lundi 9 novembre 2009

20 ans, la fête de… Coming Out

Vous êtes Français(es) et vous n'avez pas pu échapper aux vingt ans de la chute du Mur. Les médias français ont à coup sûr présenté un vision très occidentalisante de l'ouverture du "mur de protection antifasciste", comme le qualifiaient les dirigeants de la RDA. (Et pendant que j'écris ces phrases j'entends le feu d'artifice qui résonne à la Porte de Brandebourg… Non, je n'y suis pas: il pleut.) Ils auront donné l'image de la RDA selon l'angle qui leur plaît, c'est-à-dire en pointant uniquement l'absence de liberté, la privation, la surveillance - qu'on ne peut certes éluder, mais qu'on ne peut non plus mettre en avant comme unique réalité dépeignant la RDA. Confer ce que j'écrivais hier. Confer les témoignages dans la TAZ du week-end. Confer ce que mes amis qui ont grandi à l'Est me disent toujours: ce qu'ils regrettent de la défunte RDA, c'est l'entraide, la vie communautaire, le partage; ce qu'ils déplorent, c'est la commercialisation à outrance, le capitalisme sauvage, la réification.
Bon.
Ce dont les médias français (même pas homosexuels) n'auront pas parlé, c'est donc des petites histoires - ce sont elles, aussi, qui font l'Histoire et, en l'espèce, ce surtout elles qui l'ont faite! (Pourquoi les contestataires les plus virulents refusaient-ils de quitter la RDA alors que le régime voulait les extrader? Pourquoi les soldats ont-ils refusé de tirer sur la foule à Leipzig, le 9 octobre 1989, lors de la désormais traditionnelle manifestation du lundi? Pourquoi les concerts punks avaient-ils lieu dans les églises?)
La petite histoire c'est que le 9 novembre 1989, au Kino International sur la Karl Marx Allee, à dix pas de chez moi, a lieu la première du film de Heiner Carow, Coming Out. C'est le premier (et le seul - et pour cause) film de la RDA à faire de l'homosexualité son sujet principal. Le sujet du film est de montrer un jeune professeur berlinois qui n'ose ni dire ni vivre son homosexualité. Le propos du film est de rappeler aux spectateurs, qu'ils soient homosexuels ou hétérophiles, que le plus principal est d'être honnête envers soi-même et d'oser vivre sa vie - ce qui n'est pas rien dans cette RDA agonisante qui a décréminalisé l'homosexualité depuis 1968.
Comme le dit Martin Reichert aujourd'hui, mon journaliste chouchou de la TAZ:
[Ce soir-là, le 9 novembre] L'Allemagne de l'Est dans son ensemble a fait son coming out; un processus libérateur, en partie douloureux, qui va en fait poursuivre les protagonistes toute leur vie: qui suis-je vraiment? que voudrais-je vraiment - et suis-je prêt(e) à l'assumer? La liberté peut être franchement duraille.
Outre que son papier est passionnant (justement parce qu'il dépasse la simple thématique gay), Martin Reichert interviewe l'acteur principal, que le film rendra célèbre. Il s'appelle Matthias Freihof et les Français(es) les plus accros au poste le connaissent sans doute parce qu'il jouait l'assistant de… Siska, oui, la série policière un poil ringue que France 3 a diffusé en son temps. Et qu'est-ce qu'il dit Matthias (encore un chouchou) du Berlin homosexuel d'alors? Qu'est-ce qui lui plaisait? "Cette atmosphère familiale [des bars gays tel que le film les présente]. On était dans le bar, tranquilles, on papotait. Bien sûr qu'on y venait pour le sexe, mais pas seulement." Tout ça n'a pas disparu néanmoins, les lieux existent encore, à l'Est. (Matthias, je t'y emmène, allez, viens.) Blague à part, ce qui est intéressant dans son allégation (pour le coup), c'est ce regret de l'intimité communautaire, ce à quoi je faisais allusion plus haut.

Allez, on regarde un extrait - en allemand, sans sous-titres.

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