© icke (22h22, l'heure parfaite / die perfekte Uhrzeit)
dimanche 31 janvier 2010
"a hungry yearning burning inside of me"
Réveil. Le soleil brille sur Berlin. Enfin. La neige est blanche, le ciel bleu clair, le soleil éblouissant. Dimanche. Le silence dehors. Ce monde des dimanches, comme suspendu.
Il y a quelques heures encore, je parlais du Night and Day de Virginia Woolf publié en 1919 et de la demoiselle Nat og Dag écrit en 1926 par Karen Blixen dans son conte gothique Le Raz-de-marée de Norderney. Et si le proverbe jamais deux sans trois est juste, et puisque le saut temporel est quasiment égal dans la mesure où on saute presque de 6 ans en 6 ans, alors nous arrivons en 1932 quand Cole Porter compose le morceau Night and Day pour la comédie musicale Gay Divorce (tout est décidément parfait). Et comme une des voix féminines que j'affectionne tout particulièrement n'est autre que Tracey Thorn, nous pouvons dès lors écouter la version qu'elle en livre.
Nous sommes en 1982. Tracey a une petite vingtaine d'années. Elle a chanté dans un girl band intitulé Marine Girls (un des groupes fétiches de… Kurt Cobain!), elle vient de sortir un disque de 8 chansons, A Distant Shore, où elle reprend magnifiquement à la guitare acoustique le Femme Fatale de Nico. Elle vient aussi de rencontrer Ben Watt, qui n'est encore qu'un ami, qu'un étudiant - ils n'ont pas encore fondé Everything But The Girl, ils ne se sont pas encore mariés, ils n'ont pas encore eu d'enfants, Ben Watt n'est pas encore atteint de cette forme rare de leucémie qui est l'inverse du sida mais produit des effets similaires (Ben Watt est alors d'une maigreur cachectique) et qui leur fera écrire en 1996 Missing, chanson qui non seulement les sortira de l'impasse musicale dans laquelle ils étaient plus ou moins acculés mais deviendra le succès que l'on sait et sera, surtout (on l'oublie trop), une chanson identificatoire pour tous les séropositifs et les malades du sida à l'époque.
Et donc, en 1982, ils interprètent Night and Day de Cole Porter. La guitare sèche comme seul instrument du morceau a des sonorités brésiliennes, telle plus tard en 1996 leur reprise du Corcovado d'Antonio Carlos Jobim; l'interprétation a des accents lascifs, alanguis, mais jamais nostalgiques, seulement empreints d'un désir contenu; Tracey module déjà sa voix en en révélant la puissance sans pourtant jamais la laisser prendre le dessus, et au final Ben réserve à l'auditeur une petite surprise…
C'est la chanson idéale pour se réveiller dans ce dimanche silencieux et ensoleillé. Et avec elle on peut chanter ces paroles qu'elle a légèrement modifiées par rapport à l'original: "Night and day / Deep in the hide of me / There's an oh such a hungry yearning burning inside of me / And this torment won't be through / Till you let me spend my life making love to you / Day and night, night and day". Enjoy.
Il y a quelques heures encore, je parlais du Night and Day de Virginia Woolf publié en 1919 et de la demoiselle Nat og Dag écrit en 1926 par Karen Blixen dans son conte gothique Le Raz-de-marée de Norderney. Et si le proverbe jamais deux sans trois est juste, et puisque le saut temporel est quasiment égal dans la mesure où on saute presque de 6 ans en 6 ans, alors nous arrivons en 1932 quand Cole Porter compose le morceau Night and Day pour la comédie musicale Gay Divorce (tout est décidément parfait). Et comme une des voix féminines que j'affectionne tout particulièrement n'est autre que Tracey Thorn, nous pouvons dès lors écouter la version qu'elle en livre.
Nous sommes en 1982. Tracey a une petite vingtaine d'années. Elle a chanté dans un girl band intitulé Marine Girls (un des groupes fétiches de… Kurt Cobain!), elle vient de sortir un disque de 8 chansons, A Distant Shore, où elle reprend magnifiquement à la guitare acoustique le Femme Fatale de Nico. Elle vient aussi de rencontrer Ben Watt, qui n'est encore qu'un ami, qu'un étudiant - ils n'ont pas encore fondé Everything But The Girl, ils ne se sont pas encore mariés, ils n'ont pas encore eu d'enfants, Ben Watt n'est pas encore atteint de cette forme rare de leucémie qui est l'inverse du sida mais produit des effets similaires (Ben Watt est alors d'une maigreur cachectique) et qui leur fera écrire en 1996 Missing, chanson qui non seulement les sortira de l'impasse musicale dans laquelle ils étaient plus ou moins acculés mais deviendra le succès que l'on sait et sera, surtout (on l'oublie trop), une chanson identificatoire pour tous les séropositifs et les malades du sida à l'époque.
Et donc, en 1982, ils interprètent Night and Day de Cole Porter. La guitare sèche comme seul instrument du morceau a des sonorités brésiliennes, telle plus tard en 1996 leur reprise du Corcovado d'Antonio Carlos Jobim; l'interprétation a des accents lascifs, alanguis, mais jamais nostalgiques, seulement empreints d'un désir contenu; Tracey module déjà sa voix en en révélant la puissance sans pourtant jamais la laisser prendre le dessus, et au final Ben réserve à l'auditeur une petite surprise…
C'est la chanson idéale pour se réveiller dans ce dimanche silencieux et ensoleillé. Et avec elle on peut chanter ces paroles qu'elle a légèrement modifiées par rapport à l'original: "Night and day / Deep in the hide of me / There's an oh such a hungry yearning burning inside of me / And this torment won't be through / Till you let me spend my life making love to you / Day and night, night and day". Enjoy.
Ma petite collection (les marionnettes)
© icke
Les deux femmes de ma petite collection de billets de 50 (couronnes danoises à gauche, francs suisses à droite) se sont-elles connues? C'est peu probable. Se sont-elles vues? C'est encore plus improbable. De fait, Karen Blixen vit au Kenya de 1914 à 1931 et ses quelques séjours à Paris ne durent que quelques jours en décembre 1920 et en avril 1925. De son côté, Sophie Taeuber-Arp vit principalement en Suisse, à Zurich où elle est exerce en tant que professeur à l'École d'arts appliqués de 1916 à 1929. Mais Sophie est à Paris en 1920 - alors, avec un peu de chances peut-être se sont-elles croisées à la terrasse d'un café ou dans un couloir du métro… Elles ont pourtant à 4 ans près le même âge, la première est née en 1885 et la seconde en 1889, mais évoluent dans des cercles différents, que ceux-ci soient artistiques, géographiques ou sociaux. Ce qui n'empêche pas Karen Blixen d'écrire à sa mère, le 20 avril 1925, lors de son passage à Paris:
Tu trouveras peut-être que j'ai tort de rentrer si vite mais il me semble que je n'ai pas le choix qu'entre cette solution ou bien alors me décider à m'installer véritablement ici, à Paris, et m'inscrire dans une école de peinture pour 3 mois au moins, ce qui me paraît excessif; et, d'une certaine façon il me semble qu'il me sera plus facile de me mettre à peindre chez nous [à Rungstedlund, au Danemark] qu'ici, où je ne connais aucun peintre et où je ne puis obtenir la moindre recommandation, si bien que l'on ne veut m'accepter qu'au nombre des débutants intégraux. — Il y a deux choses que je désire beaucoup faire pendant que je serai chez nous: peindre et apprendre à faire la cuisine. Crois-tu que je pourrais faire un stage dans la cuisine de la cour?
