jeudi 9 octobre 2008

Antony et Maurice

On s'est pâmés à juste titre devant l'album d'Antony & The Johnsons, I Am A Bird Now, de 2005. Mais un an avant, il y avait encore plus beau, à mon sens le morceau le plus beau qu'il ait composé à ce jour, The Lake, une mise en musique du poème éponyme d'Edgar Allan Poe. (Et on reparlera une autre fois de l'immmmmmmmmmmmmense déception que peut représenter un concert d'Antony – il suffit d'aller voir les vidéos sur youtube, on a juste envie de lui dire d'arrêter de se déhancher, de faire des moulinets avec ses mains, en gros, de prendre des airs.)

Hier soir, j'écrivais sur Ravel et, ce qui ne manque pas d'interpeler l'auditeur, à l'écoute des premières notes de The Lake par Antony, c'est évidemment l'air de famille avec Ravel.
Écoutons d'abord le morceau d'Antony et tendons l'oreille sur le tout début:



Maintenant, répétons l'exercice avec un morceau de Maurice Ravel, à savoir le deuxième mouvement de Gaspard de la Nuit, intitulé Le Gibet (oui, je sais, c'est pas gai, mais pour les amateurs de Carlos, il faut aller voir ailleurs), ici interprété, forcément, par Dame Martha Argerich:



À présent, convainquons-nous avec une autre pièce de Maurice Ravel, cette fois interprétée par Samson François, intitulée Oiseaux Tristes (hé oui, on est toujours dans ce même univers mélancolique, ou molefonken, comme le dit magnifiquement l'adjectif norvégien dont on ignore l'étymologie, bref):



Alors? En effet. Antony a emprunté à Maurice non seulement l'introduction à un morceau, mais aussi sa façon d'y appuyer sur une seule touche, d'y faire résonner la note, puis de la redoubler en sourdine avant de commencer à interpréter le morceau en tant que tel, tout en ne cessant d'y répéter la notre introductive, comme un son lancinant, un accord fantôme qui va hanter la totalité de la composition (et on pense dès lors au contemporain de Ravel, Érik Satie, avec ses gymnopédies qui à leur tour introduiront la musique électronique, mais c'est une autre histoire). Et même si Antony a tendance à frapper davantage les touches et par conséquent à rendre ses notes plus éclatantes (on dirait plus "timbrées" si c'était une voix), alors que souvent chez Ravel le piano ne semble qu'effleuré et les accord plus amortis, il n'empêche, l'inspiration qu'Antony va trouver chez Ravel est évidente. Mais bon, on ne va pas lui en vouloir.

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