Oui! Sacha Distel (!!!) avec Bribri, mis en musique par Serge Gainsbourg, au sitar et à la guitare — cependant que, à la fin du scopitone, Sacha et Bribri s'essaient avec (bri)brio à la air guitar.
Or, non seulement JB a traduit hier soir le passage suivant, alors qu'Elling est en train de perdre la tête (au sens propre) — et c'est douloureux de voir un personnage qu'on suit depuis trois romans, qu'on croyait sorti d'affaire, question santé mentale, replonger de plus belle dans une folie qui n'est plus douce du tout, mais menace de la renvoyer à la case départ: l'internement:
Sur la quinzième chaîne, je pouvais sonder à loisir la vie mentale de Brigitte Bardot. Oui, LA Bardot en personne! Cela remontait à l’époque avant qu’elle n’entreprenne de s’inquiéter du bien et du mal qu’on fait aux animaux.
Car à ce concours de circonstances s'ajoutait une troisième coïncidence comme JB les adore (ce qui fait, aussi, trouve-t-il, que la vie vaut doublement le coup d'être vécue). En effet, quelques jours plus tôt, dans le Dictionnaire comique de Le Roux, publié en 1750, il trouvait l'entrée suivante:
Quoi? s'écriait JB, dans son palais socialiste, décidément ravi des coïncidences que la vie nous réserve malgré tout de façon merveilleuse. Un bardot est un être stupide?! Ça alors!
Défini en moyen français par le Godefroy comme une bête de somme, le bardot, au sens propre, est en fait ce qu'on appelle vulgairement un mulet. Ou pas tout à fait, nous informe le TLF:
Animal hybride produit par l'accouplement du cheval et de l'ânesse
Buffon, dans son Histoire naturelle (des quadrupèdes 1753-1767), nous apprend comment faire le distinguo entre le mulet et le bardot:
Pas étonnant, donc que le bardot, à l'instar de son cousin l'âne, devienne synonyme de personne sotte quand il désigne un homme ou une femme. Comme le précisait JB il y a quelques jours, le Robert des expressions et des locutions (1993) explique que "l'âne symbolise la sottise depuis l'Antiquité".
Si ce sens, et donc le terme avec lui, disparaît des dictionnaires d'argot dès le XIXe siècle, le dernier ouvrage à le mentionner est celui de d'Hautel, le Dictionnaire du bas langage (1808):
Le mot est ancien, donc, tout comme la métaphore. Il connaît des orthographes différentes.
Bardou chez Gilles Ménage, dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise (1694), qui nuance la définition admise par la majorité des lexicographes:
Bardolin chez chez François Lacombe, dans son Dictionnaire de la langue romane ou du vieux langage françois (1768):
Lequel Lacombe indique un autre mot pour désigner l'être stupide — et peut-être peut-on se demander s'il n'a pas confondu le U et le N, étant donné qu'il adopte la définition de Ménage.
Que la graphie soit bardot, bardou, bardolin ou bardelot, il s'agit au sens propre d'un mulet utilisé comme bête de somme, donc utilisée pour porter des charges (au contraire de la bête de trait, comme le cheval, qui va tirer un véhicule, qu'il s'agisse d'une charrue ou d'une carriole), puis, au sens figuré, d'un être stupide, lourdaud, idiot. À en croire Oudin dans ses Curiosités françaises (1640), qui nous confirme l'ancienneté du tour métaphorique, il existait même une autre expression:
Et finalement, cette expression Bonjour bardot, bien que tombée en obsolescence, a retrouvé une vigueur sémantique grâce à l'actualité récente. Comme quoi il n'y a décidément pas de hasard, rien que de (mal)heureuses coïncidences — rapport évidemment à ce que JB disait supra à propos d'elles.
Quant à la locution passer pour bardot, elle serait non seulement mal retranscrite mais mal comprise. Employée au Moyen Âge, elle n'aurait rien de péjorative ni moqueuse, mais se serait développée par analogie: ne pas payer de taxe de passage se disait ainsi passer par bardot (et non pas
La polysémie du verbe passer (passer pour et passer par), ajoutée à la proximité phonique des prépositions par et pour a fait le reste.
Mais, question mots oubliés, il en est un autre, cité supra, en latin, que JB avait découvert il y a quelques mois, qu'il ne connaissait pas. Ou plutôt: il était tombé par hasard sur la forme substantivée de l'adjectif latin stolidus: la stolidité. Il en avait parlé à propos d'un autre mot: ruthubuth, qu'il s'est mis en tête de remettre à la mode (bon, JB l'avoue, depuis, il ne l'a pas encore employé — Marx merci!). La stolidité, de façon immédiate, c'est la stupidité, histoire donc de rester dans la sottise et les bardots de toutes sortes.