© Lettres d'Afrique, traduit par Philippe Bouquet, Gallimard, 1985
Bon. Mais elle l'écrit noir sur blanc: "je ne connais aucun peintre". L'affaire est donc pliée.
Mais mettons. Mettons qu'elle ait vu le travail de Sophie. A-t-elle alors vu les poupées ou les marionnettes de Sophie? A-t-elle regardé ses tapisseries en se disant: "Hm, elles seraient du plus bel effet dans le château de Rungstedlund…" À moins qu'elle n'ait vu la fameuse Tête Dada, cette sculpture réalisée en 1920. Après tout, Karen passe à Paris en 1920. Et puis, elle pourrait peut-être reconnaître dans les sculptures et marionnettes de Sophie un vague air de famille avec des motifs africains, qui sait…
Sur la photo, Sophie est magnifique avec sa voilette et son œil unique comme un basilic, cet œil qui semble hésiter entre la tristesse et l'interrogation. Elle semble avoir pleuré ou s'être chamaillée (avec Jean Arp? Theo van Doesburg? mais certainement pas avec Hanne Höch, l'autre grande dame du dadaïsme qui était une amie chère).
Et elle, Sophie, a-t-elle lu les livres de Karen? On en doute. On doute que Sophie ait lu en danois le traité sur le mariage publié par Karen en 1924 (et oui…). Car, de fait, ce sont bien les marionnettes qui les rapprochent, nos deux chouchous, aussi surprenant que cela puisse paraître. En 1926, Karen Blixen publie une comédie pour marionnettes: Sandhedens Hævn, La Revanche de la vérité - ce que j'ignorais totalement avant d'écrire ce post, et qui me ravit, moi, le grand amateur des coïncidences, littéraires entres autres. Du coup, sachant cela, on peut bel et bien rêver qu'elles se soient sinon rencontrées en tout cas respectivement et mutuellement vues et lues. Et, au rayon des coïncidences qui estomaquent mais n'en demeurent pas moins improbables, peut-être que le lien entre Karen et Sophie n'est autre que Virginia (Woolf). Puisque que cette dernière publie Night and Day en 1919 et que Karen qualifie, dans le conte gothique écrit en 1926 Le Raz-de-marée de Norderney, son personnage de Miss Malin de "vieille et richissime demoiselle Nat og Dag [= Nuit et Jour], dernière représentante d'une illustre famille au blason mi-parti noir et blanc, symbolisant la nuit et le jour".
Non, si Sophie a lu quelque chose, et je me fous des anachronismes, c'est alors ce courrier que Karen écrit de Ngong à son frère Thomas le "dimanche 5 septembre 26", une lettre qualifiée de "confidentielle" qui m'est particulièrement chère et où elle note:
Je crois qu'il paraîtrait étrange à la plupart des gens, — mais moins en ce qui te concerne parce que tu as toi-même fait une expérience analogue, — de m'entendre dire que ce qui m'a le plus frappée ou affectée, lorsque j'étais à la maison, et que j'ai ensuite du mal à rapprocher de ma vie, c'est le fait qu'au Danemark les gens m'ont paru consacrer leur vie à s'efforcer d'être heureux et qu'ils l'étaient véritablement. Pour moi la vie avait pendant tant d'années été une lutte soit pour se maintenir à la surface soit pour faire aboutir certains projets malgré les circonstances, — tout d'abord malgré ma maladie, ensuite malgré l'égarement de Bror [son ex-mari, dont elle a divorcé un an plus tôt] et les difficultés que nous avons connues ici, — que j'avais oublié d'envisager l'existence sous cet angle. Je pouvais être heureuse, lorsqu'un shaurie était terminé ou avait trouvé une solution, et cela jusqu'à ce que le suivant se présente, mais être heureuse en soi, jour après jour, consacrer sa vie à être heureuse et considérer que c'est le but de celle-ci, — cela ne m'est jamais venu à l'esprit pendant tout ce temps. Et lorsque, récemment, il m'a semblé voir que c'était possible, tu comprendras que cela ait exercé sur moi une très grande attirance, non seulement parce que je pouvais y trouver le repos mais aussi parce que cela me paraissait tellement beau.
© Lettres d'Afrique, traduit par Philippe Bouquet, Gallimard, 1985
samedi 30 janvier 2010
La visite et le visionnage kurtesques
Consécutivement au commentaire de Lyly sur mon escapade dans le pays des vaches violettes et du fromage à trous, ma visite kurtesque, dixit (j'adooore - en norvégien ce serait tout aussi bien: kurtsk besøk) - je me rends compte que j'ai oublié de dire que j'arpentais les routes, les montagnes, les vallées et les écoles de lâ Suiiisse à cause de Kurt. Alors, pour tous les petits Suisses, non on va pas la faire celle-là, elle est trop fastoche et trop bêtassonne. On recommence:
Alors, pour tous les enfants, grands et petits, de Suisse et du Jura, la bande-annonce du dessin animé réalisé à partir de deux livres sur Kurt, sorti en Norvège en 2008, et qui attend toujours une diffusion francophone. Enjoy!
01022010
Et encore une fois grâce à Lyly, je peux montrer cette photo. Eh ouais, c'est mon écriture sur le tableau de Me Enderlin (et, sottement, à cause de la rime, le nom me fait penser au Général Fifrelin dans l'album 8ème Ciel de Philippe Katerine, quand il chante Lorsque je joue à la poupée - bref [et du même coup ça me rappelle cette anecdote qui remonte à une bonne dizaine d'années: on écoutait , dans la voiture avec mon père, L'éducation anglaise du même Philippe Katerine, quand il s'appelait encore Katerine uniquement. Lui: C'est pas mal… C'est qui? Moi: Katerine. Lui: Catherine? Mais c'est un homme qui chante! Moi: Oui, il s'appelle Katerine. Avec un K et sans le H. Lui: Ah… Moi: Enfin, il s'appelle Philippe Katerine. Katerine c'est son nom. Lui: Son nom ou son prénom? Moi: Hm… Les deux… Mais plutôt son nom, en fait. Et juste avant lui, tu sais, la femme qui chantait? Lui: Oui? Moi: Eh bien elle, elle s'appelle Bruno. Lui: Bruno? C'est son nom ou son prénom? Moi: Son prénom. Lui: Hm… - et on dirait presque un dialogue d'Erlend Loe, histoire de mieux boucler la boucle] fin de la looongue parenthèse crochetée). Donc, re: Tusen takk (= mille mercis = merci beaucoup) à ladite et très chère Me Enderlin ainsi qu'à ses élèves et: Ha det! (= au revoir, ou plutôt, et par contradiction du godt qui suit = portez-vous bien) et j'ajouterai: vi sees (= on se revoit = à bientôt), du moins ça me déplairait pas.
Alors, pour tous les enfants, grands et petits, de Suisse et du Jura, la bande-annonce du dessin animé réalisé à partir de deux livres sur Kurt, sorti en Norvège en 2008, et qui attend toujours une diffusion francophone. Enjoy!
01022010
Et encore une fois grâce à Lyly, je peux montrer cette photo. Eh ouais, c'est mon écriture sur le tableau de Me Enderlin (et, sottement, à cause de la rime, le nom me fait penser au Général Fifrelin dans l'album 8ème Ciel de Philippe Katerine, quand il chante Lorsque je joue à la poupée - bref [et du même coup ça me rappelle cette anecdote qui remonte à une bonne dizaine d'années: on écoutait , dans la voiture avec mon père, L'éducation anglaise du même Philippe Katerine, quand il s'appelait encore Katerine uniquement. Lui: C'est pas mal… C'est qui? Moi: Katerine. Lui: Catherine? Mais c'est un homme qui chante! Moi: Oui, il s'appelle Katerine. Avec un K et sans le H. Lui: Ah… Moi: Enfin, il s'appelle Philippe Katerine. Katerine c'est son nom. Lui: Son nom ou son prénom? Moi: Hm… Les deux… Mais plutôt son nom, en fait. Et juste avant lui, tu sais, la femme qui chantait? Lui: Oui? Moi: Eh bien elle, elle s'appelle Bruno. Lui: Bruno? C'est son nom ou son prénom? Moi: Son prénom. Lui: Hm… - et on dirait presque un dialogue d'Erlend Loe, histoire de mieux boucler la boucle] fin de la looongue parenthèse crochetée). Donc, re: Tusen takk (= mille mercis = merci beaucoup) à ladite et très chère Me Enderlin ainsi qu'à ses élèves et: Ha det! (= au revoir, ou plutôt, et par contradiction du godt qui suit = portez-vous bien) et j'ajouterai: vi sees (= on se revoit = à bientôt), du moins ça me déplairait pas.
© Lyly
La Suisse (7 et fin)
Moi je dis:
1) Un pays qui émet des billets avec Sophie Taeuber-Arp en effigie ne peut pas être si mauvais. (J'en parlais pas plus tard que l'autre jour, de Sophie, je veux dire). Confer mon index qui pointe son nom:
2) Un pays qui m'oblige à traverser le village de Berlincourt, pour moi qui habite à Berlin (Berlinlong?), en plus pour traverser un ma-gni-fi-que paysage de gorges qui me rappellent la Suisse saxonne (sic: la Suisse saxonne! il n'y a pas de hasard), encore en plus pour aller rencontrer la merveilleuse institutrice Fernande qui me reçoit comme un roi, et de surcroît pour aller rencontrer sa classe d'élèves si touchants, ce pays donc, ne peut décidément pas être si mauvais.
3) Un pays qui me donne la chance d'avoir littéralement les larmes aux yeux dans la classe de Mr Maradan; de rigoler comme un tordu avec les classes de Mrs Blanchard et Poux, surtout quand un élève de +/- 11 ans me demande d'abord "Est-ce que vous avez une dame?" puis "Mais à force de travailler comme ça, quand est-ce que vous avez le temps de vous occuper d'une dame?" et que je me vois finalement contraint de lui répondre "Mais tu sais, on peut très bien vivre sans dame"; de m'émerveiller en voyant que des élèves ayant fait un travail formidable grâce à Mme Enderlin retrouvent un peu d'estime de soi; d'être ému en découvrant dans la classe de Me Grimm (oui, comme les frères!) le petit Paul qui est un écrivain en herbe et le petit Rinor dont le visage respire l'intelligence (tous ces enfants albanais du Kosovo avaient des prénoms magnifiques) - je dis donc que ce pays ne peut assurément pas être si mauvais.
4) Conclusion: Merci Francine, merci Marjorie, et merci Christèle.
18h05:
5) Re-conclusion: Pour toutes (allez, et pour tous aussi), on termine le voyage en Helvétie avec encore unE artiste suisse, j'ai nommé Pipilotti Rist et son immarcescible I Am A Victim Of This Song, sorti anno 1995 (et écouté 82 fois depuis son entrée dans mon iTunes le 29/01/2006 c'est pas bézèf). Pour celles et ceux qui commenceraient l'écoute et songeraient, je les cite, "Oh naaan, pas la reprise de la scie de Chris Isaak"; je réponds: hé si, la scie (hö) du pas fatigant à regarder (comme dirait mon père - je veux dire: l'expression est de mon père: quelqu'un de pas fatigant à regarder) Chris Isaak car il faut écouter le morceau jusqu'au bout, il réserve une jubilatoire surprise. Viel Spass dabei!
PS: J'ai aussi oublié de dire qu'à Delémont, dans le canton du Jura, il y a un arrêt de bus intitulé Usine à gaz. Véridique! J'ai même la photo, mais elle est tellement floue que je ne peux la mettre en ligne. L'arrêt Usine à gaz est sur la ligne jaune (orange? je suis un peu daltonien…), juste après l'arrêt Rue des Primevères.
01022010:
Grâce à Lyly (merci merci merci!), vous pouvez voir le fameux arrêt Usine à gaz. Vær så god, comme on dit en norvégien ou prego en italien, ou bitte schön en allemand (et les Wallons disent s'il vous plaît - les Français de la (f)Rance ne disent rien - voilà un beau sujet d'ethnolinguistique):
1) Un pays qui émet des billets avec Sophie Taeuber-Arp en effigie ne peut pas être si mauvais. (J'en parlais pas plus tard que l'autre jour, de Sophie, je veux dire). Confer mon index qui pointe son nom:
© icke
© icke
4) Conclusion: Merci Francine, merci Marjorie, et merci Christèle.
18h05:
5) Re-conclusion: Pour toutes (allez, et pour tous aussi), on termine le voyage en Helvétie avec encore unE artiste suisse, j'ai nommé Pipilotti Rist et son immarcescible I Am A Victim Of This Song, sorti anno 1995 (et écouté 82 fois depuis son entrée dans mon iTunes le 29/01/2006 c'est pas bézèf). Pour celles et ceux qui commenceraient l'écoute et songeraient, je les cite, "Oh naaan, pas la reprise de la scie de Chris Isaak"; je réponds: hé si, la scie (hö) du pas fatigant à regarder (comme dirait mon père - je veux dire: l'expression est de mon père: quelqu'un de pas fatigant à regarder) Chris Isaak car il faut écouter le morceau jusqu'au bout, il réserve une jubilatoire surprise. Viel Spass dabei!
PS: J'ai aussi oublié de dire qu'à Delémont, dans le canton du Jura, il y a un arrêt de bus intitulé Usine à gaz. Véridique! J'ai même la photo, mais elle est tellement floue que je ne peux la mettre en ligne. L'arrêt Usine à gaz est sur la ligne jaune (orange? je suis un peu daltonien…), juste après l'arrêt Rue des Primevères.
