mardi 27 octobre 2009

Les souvenirs

Il y a vingt ans quasi jour pour jour, je revoyais pour la deuxième fois deux films qui allaient définitivement marquer mes affects (on va le dire comme ça - puisque je décidais après de ne plus aller au cinéma). Le premier, c'est évidemment Les Ailes du désir. Le second, c'était un film de Kieslowski, méconnu (je pense en écrivant cela à ceux de lui qui vont suivre), réalisé avant son fameux décalogue. Il s'appelle Sans fin. L'histoire est double: après la mort d'un avocat défendant la cause d'un ouvrier accusé d'avoir organisé une grève, son épouse va tenter par tous les moyens que l'accusé remporte son procès et, parallèlement, elle se rend compte qu'elle a aimé son mari - mais trop tard (à l'époque, je lui trouvais d'ailleurs un air de famille avec Catherine Deneuve - bon).
Je me suis souvenu aujourd'hui d'une scène en particulier. Puisque la femme est traductrice littéraire. Dans mon souvenir, il y avait une longue scène où on la voyait traduire 1984 d'Orwell, où elle peine, où elle cherche les mots, bref: elle travaille - et je me souviens d'avoir trouvé cet épisode fascinant. En visionnant le film cet après-midi, je me suis rendu compte que ma mémoire m'a trompé. En partie du moins. Certes, elle traduit bien Orwell, mais on sait pas si elle traduit 1984. Qui plus est, la scène ne dure même pas 30 secondes, au bas mot 20, et elle n'a pas l'air tant en difficultés que cela. On regarde - ça commence à 6'45'' environ; attention, c'est très court:



Je ne sais pas pourquoi je me suis souvenu de cette scène aujourd'hui, ou peut-être parce que traduire Encerclement se révèle nettement plus ardu que je ne le croyais. Le plus étonnant dans cette scène, c'est le mimétisme: la réalité qui a rejoint la fiction (je suis traducteur), la réalité qui a rejoint le passé (j'habite désormais à Berlin, confer supra) - alors que tout ceci n'est en fait que du/des fantasme(s): on veut (je veux) se persuader qu'à un moment il y a une espèce d'explication logique à ce qu'on vit, à ce qu'on décide de faire, que tout s'explique. Bien sûr, la psychanalyse nous donne en partie raison, mais de là à croire au déterminisme… Il y a tout de même une chose, qu'on ne peut pas enlever: l'émotion artistique qui, dans le cas du cinéma appliqué à l'expérience personnelle, se transforme en impression rétinienne. À cette aune, pas de lecture de Nils Holgersson à l'âge de 10 ans sans intérêt pour la Scandinavie plus tard. Pas d'Ailes du désir et pas de Sans fin à l'âge de 20 ans sans traduction littéraire à Berlin plus tard? C'est ça?

Quant à savoir pourquoi cette association aujourd'hui entre la traduction de l'un et la remémoration de l'autre, çaaa…

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