jeudi 21 janvier 2010

"et on serait guéri"

Hier, je regarde la bande-annonce du film de Joann Sfar consacré à Serge Gainsbourg. Cette nuit, je fais ce rêve:
Je suis à ce qui semble être une garden-party. Nous sommes en contrebas d'une maison prolongée par une terrasse qui elle-même descend vers un étang artificiel à la superficie rectangulaire, comme une piscine mais ce n'en est pas une. Le point d'eau est recouvert d'une épaisse couche de glace. Serge Gainsbourg se tient dessus, qui discute avec une femme en bordure du bassin, en fumant son éternelle cigarette. Je regarde la glace, je la vois se craqueler, se disloquer, je veux prévenir Gainsbourg qu'il va tomber dans l'eau glacée, qu'il peut mourir d'hydrocution, et au moment où je veux m'élancer, sa jambe gauche est comme happée par le bassin. Puis c'est tout son corps qui est englouti. Je le sauve. Nous sommes ensuite dans le couloir, devant une salle d'eau. Je lui tends des vêtements, une serviette de bain. L'ordonne de se déshabiller, de se frictionner, de prendre une douche chaude. Lui: "Est-ce vraiment nécessaire?" Moi, éberlué: "Mais bien sûr, voyons!"

Hier aussi, histoire de mieux préparer la journée d'aujourd'hui (et de mieux trouver une réplique à Thomas Bernhard et sa fameuse phrase), j'avais ressorti Le Psychanalyste de Leslie Kaplan et j'avais relu ce passage:
L'important était de maintenir que la maladie et le sujet ne sont pas confondus, toujours garder la distinction, ne pas enfermer quelqu'un dans sa maladie. Tu es ce malade, et tu n'es que ça. Et de supposer qu'un sujet peut faire un pas de côté par rapport à sa maladie, la considérer, s'en décoller, elle n'est pas peau. Moi ça me plaisait parce que je me disais: c'est comme une narration, est-ce qu'une narration est racontée du point de vue de ce qu'on sait, comme un "cas" qui se déroule en ligne droite ou du point de vue de ce qu'on ne sait pas à l'avance. Et ça ne veut pas dire: improvisation. Mais c'est une question de point de vue. Cela revient à prendre la mesure de ce qu'il ne s'agit pas dans ces domaines, d'exactitude mais de vérité, et la vérité n'a pas d'efficace spontanée, elle n'est pas non plus comme un médicament qu'il suffirait d'avaler. Ah oui, et on serait guéri.
© Le Psychanalyste, Leslie Kaplan, POL, 1999


Et puis tiens, en parlant de Gainsbourg, reparlons donc de son album reggae, par trop méconnu (oublié?), Aux armes et Cætera, sorti en 1979. Enregistré à Kingston, en Jamaïque, avec, excusez du peu, des musiciens tels que Ansel Collins et Sly & Robbie (sous la houlette desquels sera produite en 2006 la formidable reprise de Lola Rastaquouère par Marianne Faithfull) ou, pour les chœurs, trois des reines du rocksteady, j'ai nommé: Rita Marley, Judy Mowatt et Marcia Griffiths, l'album propose quelques petits bijoux, ainsi de la chanson éponyme, ainsi du "remake" (comme il est nommé) de la Javanaise, ainsi de l'immeeense et trop méconnu Lola Rastaquouère sus-cité. Le plus étonnant dans cet album, sans doute, c'est l'équilibre entre le chant et la musique. À cette époque, Gainsbourg scande plus qu'il ne chante, susurre plus qu'il n'articule, devenant parfois inaudible voire incompréhensible. Or, ici, sa voix se superpose à la musique, elle se plaque sur elle, la seconde se retirant comme pour mieux révéler et rehausser la première alors que le reggae des années 70 a justement tendance à mettre la musique en avant. Ce disque pourtant de plain-pied dans l'air du temps (Bob Marley, Peter Tosh ou Jimmy Cliff sont alors des stars, et je ne parle même pas des énormes succès de stars éphémères: Lorna Bennett, Althea & Donna, et ce juste avant le déferlement de la vague 2-tone (Madness, The Specials, The Selecter, etc.)), qui marque un virage à 180° dans l'univers musical de Gainsbourg, qui semble ne pas avoir pris dans son pays (la Rance, donc), demeure pourtant aujourd'hui encore, et même pour les fans de ska et de reggae qui le méconnaissent, un album ne déparant dans aucune discothèque.
Allez, on écoute Des laids, des laids, autre morceau impeccable:

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