01022010:
Grâce à Lyly (merci merci merci!), vous pouvez voir le fameux arrêt Usine à gaz. Vær så god, comme on dit en norvégien ou prego en italien, ou bitte schön en allemand (et les Wallons disent s'il vous plaît - les Français de la (f)Rance ne disent rien - voilà un beau sujet d'ethnolinguistique):
© Lyly
Et Lyly d'expliquer: “Ceci signifie chez nous "entreprise ou machine qui fonctionne à plein régime".”
Je suis malade-euh
Envoyé par Jérôme, ma sœur, cette vidéo édifiante - non pas pour les dégoulinades de violon, les décolletés pigeonnants, les choucroutes brushinguées, les cous emperlousés et les mines compassées, mais bien pour la synchronisation de l'époque, à savoir circa 1981-1982.
Résumé des épisodes précédents:
Nous sommes dans Dynastie, et ouais, avec notamment la bonasse Krystie (alias Linda Evans), avec l'immense et méchante et mauvaise et machiavélique Alexis (alias Joan Collins), et enfin avec Steven (alias Al Corley) qui fait une révélation à sa famille.
Attention! Le site français gayclic qui a dévoilé le pot aux roses a donc superposé deux extraits: 1) la version originale sous-titrée par eux en français, 2) la version synchronisée de l'époque, lors de sa diffusion dans la (f)Rance. C'est grand.
Question: le(s) traducteur(s) et les producteurs français ont-ils fait une surdose de Serge Lama?
Rappel: À la même époque, en 1982, alors que François Mitterrand et son gouvernement viennent de dépénaliser l'homosexualité, Michel Foucault (†RIP) est interviewé par le magazine gay et lesbien Masques et explique la phrase "Nous devons nous acharner à devenir homosexuels et non pas à découvrir que nous le sommes.":
"Je voulais dire: “Il faut s'acharner à être gay”, se placer dans une dimension où les choix sexuels que l'on fait sont présents et ont leurs effets sur l'ensemble de notre vie. Je voulais dire que ces choix sexuels doivent être en même temps créateurs de vie. Être gay signifie que ces choix se diffusent à travers toute la vie, c'est aussi une certaine manière de refuser les modes de vie proposés, c'est faire du choix sexuel l'opérateur d'un changement d'existence […] Être gay, c'est être en devenir, et […] j'ajouterai qu'il ne faut pas être homosexuel mais s'acharner à être gay."
Illustration: Dans un autre genre, à savoir la littérature pour enfants, et plus particulièrement à propos des romans d'Astrid Lindgren sur son personnage de Fifi Brindacier, l'Allemande Astrid Surmatz, professeur de littérature scandinave à l'université d'Amsterdam, a étudié dans un article passionnant (in: Barnboken, n°1-2, 2007) les libertés prises par certains traducteurs confrontés aux dimensions politiques de l'univers fictionnel de Fifi. Cela concerne trois points dans les romans: 1) l'évocation du nazisme et de Hitler ; 2) la référence à Quisling, l'équivalent de Pétain en Norvège pendant la Seconde Guerre mondiale ; 3) la question du cannibale. J'évoquerai uniquement le premier point en tant qu'illustration de l'adaptation dans l'épisode de la série mis en ligne supra.
L'universitaire montre en effet combien les traducteurs ont été troublés, gênés, empêchés par cette intrusion de la moquerie politique par Astrid Lindgren dans la littérature (et la question que l'on peut se poser est: s'agit-il des traducteurs ou bien des éditeurs? les seconds ayant poussé les premiers à modifier le texte). Par exemple, Fifi doit affronter dans un cirque "Adolf le costaud", l'annonce du combat étant de surcroît prononcée avec un accent allemand. Or les Anglais et Américains ont supprimé cet accent allemand, ou les Français ont (in?)consciemment ignoré le prénom d'Adolf, le renommant Hector dans la traduction de 1962 puis Arthur dans la traduction de 1995.
Ainsi, de la même manière que les traducteurs (et/ou leurs éditeurs) s'opposent à montrer aux lecteurs qu'un personnage identificatoire de roman pour enfants ait une conscience politique et puisse de facto s'insurger contre un dictateur, les traducteurs (et/ou producteurs) s'opposent à montrer aux spectateurs qu'un personnage identificatoire de série télé ait un "choix sexuel" et puisse de facto "refuser les modes de vie [hétérosexuels] proposés" et dise tout haut qu'il est gay. Le traducteur s'érige en censeur, en père la morale, en refuseur de penser en biais (queer en anglais ou skeiv en norvégien signifiant toutes les deux gay, ont aussi le sens de de traviole, pas normal), et gomme la dimension et la conscience politiques du personnage, que celles-ci soient sexuelles ou pas.
Résumé des épisodes précédents:
Nous sommes dans Dynastie, et ouais, avec notamment la bonasse Krystie (alias Linda Evans), avec l'immense et méchante et mauvaise et machiavélique Alexis (alias Joan Collins), et enfin avec Steven (alias Al Corley) qui fait une révélation à sa famille.
Attention! Le site français gayclic qui a dévoilé le pot aux roses a donc superposé deux extraits: 1) la version originale sous-titrée par eux en français, 2) la version synchronisée de l'époque, lors de sa diffusion dans la (f)Rance. C'est grand.
Question: le(s) traducteur(s) et les producteurs français ont-ils fait une surdose de Serge Lama?
Rappel: À la même époque, en 1982, alors que François Mitterrand et son gouvernement viennent de dépénaliser l'homosexualité, Michel Foucault (†RIP) est interviewé par le magazine gay et lesbien Masques et explique la phrase "Nous devons nous acharner à devenir homosexuels et non pas à découvrir que nous le sommes.":
"Je voulais dire: “Il faut s'acharner à être gay”, se placer dans une dimension où les choix sexuels que l'on fait sont présents et ont leurs effets sur l'ensemble de notre vie. Je voulais dire que ces choix sexuels doivent être en même temps créateurs de vie. Être gay signifie que ces choix se diffusent à travers toute la vie, c'est aussi une certaine manière de refuser les modes de vie proposés, c'est faire du choix sexuel l'opérateur d'un changement d'existence […] Être gay, c'est être en devenir, et […] j'ajouterai qu'il ne faut pas être homosexuel mais s'acharner à être gay."
Illustration: Dans un autre genre, à savoir la littérature pour enfants, et plus particulièrement à propos des romans d'Astrid Lindgren sur son personnage de Fifi Brindacier, l'Allemande Astrid Surmatz, professeur de littérature scandinave à l'université d'Amsterdam, a étudié dans un article passionnant (in: Barnboken, n°1-2, 2007) les libertés prises par certains traducteurs confrontés aux dimensions politiques de l'univers fictionnel de Fifi. Cela concerne trois points dans les romans: 1) l'évocation du nazisme et de Hitler ; 2) la référence à Quisling, l'équivalent de Pétain en Norvège pendant la Seconde Guerre mondiale ; 3) la question du cannibale. J'évoquerai uniquement le premier point en tant qu'illustration de l'adaptation dans l'épisode de la série mis en ligne supra.
