Résumé des épisodes précédents:
Nous sommes dans Dynastie, et ouais, avec notamment la bonasse Krystie (alias Linda Evans), avec l'immense et méchante et mauvaise et machiavélique Alexis (alias Joan Collins), et enfin avec Steven (alias Al Corley) qui fait une révélation à sa famille.
Attention! Le site français gayclic qui a dévoilé le pot aux roses a donc superposé deux extraits: 1) la version originale sous-titrée par eux en français, 2) la version synchronisée de l'époque, lors de sa diffusion dans la (f)Rance. C'est grand.
Question: le(s) traducteur(s) et les producteurs français ont-ils fait une surdose de Serge Lama?
Rappel: À la même époque, en 1982, alors que François Mitterrand et son gouvernement viennent de dépénaliser l'homosexualité, Michel Foucault (†RIP) est interviewé par le magazine gay et lesbien Masques et explique la phrase "Nous devons nous acharner à devenir homosexuels et non pas à découvrir que nous le sommes.":
"Je voulais dire: “Il faut s'acharner à être gay”, se placer dans une dimension où les choix sexuels que l'on fait sont présents et ont leurs effets sur l'ensemble de notre vie. Je voulais dire que ces choix sexuels doivent être en même temps créateurs de vie. Être gay signifie que ces choix se diffusent à travers toute la vie, c'est aussi une certaine manière de refuser les modes de vie proposés, c'est faire du choix sexuel l'opérateur d'un changement d'existence […] Être gay, c'est être en devenir, et […] j'ajouterai qu'il ne faut pas être homosexuel mais s'acharner à être gay."
Illustration: Dans un autre genre, à savoir la littérature pour enfants, et plus particulièrement à propos des romans d'Astrid Lindgren sur son personnage de Fifi Brindacier, l'Allemande Astrid Surmatz, professeur de littérature scandinave à l'université d'Amsterdam, a étudié dans un article passionnant (in: Barnboken, n°1-2, 2007) les libertés prises par certains traducteurs confrontés aux dimensions politiques de l'univers fictionnel de Fifi. Cela concerne trois points dans les romans: 1) l'évocation du nazisme et de Hitler ; 2) la référence à Quisling, l'équivalent de Pétain en Norvège pendant la Seconde Guerre mondiale ; 3) la question du cannibale. J'évoquerai uniquement le premier point en tant qu'illustration de l'adaptation dans l'épisode de la série mis en ligne supra.
L'universitaire montre en effet combien les traducteurs ont été troublés, gênés, empêchés par cette intrusion de la moquerie politique par Astrid Lindgren dans la littérature (et la question que l'on peut se poser est: s'agit-il des traducteurs ou bien des éditeurs? les seconds ayant poussé les premiers à modifier le texte). Par exemple, Fifi doit affronter dans un cirque "Adolf le costaud", l'annonce du combat étant de surcroît prononcée avec un accent allemand. Or les Anglais et Américains ont supprimé cet accent allemand, ou les Français ont (in?)consciemment ignoré le prénom d'Adolf, le renommant Hector dans la traduction de 1962 puis Arthur dans la traduction de 1995.
Ainsi, de la même manière que les traducteurs (et/ou leurs éditeurs) s'opposent à montrer aux lecteurs qu'un personnage identificatoire de roman pour enfants ait une conscience politique et puisse de facto s'insurger contre un dictateur, les traducteurs (et/ou producteurs) s'opposent à montrer aux spectateurs qu'un personnage identificatoire de série télé ait un "choix sexuel" et puisse de facto "refuser les modes de vie [hétérosexuels] proposés" et dise tout haut qu'il est gay. Le traducteur s'érige en censeur, en père la morale, en refuseur de penser en biais (queer en anglais ou skeiv en norvégien signifiant toutes les deux gay, ont aussi le sens de de traviole, pas normal), et gomme la dimension et la conscience politiques du personnage, que celles-ci soient sexuelles ou pas.
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