samedi 4 octobre 2008

Madness am Skamstag

Heute ist Samstag und Samstag ist auch Skamstag.
Des oripeaux musicaux, il faut absolument ressortir It must be love, de Madness. Pour beaucoup, cette chanson n'est qu'une bluette qui annoncerait presque la dégringolade à venir: violons dégoulinants, saxophones vomitifs hyper "new romantics", paroles tartignoles sur l'air de "amour toujours, amour abat-jour". A priori donc: ôskour! courage, fuyons! Madness sort le single en 1981, il reste 12 semaines dans le hit des ventes, atteint la 4e place et, à sa ressortie en 1992, gagne la 6e. Bref, du tube, de la variète.
Mais l'histoire est plus intéressante qu'il n'y paraît.

Le morceau date en fait de 1971, a été composé et interprété par Labi Siffre, un chanteur anglais ouvertement gay, qu'il avait écrit pour son amoureux, Peter Lloyd, rencontré en 1964. Autrement dit, les skinheads hétéros que sont Madness entonnent, pour leurs fans tout aussi skinheads et tout aussi hétéros, une chanson de pédé, qui parle de pédés et de pédés qui s'aiment. Même si elle est vue par le petit bout de la lorgnette, l'information vaut son pesant de cacahuètes dans un univers, celui des skins, aux codes hyper identifiés et à la masculinité exacerbée, où les valeurs de gauche (antifascisme, antisexisme) s'arrêtent souvent subitement à la porte de la chambre à coucher dès qu'il est question d'homosexualité (et je ne parle même pas de la valeur homo-érotique des accolades et autres embrassades entre skins).
Madness ne pouvait pas ne pas savoir qu'ils proposaient une nouvelle version de cette "chanson de pédé". Pour preuve, Labi Siffre apparaît en personne dans la vidéo réalisée à l'époque : oui, c'est lui, en violoniste, et c'est encore lui qui ponctue le clip par un clin d'œil. Alors quoi? Madness est-il un groupe queer, comme on dit dans la terminologie moderne? C'est une pensée séduisante pas du tout aberrante, à mon sens.
Dans leur CD de 2005, The Dangermen Sessions, uniquement des reprises, Madness chantent Lola, le fameux morceau de Ray Davies, des Kinks. Suggs, le chanteur, précise dans le livret que leur version s'inspirait de l'interprétation qu'en avait faite
Nicky Thomas (puisque, de fait, le morceau sera repris par quantité de formations de ska):
We've been playing it on and off for 20 years, but had never recorded it. In Mr Thomas' version, he didn't emphasise the fact that Lola was a man and the last verse, which explains this, was missing. We rehearsed and recorded the song quite quickly and only then realised this fact. So I spoke the last verse over the chorus outro. The song was of course written by the great Ray Davies with a marvelous lyric about an innocent young chap being chatted up by a transvestite in a Soho nightclub. I've done my fair share of dancing under electric candle light and this song says it all.

Ce que je trouve passionnant dans cette précision, c'est l'insistance de Suggs à vouloir absolument restituer la dimension queer du morceau. Loin de cacher la possibilité (entre autres) homosexuelle, il la sort du placard, il la montre, il en est fier, et il la trouve même "marvelous". Cette reprise de Lola, qui suit celle de It Must be Love, force le respect.

L'irritation, puisque irritation il y a, ne vise pas Madness mais Universal qui empêche que la vidéo originale soit reprise et copiée dans les blogs. Donc pour la voir, et voir Labi Siffre, il faut aller ici. À défaut, nous regarderons cette version live de 2007 qui a le mérite de montrer à quel point les fans sont dingues de ce morceau de Madness – ce que j'ai pu constater aux concerts tant à Paris qu'à Berlin. Confer, donc, supra et la boucle est bouclée.
Rubbzzz!


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