L'universitaire montre en effet combien les traducteurs ont été troublés, gênés, empêchés par cette intrusion de la moquerie politique par Astrid Lindgren dans la littérature (et la question que l'on peut se poser est: s'agit-il des traducteurs ou bien des éditeurs? les seconds ayant poussé les premiers à modifier le texte). Par exemple, Fifi doit affronter dans un cirque "Adolf le costaud", l'annonce du combat étant de surcroît prononcée avec un accent allemand. Or les Anglais et Américains ont supprimé cet accent allemand, ou les Français ont (in?)consciemment ignoré le prénom d'Adolf, le renommant Hector dans la traduction de 1962 puis Arthur dans la traduction de 1995.
Ainsi, de la même manière que les traducteurs (et/ou leurs éditeurs) s'opposent à montrer aux lecteurs qu'un personnage identificatoire de roman pour enfants ait une conscience politique et puisse de facto s'insurger contre un dictateur, les traducteurs (et/ou producteurs) s'opposent à montrer aux spectateurs qu'un personnage identificatoire de série télé ait un "choix sexuel" et puisse de facto "refuser les modes de vie [hétérosexuels] proposés" et dise tout haut qu'il est gay. Le traducteur s'érige en censeur, en père la morale, en refuseur de penser en biais (queer en anglais ou skeiv en norvégien signifiant toutes les deux gay, ont aussi le sens de de traviole, pas normal), et gomme la dimension et la conscience politiques du personnage, que celles-ci soient sexuelles ou pas.
vendredi 29 janvier 2010
La Suisse (6)
On finit en beauté pour le dernier jour du séjour au pays des vaches violettes, et on retourne à Zurich en se propulsant cette fois en 1916.
La Première Guerre mondiale fait toujours rage et le monde est absolument abasourdi par la véritable boucherie qui se déroule sur le continent européen, si vite relayée par les journaux - pour la première fois de l'Histoire, les gens ont l'impression de vivre la guerre en direct (même si cette même Histoire nous montrera que les limites soi-disant infranchissables de l'immédiateté de l'événement sont constamment dépassées, mais c'est un autre sujet). Cette guerre d'un genre nouveau (les tranchées, les avions, les armes utilisées, le nombre de pays impliqués), la rapidité de l'information relayée (les journaux, la radiophonie) vont bouleverser les perceptions. L'absurdité de ce conflit qui ne devait durer que quelques semaines devient chaque jour plus flagrante. Et c'est cette absurdité qui sous-tend le mouvement artistique. Comme l'écrira le Néerlandais Théo van Doesburg dans son manifeste Qu'est-ce que Dada (1920): "Dada est un emblème. Dada veut être vécu. Dada ne demande aucune compréhension intellectuelle."
Le dadaïsme va révolutionner, au sens le plus propre, le plus en profondeur non seulement la pratique artistique (on passe du concret à l'abstrait, la matière artistique a recours aux objets), mais aussi les disciplines artistiques (avec la reconnaissance de nouveaux champs: la photographie, le cinéma, les arts appliqués) et surtout: l'expression. Plus rien n'a de sens, plus ne fait sens, tout est absurde, alors soyons absurdes - pourrait-on sommairement résumer. Pour de très nombreux jeunes artistes, l'art ne peut plus continuer à s'exercer tel qu'il l'a fait jusque-là. Le monde est détruit, il faut réinventer un nouveau langage, revenir à formes des formes originelles (les carrés de Mondrian, par exemple), employer des couleurs primaires (pensons aussi à Malevitch) et, aussi, pour ce qui est de la littérature, déconstruire le langage et avoir recours des mots qui sont davantage des sons (pensons à la Ursonate de Kurt Schwitters que j'ai déjà présentée ici). Le mouvement Dada, et donc le dadaïsme, est né. Et il est né où? En Suisse, à Zurich.
Le dadaïsme va révolutionner, au sens le plus propre, le plus en profondeur non seulement la pratique artistique (on passe du concret à l'abstrait, la matière artistique a recours aux objets), mais aussi les disciplines artistiques (avec la reconnaissance de nouveaux champs: la photographie, le cinéma, les arts appliqués) et surtout: l'expression. Plus rien n'a de sens, plus ne fait sens, tout est absurde, alors soyons absurdes - pourrait-on sommairement résumer. Pour de très nombreux jeunes artistes, l'art ne peut plus continuer à s'exercer tel qu'il l'a fait jusque-là. Le monde est détruit, il faut réinventer un nouveau langage, revenir à formes des formes originelles (les carrés de Mondrian, par exemple), employer des couleurs primaires (pensons aussi à Malevitch) et, aussi, pour ce qui est de la littérature, déconstruire le langage et avoir recours des mots qui sont davantage des sons (pensons à la Ursonate de Kurt Schwitters que j'ai déjà présentée ici). Le mouvement Dada, et donc le dadaïsme, est né. Et il est né où? En Suisse, à Zurich.
Certes, il n'est pas né ex nihilo. En 1914, l'Italien Marinetti (qui deviendra le ministre de la Culture de Mussolini, ne l'oublions pas) a publié son Manifeste futuriste dans le Figaro; la même année, Marcel Duchamp a exposé son porte-bouteilles et inauguré ainsi ses ready-made; les cubistes tels que par exemple Picasso ou Modigliani ont déjà montré un monde morcelé - bref. Mais beaucoup plus encore que les futurismes italiens ou russes avant lui, qui se cantonnent principalement à l'art pictural, le dadaïsme va s'inviter dans toutes les disciplines artistiques: peinture, littérature, théâtre, photographie, musique, sculpture - et tant pis si ce sont principalement les arts dits plastiques qui vont bénéficier majoritairement de cette révolution artistiques.
En 1916, toute une cohorte de jeunes artistes vivent à Zurich. On trouve notamment le roumain Tristan Tzara, les Allemands Richard Huelsenbeck et Hans Richter, l'Alsacien Jean Arp et sa future femme la Suissesse Sophie Taeuber (au passage: l'histoire de l'avant-garde, des avant-gardes, a la fâcheuse tendance à repousser les femmes artistes sur les cotés et dans les coulisses; un récent travail sur le Bauhaus de Dessau a montré pour les architectes masculins qui y travaillaient, les femmes n'avaient nullement leur place dans la pratique architecturale). Ce petit monde se rencontre dans une "petite taverne" zurichoise, le Cabaret Voltaire, sise au 1 de la Spiegelgasse - le 2 février 1916, les artistes annoncent à la presse que le café a été inauguré le… 5 février. C'est ici que le mot dada va être inventé. Dans son histoire du dadaïsme (publiée en 1920), Richard Huelsenbeck décrit ainsi l'événement: "Nous avons découvert le mot Dada par hasard [entre mars et avril, disent les historiens], Hugo Ball et moi, dans un dictionnaire allemand-français, en cherchant un nom pour madame Le Roy, la chanteuse du Cabaret. Dada signifie en français: petit cheval de bois. Il impressionne par sa brièveté et son pouvoir suggestif. Dada devint vite l'enseigne de tout ce que nous avons lancé comme art au Cabaret Voltaire. Par "l'art le plus nouveau" nous entendions alors, en général, l'art abstrait. La signification du mot Dada s'est par la suite transformée."