Le terme est toujours employé en moyen français, qui connaît une ribambelle de synonymes pour désigner l'imbécillité (JB rappelle: un imbécile mais une imbécillité). Et c'est d'ailleurs le substantif que retient John Palsgrave dans sa grammaire française (JB rappelle: la première grammaire française est une grammaire anglaise), L'éclarcissement de la langue française, publiée en 1530:
Et on admire au passage le merveilleux besterie (= bêterie), que le Godefroy, le dictionnaire de moyen français, enregistre à côté de la bestardise, pas mal non plus, mais aussi de notre bestise (= bêtise) contemporaine qui désigne plutôt "le caractère de celui qui est bête", cependant que la bestiauté (oui, celui-ci existe aussi) montre comme nul autre comment le sens passe de la barbarie (notre bestialité moderne) à l'acte bête, stupide:
Ce long recensement pour en pointer un autre, et par là même de cerner le sens exacte de l'adjectif stolidus et de son substantif stoliditas. Voici comment les explique le Gaffiot:
Être stolidus renvoie donc davantage aux manières qu'au caractère d'une personne ou ses actes (confer les nuances autour des différents mots désignant la bêtise). De fait, le latin n'était pas en reste pour nommer l'imbécillité. Voyons l'éloquente liste que nous offre Jean-Baptiste Gardin-Dumesnil dans son ouvrage Synonymes latins et leurs différentes significations (1777):
Nous reconnaissons aujourd'hui certains adjectifs de cette liste (hebes = hébété, demens = dément, insanus = insane, etc.) alors que d'autres, bardus, stultus et, donc, stolidus n'ont pas eu d'équivalents dans l'histoire du français. Dans son livre Traité des synonymes de la langue latine (1853), Émile Barrault les définissait comme suit:
Barrault est pour sa part d'un tout autre avis:
Qu'il soit bouché à l'émeri en plus d'être à côté de la plaque (ce qui n'est pas sans rappeler l'emploi contemporain de l'adjectif bovin quand il qualifie le regard), ou que sa stupidité soit confite dans la fatuité, le stolidus n'a en tout cas pas les honneurs de ses congénères. Et il est au final bel et bien ce lourdaud qui définira également le bardot.
En français, la stolidité ne connaîtra pas de fortune lexicale. La base Gallica de la BNF n'en recense que 33 occurrences et, déjà en 1742 dans Traité de l'orthographe franc̜oise, en forme de dictionaire, Charles Leroy écrit: "On doute de l'usage de ce mot." Et, dans son Nouveau dictionnaire universel des arts et des sciences, françois, latin et anglois, que traduira en français (1756) le lexicographe Jean-François Féraud (l'auteur du Dictionnaire critique de la langue française, 1787-88), l'anglais Thomas Dyche explique:
La stolidité est donc au-delà de la stupidité. Ce qu'induisaient étymologiquement les adjectifs latins vesanus et vecors, composés tous deux du préfixe ve- = hors de. Un vesanus est celui qui est hors de la santé mentale et physique (sanus = sain de corps puis sain d'esprit), de même qu'un vecors se situe au-delà de l'être pourvu d'un cor, c'est-à-dire d'abord un cœur, puis une âme (confer la grandeur d'âme) et enfin une raison. Autrement dit, quiconque est taxé de °stolide est encore plus stupide que le stupide de base. C'est en tout cas le sens que lui donne Thomas Hobbes dans son ouvrage De la nature humaine (1650):
La stolidité en tant que superlatif de la stupidité est employé une dernière fois dans le roman Pauvre fille (sic!, également appelé "roman fataliste") écrit en 1834 par un certain Victor Le Floch qui introduit les deux substantif dans une gradation significative:
Mais le stolide n'a pas disparu de toutes les langues. L'italien l'a conservé ainsi que son dérivé du latin stultus = stolto, comme nous le confirme le Wiktionnaire italien:
Et la traduction en anglais de cet article nous liste tous les termes de la même famille:
Car en anglais également, la stolidité (stolidity) s'est conservée. Mais elle a suivi un autre parcours sémantique. Emprunté au XVIe siècle au français, le substantif garde d'abord son sens premier: foolishness, employé par Palsgrave, ou stupidity. Mais, en 1780, dans son General Dictionary of the English Language, Thomas Sherridan le déclare "inusité":
Si le sens premier a disparu, le mot n'a pas disparu. Aujourd'hui, il désigne l'impassibilité, l'apathie, l'absence de d'émotions. En fait, le cheminement sémantique est le même, mais à l'envers, que pour l'adjectif stupide: l'homme (ou la femme) stupide, c'est d'abord quelqu'un frappé de stupeur et qui, de ce fait, divague, devient idiot: stupide. En anglais, la femme (ou l'homme) stolid, c'est d'abord quelqu'un de stupide et qui, parce peu bavard, avec un air évaporé, en devient impassible puis apathique.
Car enfin, de tous les adjectifs latins, c'est bien le stupidus qui connaîtra la fortune lexicale la plus grande et la plus internationale, en anglais, donc, mais dans toutes les langues romanes (mais aussi en tchèque). L'autre synonyme qui a connu une fortune semblable est idiot, adoré par toutes les langues germaniques (confer le film de Lars Von Trier) et tout aussi vivant dans les langues romanes. Et, à voir cette capture d'écran que JB avait réalisée en 2010 tant il lui trouvait déjà un air stolide & stupide, on peut se demander si la linguistique ne nous aurait pas menti de bout en bout sur cette question du mulet…
Babaille!
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