a stupéfié les gens. Ces gens ont été stupéfiés tant par ces les enchaînements historiques, puis médusés par cette frégate Méduse qui ne cessait de revenir montrer son horreur, tout comme la gorgone Méduse était d'une "laideur épouvantable" et pétrifiait quiconque la regardait dans les yeux.

Médusant, non?