Et c'est donc au Cabaret Voltaire qu'ils vont organiser des "soirées", où sont accrochés leurs travaux artistiques, jouées des pièces de théâtre, lus des poèmes de leur plume. Parmi eux se trouve donc l'Allemand Hugo Ball qui se présente ainsi, dans un costume en carton qui le contraint au point de l'empêcher tout à fait de bouger:
La suite, c'est lui qui la raconte:
Des trois côtés du podium, j'avais placé des pupitres, face au public, et y avais disposé mon manuscrit peint au crayon rouge, récitant tantôt près de l'un de ces pupitres, tantôt près de l'autre. Puisque Tzara était au courant de mes préparatifs, nous eûmes une vraie petite pemière. Tous mouraient de curiosité. Puisque je ne pouvais pas marcher en tant que colonne, je me suis fait porter sur le podium dans l'obscurité, et j'ai commencé d'une manière lente et solennelle:
gadji beri bimba glandridi lauta lonni cadori
gadjama gramma berida bimbala glandri galassassa laulitalomini
gadji beri bin blassa glassala laula lonni cadorsu sassala bim
gadjama tuffm i zimzalla binban gligla wowolimai bin beri ban
o katalominai rhinozerossola hopsamen laulitalomini hoooo
gadjama rhinozerossola hopsamen
bluku terullala blaulala loooo
C'en était trop. Après le début de consternation devant ce jamais-entendu, le public finit par exploser.
Un dernier mot sur le dadaïsme. Les artistes dadaïstes s'insurgent aussi sur la place de l'artiste dans la société. Ils dénoncent les générations précédentes, isolées dans leur tour d'ivoire, sans lien avec la société. Ils veulent créer un art qui non seulement change le monde, mais qui change le quotidien des gens (confer l'architecture et les arts décoratifs). Ils tirent à boulets (très) rouges contre "les bourgeois". C'est un mouvement pseudo-anarchiste ou, comme l'exprime Raoul Hausmann: "Le dadaïste ne subit pas naïvement le monde; ni Dieu, ni père ni maître ne peuvent le châtier. Dada est auto-désintoxication pratique, une situation européenne moderne, anti-Est, anti-orientale, non-magique. Dada est la vésicule germinative d'un nouveau type d'Homme: par-delà le poids mort du péché moral-chrétien moyenâgeux. Dada est la négation d'une culture qui n'était pas tragique mais pourrie."
Après, on sait ce que cette théorisation de "l'homme nouveau" mettra en place, mais c'est une autre histoire, ça aussi. Pour l'heure, il reste Dada. Finissons par cette nouvelle citation de Theo van Doesburg, le grand théoricien du mouvement De Stijl: "Dada est un état d'esprit, indépendant de toute école ou théorie, que l'individu embrasse personnellement, sans se faire violence."
jeudi 28 janvier 2010
La Suisse (5)
Avant-dernier jour au pays des vaches violettes.
On ne saurait bientôt achever cette incursion dans le monde littéraire suisse sans parler d'Aglaja Veteranyi.
Aglaja Veteranyi est née en Roumanie, en 1962. Dans une famille d'artistes de cirque. Très vite, la famille va fuir la Roumanie de Ceaucescu pour finalement s'installer en Suisse. Ces souvenirs de fuite et d'émigration, l'auteure les a fixés dans un roman au titre étrange: Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta. Un titre qui évoque non seulement les ogres, donc les parents (ici: la mère ET le père), mais aussi ces enfants qui se laissent faire, par amour, des Hansel et des Gretel qui s'observeraient depuis la face transparente du miroir sans tain. Voici un récit d'enfance qui comme toutes les narrations de ce type renferme une sidération inhérente au genre - quand le texte est réussi, et ici il l'est.
Aglaja Veteranyi s'est, selon l'expression consacrée, "donné la mort" quelques mois avant ses 40 ans révolus, en 2002. Elle semble avoir révolutionné les lettres suisses alémaniques avec ce récit d'enfance aux allures de conte cruel et de lucidité sidérante où sont évoqués pèle-mêle et dans la désordre (et avec la même effroi que chez herta Müller - mais avec cette même fausse ingénuité puérile que la Linda du dyptique de Beate Grimsrud (qui devrait déjà être traduit, soit dit en passant)) cette Roumanie de Ceaucescu où la Securitate est hyper présente, la vie chiche et les espoirs sans limites, la prise de conscience de sa différence en propre,l'ostracisme et la certitude profonde qu'on va y arriver, qu'on va réussir - avec cet acharnement très foucaldien (comme on dit).
On ne saurait bientôt achever cette incursion dans le monde littéraire suisse sans parler d'Aglaja Veteranyi.
Aglaja Veteranyi est née en Roumanie, en 1962. Dans une famille d'artistes de cirque. Très vite, la famille va fuir la Roumanie de Ceaucescu pour finalement s'installer en Suisse. Ces souvenirs de fuite et d'émigration, l'auteure les a fixés dans un roman au titre étrange: Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta. Un titre qui évoque non seulement les ogres, donc les parents (ici: la mère ET le père), mais aussi ces enfants qui se laissent faire, par amour, des Hansel et des Gretel qui s'observeraient depuis la face transparente du miroir sans tain. Voici un récit d'enfance qui comme toutes les narrations de ce type renferme une sidération inhérente au genre - quand le texte est réussi, et ici il l'est.
Aglaja Veteranyi s'est, selon l'expression consacrée, "donné la mort" quelques mois avant ses 40 ans révolus, en 2002. Elle semble avoir révolutionné les lettres suisses alémaniques avec ce récit d'enfance aux allures de conte cruel et de lucidité sidérante où sont évoqués pèle-mêle et dans la désordre (et avec la même effroi que chez herta Müller - mais avec cette même fausse ingénuité puérile que la Linda du dyptique de Beate Grimsrud (qui devrait déjà être traduit, soit dit en passant)) cette Roumanie de Ceaucescu où la Securitate est hyper présente, la vie chiche et les espoirs sans limites, la prise de conscience de sa différence en propre,l'ostracisme et la certitude profonde qu'on va y arriver, qu'on va réussir - avec cet acharnement très foucaldien (comme on dit).
Je ne vais pas à l'école mais je parle des langues étrangères et je connais une quantité d'histoires, bien plus que ce qu'on apprend à l'école. Ma mère dit que je n'ai pas besoin d'aller à l'école, que le plus important, je le sais déjà.
LE PLUS IMPORTANT:
Se surveiller devant les autres.
Ne pas leur dire la vérité pour qu'ils ne se moquent pas de nous.
Les gens ne s'aperçoivent pas que je suis différente, j'invente sans cesse de nouvelles histoires à notre sujet pour qu'ils ne croient pas que nous ne sommes personné et que nous n'avons rien vécu.
Quand je serai majeure, je serai une star et j'achèterai à ma mère notre belle maison et quelques restaurants, et quand les frontières de notre pays seront ouvertes et que nos compatriotes pourront fuir à l'étranger, nous pourrons leur servir de la cuisine roumaine.
© Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta, Aglaya Veteranyi, traduit de l'allemand (Suisse) par Marion Graf, L'esprit des péninsules, 2004
mercredi 27 janvier 2010
La Suisse (4)
Toujours au pays des vaches violettes.
Allez, on faut un bond dans le temps et on retourne anno 1816, quand est publié Adolphe, roman du Suisse Benjamin Constant. De ce roman que j'ai lu il y a (aïe…) 20 ans (fy faen: 20 ans!), je garde le souvenir du romantisme pur: passion, souffrance, sentiments exacerbés, frustration et hystérie avant l'heure - bref, une lecture adolescente et qui, donc, m'avait subjugué sinon sublimé à l'époque.
Je feuillette. Et au hasard des passages je trouve celui-ci:
Allez, on faut un bond dans le temps et on retourne anno 1816, quand est publié Adolphe, roman du Suisse Benjamin Constant. De ce roman que j'ai lu il y a (aïe…) 20 ans (fy faen: 20 ans!), je garde le souvenir du romantisme pur: passion, souffrance, sentiments exacerbés, frustration et hystérie avant l'heure - bref, une lecture adolescente et qui, donc, m'avait subjugué sinon sublimé à l'époque.
Je feuillette. Et au hasard des passages je trouve celui-ci:
Malheur à l'homme qui, dans les premiers moments d'une liaison d'amour, ne croit pas que cette liaison doit être éternelle! Malheur à qui, dans les bras de la maîtresse qu'il vient d'obtenir, conserve une funeste prescience, et prévoit qu'il pourra s'en détacher! Une femme que son cœur entraîne a, dans cet instant, quelque chose de touchant et de sacré. Ce n'est pas le plaisir, ce n'est pas la nature, ce ne sont pas les sens qui sont corrupteurs; ce sont les calculs auxquels la société nous accoutume, et les réflexions que l'expérience fait naître.
mardi 26 janvier 2010
La Suisse (3)
Après Kleenex hier, on reste à Zurich, on est toujours en 1979 pour la traduction française, mais on est très exactement en 1977 pour l'édition en allemand - et on est donc passé à la littérature. Le livre, immanquablement, c'est bien sûr Mars de Fritz Zorn. À la publication, l'auteur est déjà mort. Il s'est suicidé. Laissant ce seul livre. Et par ailleurs, Fritz Zorn est un pseudonyme.
À l'époque de son écriture, Fritz Zorn se sait atteint d'un cancer dont il attribue la cause au milieu dans lequel il est né et a grandi: la bourgeoisie zurichoise. Pendant quelque 230 pages, Fritz Zorn décrit l'enfer qu'il a vécu, l'enfer de ne pas avoir vécu la vraie vie, l'enfer d'avoir été toute sa vie contraint. De ce brûlot fulgurant contre la (prétendue) bonne société et la (tout aussi prétendue) bonne éducation (il dit notamment: "Au cas où j'en mourrais [du cancer], on pourra dire de moi que j'ai été éduqué à mort"), il est difficile d'extraire un passage sans devoir hésiter - tant il y a des pages et des pages et des pages éblouissantes. Alors, de façon très arbitraire, on en choisit portant sur la sexualité, ce que Fritz Zorn nomme son "antiéducation sexuelle":
Et je suis frappé de constater, à l'instant, une similitude de points de vue entre ce que décrit Fritz Zorn de ce monde bourgeois et urbain et ce que décrit Carl Frode Tiller (que j'ai traduit) du monde religieux et rural.
Voici ce qu'écrit Fritz Zorn, en 1979:
À l'époque de son écriture, Fritz Zorn se sait atteint d'un cancer dont il attribue la cause au milieu dans lequel il est né et a grandi: la bourgeoisie zurichoise. Pendant quelque 230 pages, Fritz Zorn décrit l'enfer qu'il a vécu, l'enfer de ne pas avoir vécu la vraie vie, l'enfer d'avoir été toute sa vie contraint. De ce brûlot fulgurant contre la (prétendue) bonne société et la (tout aussi prétendue) bonne éducation (il dit notamment: "Au cas où j'en mourrais [du cancer], on pourra dire de moi que j'ai été éduqué à mort"), il est difficile d'extraire un passage sans devoir hésiter - tant il y a des pages et des pages et des pages éblouissantes. Alors, de façon très arbitraire, on en choisit portant sur la sexualité, ce que Fritz Zorn nomme son "antiéducation sexuelle":
Car derrière l'image de cette amie imaginaire se cachait, même si je ne m'en rendais pas encore bien compte, l'image de la femme, de la sexualité, de l'amour, bref de la vie. (Je ne veux pas me lancer ici dans une discussion sur le point de savoir si l'on doit dire amour ou sexualité; comme Freud a déjà fait remarquer qu'au cas où quelqu'un s'offusquerait de ce qu'il emploie toujours le terme de "sexualité", il le remplacerait tout simplement par celui d'"amour", je ne ferai appel à ces deux notions de telle manière que l'une signifie également l'autre et que la différence entre les deux ne soit qu'une pure question de style.) La sexualité ne faisait cependant pas partie de mon univers, car la sexualité incarne la vie; et moi j'avais grandi dans une maison où la vie n'était pas bien vue, car chez nous, on aimait à être correct plutôt que vivant. Pourtant la vie entière est sexualité puisqu'elle se dilate dans l'amour, le désir et les échanges avec l'autre. Tout le processus de la vie est à situer sur le même plan que l'acte d'union sexuelle: tout ce qui pousse continuellement au mélange, à la pénétration mutuelle, à l'union, et à tout séparation, division, dissociation et dislocation est, sans cesse et à chaque fois, la mort. Qui s'unit, vit, qui se tient à l'écart, meurt. Mais c'était là justement la devise sous laquelle était placée ma famille: Tiens-toi à l'écart et meurs! La logique de cette formule, de ce commandement, est impeccable; en effet, rien ne se fait moins remarquer par son incorrection que quelque chose de mort.
© Mars, Fritz Zorn, traduit de l'allemand (Suisse) par Gilberte Lambrichs, Éditions Gallimard, 1979
Voici ce qu'écrit Fritz Zorn, en 1979:
Il ne devait y avoir, sur tout, qu'une opinion, car une divergence d'opinion eût été la fin de tout. Aujourd'hui je comprends bien pourquoi, chez nous, une divergence d'opinion eût été l'équivalent d'une petite fin du monde: nous ne pouvions pas nous disputer. (…) Dès lors, nous en étions réduits à ne jamais en arriver à la situation de devoir nous disputer; tout le monde était toujours du même avis. Toutefois, s'il se trouvait qu'apparemment ce n'était pas le cas, selon nous il devait forcément y avoir un malentendu. C'était donc seulement par erreur qu'il avait paru y avoir une divergence d'opinion, les opinions n'avaient été divisées qu'en apparence et, une fois le malentendu dissipé, il devenait évident que les opinions étaient bel et bien identiques.Et voici ce qu'écrit Carl Frode Tiller, en 2007:
S’ouvrir à l’innovation, accepter et acquérir de nouvelles connaissances équivalait pour elle à s’avouer vaincue, semblait-il. Tout ce qu’elle ne savait ou ne pouvait faire était considéré à ses yeux comme une menace ou comme une énième allusion au fait qu’elle n’était pas assez bien, et non comme une source de progrès à laquelle puiser pour enrichir son existence. Cela se reflétait d’ailleurs dans les conversations qui se tenaient à la table du dîner. Pour peu que quiconque, quelle qu’en soit du reste la raison, engage la discussion sur une thématique qui n’avait pas été mille fois ressassée ou à propos de laquelle il subsistait un risque que les opinions divergent, surgissait alors une espèce d’inquiétude qui n’était pas sans rappeler l’atmosphère qu’instaurait Arvid dès l’instant où il se présentait quelque part. En de pareilles circonstances, maman ainsi que les autres personnes informées des règles tacites qui régissaient la conversation de bon aloi dans ce petit univers prenaient des mesures immédiates afin d’orienter la discussion vers un sujet aussi sécurisant que rebattu.
