Alooors…
JB répondra méthodiquement aux trois questions posées. Non sans rappeler, en guise d'introduction, une exigence terminologique sur laquelle insiste le Grevisse, la Bible des grammairiens:
Le trait d'union est un signe d'unité. Il ne faut pas le confondre avec le tiret, qui est plus long et qui a d'autres fonctions.
De plus, on soulignera la nature des deux signes. Le trait d'union est un signe graphique alors que le tiret est un signe de ponctuation. Cette différence, comme nous allons le voir plus bas, explique la confusion et les erreurs orthographiques.Si la fonction du tiret est donc, entre autres, la même que celle des parenthèses ou des crochets, à savoir isoler un élément à l'intérieur d'une phrase, le trait d'union joint différentes unités lexicales entre elles:
faire un soixante-neuf, les arrière-charmes, prendre par-derrière
Pour résumer, on prendra un exemple tiré de la page 65 de Querelle de Brest de Jean Genet (et c'est JB qui souligne):
— Allez. Tourne-toi. Ça va aller vite.
Querelle se retourna. Il n'avait pu voir la queue de Norbert. Il se courba appuyant ses poings – l'un étant fermé sur le ceinturon – sur le bord du divan. Débraillé, debout en face des fesses de Querelle, Norbert était seul.
Le premier signe est un tiret dit de dialogue, le second un trait d'union, les troisième et quatrième sont des tirets dits de ponctuation. De plus, au niveau typographique, ils sont distincts. Le premier est ce qu'on appelle un tiret-cadratin, les tirets d'incise sont des tirets d'un demi-cadratin alors que le trait d'union fait un quart de cadratin. Actuellement, l'édition a tendance à éliminer le tiret-cadratin et à n'utiliser que des demi-cadratins.Enfin, ultime précision liminaire qui découle de cette différence entre la nature comme la fonction des signes, le trait d'union participe d'un principe qui régit la langue française (et de nombreuses langues romanes): l'euphonie. Le Larousse de la Linguistique et des Sciences du langage explique:
L'euphonie est la qualité des sons agréables à entendre; elle explique certains changements phonétiques dus à l'influence de phonèmes contigus ou proches; elle peut jouer soit comme facteur d'assimilation, pour éviter les contrastes phonétiques sentis comme discordants (c'est le cas, en particulier, pour les phénomènes d'harmonie vocalique), ou, au contraire, comme facteur de dissimilation, pour éviter certaines répétitions gênantes.
Prenons un exemple tout simple, qui concerne le cas de l'impératif pour les verbes du premier groupe (donc en -er) conjugués à la deuxième personne du singulier. On rajoutera un S euphonique au verbe conjugué — puisque, à la deuxième personne du singulier à l'impératif, les verbes du premier groupe (et seulement eux) ne prennent PAS de S, contrairement aux autres temps de conjugaison:
Des nœuds, pompes-en goulûment.
Des tribades, fréquentes-en plus souvent.
Attention, et JB se répète (ce qu'il déteste ordinairement): il ne faut pas confondre ce S euphonique avec le S qui marque la terminaison des verbes conjugués à la deuxième personne du singulier! On utilise ici ce S, sans quoi il y aurait hiatus. On ne peut pas dire:
C'est ce même principe euphonique qui régit l'emploi du trait d'union dans les phrases interrogatives où la Grotte s'interroge sur l'emploi des différents signes (apostrophe ou trait d'union).
Et maintenant, mes petits amis, commençons.
1) Le fameux T de liaison qu'on utilise notamment dans les formules interrogatives et qu'on appelle en grammaire un T analogique ou T euphonique (revoilà notre euphonie), s'intercale entre deux traits d'union et sépare les verbes terminés par E, A, C du sujet. Exemples:
Bande-t-il?
Mouilla-t-elle?
Convainc-t-il quand il le baise? [ou la, selon les préférences]
2) Pour les verbes terminés par un D, il n'y a pas d'ajout du T analogique puisque le D se prononce dans sa position de lettre de liaison comme un T. On dira ainsi:
Les entend-il faire une partie de jambes en l'air?
Comprend-elle l'expression “brouter le cresson”?
Si on reprend la phrase supra "quand il le/la baise", on entend distinctement (outre le bruit produit par les râles copulatoires) que le son de liaison émis entre le D et le I est un T. Cela n'est ni anormal ni pathologique puisque le D et le T sont plus ou moins une seule et même lettre, la première étant sourde, la seconde étant sonore (ou: voisée). Ce sont des occlusives, dont Wikipédia nous donne la définition on ne peut plus claire et pas du tout compliquée:
En phonétique articulatoire, une consonne occlusive (ou brièvement une occlusive) désigne une consonne dont le mode d'articulation fait intervenir un blocage complet de l'écoulement de l'air au niveau de la bouche, du pharynx ou de la glotte, et le relâchement soudain de ce blocage.
Voire, pour être précis, il s'agit d'une occlusive alvéolaire. Puisqu'on trouve d'autres consonnes occlusives: les occlusives bilabiales (B et P) et les occlusives vélaires (K et G) pour ne citer que les plus connues, en tout cas celles qu'on trouve dans le système phonétique français.
Pour prendre de nouveau quelques exemples, on comparera les lèvres, qu'elles soient buccales ou vaginales, grandes ou petites. En allemand, elles se disent Lippen, de même qu'elles se disent lips en anglais et lepper en norvégien. Mais en danois elles se disent læber, labios en espagnol et labbra en italien.
C'est compris?
On notera, en guise de conclusion, que le fameux "blocage complet de l'écoulement de l'air au niveau de la bouche" se produit dans d'autres situations, elles aussi copulatoires, et conduit à ce que l'on peut aisément qualifier de coïtus interromptus.
Bon, on peut à présent laisser la phonétique et revenir à la grammaire.
3) La troisième et dernière question porte sur l'emploi, toujours dans le contexte de la liaison en français, du trait d'union et de l'apostrophe.
Il y a là confusion sur la nature du phénomène syntaxique. Confusion qui amène à son tour des erreurs orthographiques. Entendons-nous bien.
Le trait d'union est entre autres un signe pour marquer une liaison. L'apostrophe est un signe pour marquer une élision, c'est-à-dire la disparition d'une lettre, qu'il s'agisse d'une voyelle ou d'une consonne.
Dans le cas d'une "voyelle amuïe par une autre voyelle", ainsi que le Grevisse qualifie "le phénomène phonétique de l'élision et sa traduction graphique", cela donne:
Telle Marguerite Duras, on dira L'Amant, et non
Le phénomène touche également les consonnes:
J'm'en vais t'donner un coup d'reins, t'vas voir!
Alors, certes, la liaison et l'élision participent d'un même phénomène phonétique: ce principe d'euphonie qui caractérise la langue française et induit des changements graphiques pour éviter comme on l'a vu plus haut le hiatus et/ou la dissonance, bref: la cacophonie. Cependant, dans le cas qui nous occupe, c'est-à-dire la confusion dans l'emploi de l'apostrophe ou du trait d'union, l'erreur vient non pas de la nature du signe, mais de l'analyse de la nature de la phrase — comme c'était le cas plus haut dans l'erreur dans la compréhension de la nature et/ou de la fonction du terme et/ou du signe.
C'est en effet parce qu'il y a inversion du sujet et du verbe que règne l'anarchie la plus totale dans l'écriture orthographiquement juste des signes en présence. Il faut pour bien comprendre reprendre nos exemples du début. On se souvient qu'on dit donc:
Des nœuds, pompes-en goulûment.
Des tribades, fréquentes-en plus souvent.
Mais on dira en revanche:
Des nœuds à pomper, trouve-t'en tout seul!
Des tribades, donne-m'en plus souvent.
Ou encore:
Un godemiché, achète-t'en un avec tes petits sous à toi!
Toutefois, les deux signes n'ont ni la même la nature, ni la même fonction. Le premier est un trait d'union dont la fonction, ça aussi on l'a vu, est de regrouper deux unités lexicales: le verbe et le T' qui suit (on y revient tout de suite). L'apostrophe, comme on l'a également vu, sert à éviter le hiatus entre les deux E. On ne dira pas:
Le premier E est élidé, selon le principe d'euphonie.
Alors d'où vient l'erreur?
Dans la mauvais compréhension de la nature du T. Reprenons deux exemples déjà vus et lus et entendus:
Mouilla-t-elle?
Des nœuds à pomper, trouve-t'en tout seul!Dans la première phrase, il s'agit d'un T euphonique, d'un T de liaison. Dans le second cas, ce T n'est pas un T euphonique mais un pronom personnel. Le pronom personnel TE employé dans le verbe pronominal se trouver, conjugué à la deuxième personne du singulier. Mais qui, parce qu'il est élidé selon le principe d'euphonie, prête à confusion. De plus, on peut remarquer, comme on l'a vu plus haut, qu'il n'y a pas de S au verbe trouve puisqu'il s'agit d'un impératif.
Un moyen mnémotechnique pour faire la différence.
a) remplacer T par nous et entendre l'effet que cela produit:
Des nœuds à pomper, trouve nous-en!
On voit, lit et entend bien qu'il ne s'agit pas du verbe pronominal se mouiller (sans quoi on dirait se mouilla-t-elle? — et on retrouverait dès lors le T euphonique), mais qu'il s'agit dans la seconde phrase du verbe trouver qui ici n'est plus dans sa forme pronominale. Et il n'y a pas de trait d'union entre trouve et nous puisqu'il ne s'agit pas du verbe pronominal se trouver, de même qu'il n'y a toujours pas de S puisqu'il s'agit toujours d'un impératif.Un second moyen mnémotechnique:
b) retourner la phrase (si JB peut dire):
Elle mouilla.
Trouve-toi tout seul des nœuds à pomper!
En inversant la première phrase, c'est-à-dire en la faisant passer de la forme interrogative à la forme affirmative, on voir que le T disparaît: c'est donc un T euphonique. En inversant le complément d'objet direct "des nœuds à pomper" on voit que le T reste, ici sous la forme toi: c'est donc un pronom personnel, ici indirect.Est-ce que c'est bien compris?
Des questions?
1 commentaire:
C'est limpide !
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