samedi 6 août 2011

Louisa Mark(s)

C'était hier soir en rentrant du nighter quand il faisait si lourd même la nuit, c'était ce matin au réveil alors que la chaleur était déjà assommante, c'était la semaine dernière pendant qu'il pleuvait à torrents, ce sera la semaine prochaine quand on sera toujours dans le "trou estival" comme on dit si prosaïquement en allemand (= Sommerloch) pour désigner cette période où il ne se passe rien (JB y reviendra, sur ce mot). Mais c'était surtout le 21 juin dernier, lui indique son mange-disque électronique, lorsque JB la découvrait.

Il faisait alors une escapade dans cette période du reggae qu'on appelle Lovers Rock, un phénomène quasi essentiellement britannique, du moins qui part de l'Angleterre et qui gagnera ensuite la Jamaïque (pensons à John Holt, pensons à Myrna Hague, etc.), qui dure circa de 1978 à 1988 et qui se caractérise par des chansons d'amour dont le romantisme vient rompre avec les morceaux engagés du reggae depuis l'apparition du dub. Musicalement, le style lorgne vers la disco finissante et une soul plutôt RnB, avec des notes d'orgue très "Caraïbes", pas toujours convaincantes. De fait, et comme JB s'en entretenait pas plus tard qu'hier soir au nighter avec M le DJ, il faut beaucoup chercher, beaucoup écouter pour trouver des choses impeecables. Il y a une quantité énorme de morceaux vieillis, sirupeux, inaudibles à tous niveaux.

Quoi qu'il en soit, le style Lovers Rock (certains disent: "the best reggae music to make love to") aura au moins eu le mérite de mettre en avant des femmes, des chanteuses. Ce sont non seulement elles qui ont donné leurs lettres de noblesse à ce genre de reggae, mais ce sont par elles qu'il s'est imposé. Et c'est surtout, en 1975, par l'une d'entre elles, celle-ci que JB découvrait en ce fameux 21 juin 2011 et, depuis, dont il écoute de façon très régulière et quasi obsessionnelle (ce qui, le caractérisant, est somme toute un hénaurme pléonasme) le titre phare sorti en 1978, 6 Sixth Street: Louisa Mark. Née à Londres en 1960, elle est souvent appelée Louisa Marks, avec un S qui rend son patronyme homonyme avec celui du penseur culte de JB, le prénommé Karl. Une hésitation orthographique que réunit son surnom: Louisa "Markswoman" Mark.
Allez, on écoute d'abord, on en parle ensuite:



Alors bien sûr, diront les petits amis de JB: "Tu aimes cette chanson à cause de la flûte traversière." Et ils n'auront sans doute pas tort. Mais ce serait trop simple si c'était uniquement pour ça.
Pour JB, cette perle caractérise véritablement le style Lovers Rock: une tonalité presque poussée à l'extrême, des cuivres et l'orgue très en avant et, surtout, essentiel, la voix féminine: haute, cristalline — comme l'étaient les timbres des femmes en ces années 1970 (pensons à Susan Cadogan, pensons à Sharon Forrester). Et ce moment que JB adore par-dessus tout, c'est quand Louisa Mark module le "why?", qui se poursuit par cette phrase: "Why? Why just down the road from me so I can see? And all the people around me, they can laugh at me. So tell me, tell me baby why?"
Puisque 6 Sixth Street, pour celles et ceux qui ne l'auraient pas compris, est une chanson de trahison avant d'être une chanson d'amour. (Et, en un éclair, JB se demande à tort si la trahison est aussi un élément consubstantiel de l'amour, mais il ne va pas s'étendre sur le sujet, hein.) C'est une chanson d'une tristesse affligeante avant d'être une chanson "sur laquelle on peut faire l'amour". C'est un libido killer tune avant d'être un killer tune — pour employer la rhétorique du mightydoctorbird, ce bloggeur qui connaît ses années 70 reggae sur le bout des doigts (mais qui ignore Louisa Mark — "So tell me, tell me baby why? Why?") et nous fait lui aussi découvrir des perles.

Or, en ce 21 juin 2011 où JB découvrait avec non plus un train mais un convoi de retard l'existence de Louisa Mark, il apprenait du même coup que Louisa Mark… est décédée. Oh naaan…, se lamentait-il dans son palais socialiste. Et non seulement ça, mais il apprenait que Louisa Mark a quitté la musique en claquant la porte, comme Phyllis Dillon et Dame Patsy Todd avant elle, toutes navrées de voir leur carrière et leurs chansons bâclées par des meks qui s'en foutaient d'elles, pourvu qu'elles chantassent (comme on dit en français correct). Oh naaan…, se lamentait derechef un JB scandalisé.

La suite, on la trouve dans 2 nécros. La première rédigée par David Katz dans le Guardian. La seconde par Shola Adenekan sur The New Black Magazine. JB va alterner les deux:


Sa première chanson, enregistrée à 14 ans et intitulée Caught You in a Lie, la propulse immédiatement parmi les grandes stars féminines du reggae d'Angleterre.



On regarde une photo d'elle, publiée par le site de Trojan:


Trojan qui, dans sa nécro, passe évidemment sur les griefs qui l'ont opposé à Louisa Mark et Clement Bushay, son producteur, sur lequel JB reviendra un autre jour.


Allez, on se quitte sur sa reprise de All My Loving, un morceau des Beatles que Prince Buster avait déjà interprété en version rocksteady.

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