Réveil. Le soleil brille sur Berlin. Enfin. La neige est blanche, le ciel bleu clair, le soleil éblouissant. Dimanche. Le silence dehors. Ce monde des dimanches, comme suspendu.
Il y a quelques heures encore, je parlais du Night and Day de Virginia Woolf publié en 1919 et de la demoiselle Nat og Dag écrit en 1926 par Karen Blixen dans son conte gothique Le Raz-de-marée de Norderney. Et si le proverbe jamais deux sans trois est juste, et puisque le saut temporel est quasiment égal dans la mesure où on saute presque de 6 ans en 6 ans, alors nous arrivons en 1932 quand Cole Porter compose le morceau Night and Day pour la comédie musicale Gay Divorce (tout est décidément parfait). Et comme une des voix féminines que j'affectionne tout particulièrement n'est autre que Tracey Thorn, nous pouvons dès lors écouter la version qu'elle en livre.
Nous sommes en 1982. Tracey a une petite vingtaine d'années. Elle a chanté dans un girl band intitulé Marine Girls (un des groupes fétiches de… Kurt Cobain!), elle vient de sortir un disque de 8 chansons, A Distant Shore, où elle reprend magnifiquement à la guitare acoustique le Femme Fatale de Nico. Elle vient aussi de rencontrer Ben Watt, qui n'est encore qu'un ami, qu'un étudiant - ils n'ont pas encore fondé Everything But The Girl, ils ne se sont pas encore mariés, ils n'ont pas encore eu d'enfants, Ben Watt n'est pas encore atteint de cette forme rare de leucémie qui est l'inverse du sida mais produit des effets similaires (Ben Watt est alors d'une maigreur cachectique) et qui leur fera écrire en 1996 Missing, chanson qui non seulement les sortira de l'impasse musicale dans laquelle ils étaient plus ou moins acculés mais deviendra le succès que l'on sait et sera, surtout (on l'oublie trop), une chanson identificatoire pour tous les séropositifs et les malades du sida à l'époque.
Et donc, en 1982, ils interprètent Night and Day de Cole Porter. La guitare sèche comme seul instrument du morceau a des sonorités brésiliennes, telle plus tard en 1996 leur reprise du Corcovado d'Antonio Carlos Jobim; l'interprétation a des accents lascifs, alanguis, mais jamais nostalgiques, seulement empreints d'un désir contenu; Tracey module déjà sa voix en en révélant la puissance sans pourtant jamais la laisser prendre le dessus, et au final Ben réserve à l'auditeur une petite surprise…
C'est la chanson idéale pour se réveiller dans ce dimanche silencieux et ensoleillé. Et avec elle on peut chanter ces paroles qu'elle a légèrement modifiées par rapport à l'original: "Night and day / Deep in the hide of me / There's an oh such a hungry yearning burning inside of me / And this torment won't be through / Till you let me spend my life making love to you / Day and night, night and day". Enjoy.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire