Hein?
Être vélocipède, ça signifie être sociable?
Escouzé-moi pour la déranche, pense JB in petto, mais ce sens lui est carrément inconnu. À moins que la signification ne fasse allusion à une locution grivoise portant sur les garçons sensibles — et JB, jamais le dernier pour avoir cet automatisme cérébral, sent ses neurones s'activer —, sinon, JB est bien en peine de faire le lien entre l'ancêtre de la bicyclette et l'urbanité.
Il va donc consulter le TLF: rien. Il file au Littré: idem.
Ça alors…
Encore une énigme lexicographique!
Choueeette!!
Mais JB ne met pas des plombes à trouver les tenants des aboutissants.
Un sociable, puisque dans ce sens il s'agit non pas de l'adjectif mais du substantif, c'est ça, dans un spécimen de 1896, fabriqué par le britannique Rudge-Whitworth:
Les petits amis de JB voient donc ici très clairement la différence entre un tandem et un sociable. Sur un tandem, les cyclistes pédalent comme de juste l'un derrière l'autre (d'où, donc, la naissance de la locution grivoise à laquelle JB faisait allusion plus haut). Alors que, sur un sociable, ils se trouvent l'un à côté de l'autre. D'où le nom de l'engin: il s'agit d'un vélocipède destiné à la socialisation, pour discuter, faire la causette, s'entretenir, se montrer urbain et donc… sociable (et il devient dès lors très complexe d'avoir, comme on le dit si bien en allemand une "circulation génitale" (= Geschlechtsverkehr) juchés sur un tel engin).
Le sociable est donc, JB le disait, un substantif. Un substantif né selon un procédé de composition lexicale que la linguistique nomme une abréviation du syntagme. C'est-à-dire la suppression d'un ou de plusieurs des mots qui formaient au départ un ensemble. Ainsi, de même que le Parti Communiste est peu à peu devenu le Parti, le sociable est l'abréviation syntagmatique en français du tricycle sociable, ainsi que nous l'avons surnommé de ce côté-ci de la Manche. Et c'est Wikipedia anglais qui nous explique son invention:
Le sociable est en outre une invention non-discriminatoire et non-lesbophobe. JB a ainsi déniché une version tribade qui susciterait les appétits de plus d'une — et nous sommes ici en Allemagne, en 1886:
JB se dit quand même: on devait se choper de sacrées élongations, voire carrément se démettre l'épaule à force de devoir faire tourner la manivelle.
Quoi qu'il en soit, dans son article consacré à l'importance du vélo dans la libération de la femme, Soren O'Malley nous explique le rôle du sociable:
Because it was not acceptable for a lady to venture out alone on a bicycle before the 1890s, tricycling chaperon’s associations were founded to provide the single female with a proper lady cyclist companion. The tandem or “sociable” was conceived so that the female could essentially be brought along for the ride by her male companion. The larger of these designs featured side by side seating on three or more wheels while others were crafted more like modern tandems with the riders positioned with one in front of the other. One popular designer suggested that “The young lady should always sit in front so that the more powerful male could handle the pedaling. The lady’s part of the bike should be dropped down low enough in front, however, so that the male can see and steer”.
Dans l'édition du 1er juillet 1893 de L'Ingénieur civil, un certain "Docteur Loisel" promettait monts et merveilles et postérité au tricycle sociable:
Ce séjournant sur Gallica, JB découvre dans la littérature un emploi du tricycle sociable:
Cet extrait est tiré d'un ouvrage intitulé Les Jeux du cirque et la vie foraine, écrit par Hugues Le Roux et publié en 1889.
Et, en feuilletant le livre, JB tombe sur cette illustration qu'il trouve absolument remarquable. Oui, il s'agit d'un homme tatoué!!!
JB en fait presque une syncope. Et doublement quand il découvre le nom de l'illustrateur qui surmonte ce dessin représentant un clown qui arracherait presque des larmes à JB:
Du coup, JB décide de chercher dans le livre la racine tatou-. Et s'il n'est pas fait plus ample mention du monsieur dessiné plus haut, une allusion est faite à ses consœurs:
Pas de doute, se dit JB (qui est aux anges car il apprend un nouveau mot: entresort), revoilà les deux tribades allemandes qui, entre-temps, se sont fait engager au cirque où elles dévoilent leurs apprêts dermatologiques et décorées, tout en circulant sur leur tricycle sociable. D'où le syntagme dont JB n'arrive hélas pas (miiince!!!) à retrouver l'origine: le tricycle tribadique.
JB continue sa lecture et tombe sur le pot aux roses, dans le chapitre intitulé Les gymnasiarques (sic):
Naaan! s'exclame cette fois JB, complètement hystéro. J'halluciiine! s'écrie-t-il à présent. Vite, mes sels! s'époumonne-t-il, le souffle court, prêt à défaillir.
Après avoir sniffé son produit magique, JB reprend sa lecture, voulant absolument savoir ce que les frères Volta ont à dire.
Et il n'est pas au bout de ses surprises!
Le frère William demande alors à son frère Thomas:
"La beauté insexuelle" ?!?!?!
JB adooore! Il le ressortira, ce syntagme, tiens.
Car, "vilaine équivoque" ou pas, n'empêche que, ouais, hein, bon, Hugues Le Roux, il est un peu beaucoup comme JB: il a l'esprit sinon mal tourné, en tout cas fixé sur certaines allusions:
Las!
Mique et remique et reremique!
Pff…
Pourquoi c'est toujours pareil!
C'est vraiment trop injuste, comme le serinait Caliméro.
Du coup, JB, vexé comme un pou, va aller se défouler en faisant du tricycle sociable.
Haaaaaaaaaaaa…
Horreur et putréfaction!
JB n'a personne avec qui faire du tricycle sociable.
Puisque c'est comme ça, il va se coucher.
Et toc!
1 commentaire:
Je suis tombée par hasard sur cet article (lors d'une recherche sur la syncope en musique : je ne sais pas quel est le rapport, mais baste) et en suis ravie : c'est fort drôle, et instructif de surcroît !
J'aime beaucoup. Bravo !
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