© Encerclement, Carl Frode Tiller, traduit par Jean-Baptiste Coursaud, Éditions Stock, 2010
lundi 25 janvier 2010
La Suisse (2)
Und heute ein bisschen Musik aus der Schweiz. Wir sind zurück in 1979, in Zürich, die gute Neue Deutsche Welle herrscht noch in Deutschland (und für die, die gute NDW hören wollen, kann man nur den Doppeltsammler empfehlen, Verschwende deine Jugend), und Kleenex triumphiert (egal ob sie es wirklich machen oder nicht), mit Regula Sing (sic - was für einen Vornamen und Namen) hat eine Stime, die zwischen Patty Smith und Gudrun Gut schwankt. Kleenex darf bald wegen der eponymischen Firma nicht mehr so heissen und nennt sich dann LiLiPUT. 30 jahre nachher verbleiben viele Lieder von den Mädels einfach toll: Igel, Nice, Tisko oder Beri-Beri. Aber am besten mag ich, hierunten, Ü. Bitte schön!
Et aujourd'hui un peu de musique en provenance de la Suisse. Nous sommes de retour en 1979, à Zurich, tandis que la bonne NDW retentit toujours en Allemagne (la NDW, ou Neue Deutsche Welle, ou Nouvelle vague allemande, est une musique née vers 1978, dans le sillage du punk anglais, musicalement très inspirée par le punk et qui a la particularité d'être chantée en allemand, alors qu'avant on chantait en anglais - parmi les groupes mythiques on citera: SYPH, Malaria, Neonbabies, Abwärts, Östro 430, Mittagspause, etc. - les plus connus chez nous, DAF et Xmal Deutschland ne se sont jamais considérés comme faisant partie de la NDW). Et donc, en Suisse, triomphe le girl band de Kleenex qui, empêchée par la firme éponyme, sera obligé de trouver un autre nom, ce sera LiLiPUT. Au chant Regula Sing, avec sa voix à mi-chemin entre celle Patti Smith et Gudrun Gut (de Malaria). Parmi les morceaux impérissables, même 30 ans après, on trouve Igel, Nice, Tisko ou Beri-Beri. Mais ma préférence va à, ci-dessous, Ü.
Et aujourd'hui un peu de musique en provenance de la Suisse. Nous sommes de retour en 1979, à Zurich, tandis que la bonne NDW retentit toujours en Allemagne (la NDW, ou Neue Deutsche Welle, ou Nouvelle vague allemande, est une musique née vers 1978, dans le sillage du punk anglais, musicalement très inspirée par le punk et qui a la particularité d'être chantée en allemand, alors qu'avant on chantait en anglais - parmi les groupes mythiques on citera: SYPH, Malaria, Neonbabies, Abwärts, Östro 430, Mittagspause, etc. - les plus connus chez nous, DAF et Xmal Deutschland ne se sont jamais considérés comme faisant partie de la NDW). Et donc, en Suisse, triomphe le girl band de Kleenex qui, empêchée par la firme éponyme, sera obligé de trouver un autre nom, ce sera LiLiPUT. Au chant Regula Sing, avec sa voix à mi-chemin entre celle Patti Smith et Gudrun Gut (de Malaria). Parmi les morceaux impérissables, même 30 ans après, on trouve Igel, Nice, Tisko ou Beri-Beri. Mais ma préférence va à, ci-dessous, Ü.
dimanche 24 janvier 2010
La Suisse (1)
Gruezi, die Schweiz!
Et donc, histoire d'helvétiser au mieux mon séjour au pays des vaches violettes (où je vais parler d'Erlend Loe aux nenfants), j'ai mis deux livres dans mon sac:
1) Celui d'un auteur suisse francophone, à savoir Robert Pinget, avec Cette voix (pourquoi n'ai-je encore jamais lu Robert Pinget?)
2) Celui d'un auteur suisse alémanique, à savoir l'uchronie de Christian Kracht (cadeau d'anniversaire de Karsten), Ich werde hier sein im Sonnenschein und im Schatten, lequel invente une fin de Première Guerre mondiale où l'Allemagne bombarde la SSR, c'est-à-dire: la République Soviétique de Suisse. Hö! (Mais bon, à en lire les critiques, le livre n'est paaas non plus un sommet de littérature.)
PS: Et à l'heure qu'il est, 14h15, et tel que vous ne me voyez pas, je décolle - enfin, je… l'avion plutôt; moi je suis tranquillement carré dans mon fauteuil et me laisse conduire…
Et donc, histoire d'helvétiser au mieux mon séjour au pays des vaches violettes (où je vais parler d'Erlend Loe aux nenfants), j'ai mis deux livres dans mon sac:
1) Celui d'un auteur suisse francophone, à savoir Robert Pinget, avec Cette voix (pourquoi n'ai-je encore jamais lu Robert Pinget?)
2) Celui d'un auteur suisse alémanique, à savoir l'uchronie de Christian Kracht (cadeau d'anniversaire de Karsten), Ich werde hier sein im Sonnenschein und im Schatten, lequel invente une fin de Première Guerre mondiale où l'Allemagne bombarde la SSR, c'est-à-dire: la République Soviétique de Suisse. Hö! (Mais bon, à en lire les critiques, le livre n'est paaas non plus un sommet de littérature.)
PS: Et à l'heure qu'il est, 14h15, et tel que vous ne me voyez pas, je décolle - enfin, je… l'avion plutôt; moi je suis tranquillement carré dans mon fauteuil et me laisse conduire…
samedi 23 janvier 2010
I'm just the kind…
Die Sonne scheint, der Himmel ist blau, es ist - 13°, lass uns wenn nicht glücklich dann froh sein, lass uns singen und tanzen mit Alton und Phyllis.
Le soleil brille, le ciel est bleu, il fait - 13°, soyons fous et soyons sinon heureux en tout cas joyeux, chantons et dansons avec Alton et Phyllis - on l'a pas volé!
Le soleil brille, le ciel est bleu, il fait - 13°, soyons fous et soyons sinon heureux en tout cas joyeux, chantons et dansons avec Alton et Phyllis - on l'a pas volé!
vendredi 22 janvier 2010
Jeux de mains, jeux de vilains
Il n'a pas échappé à l'acuité de notre œil certes myope mais néanmoins chafouin, hier aux actualités, la présence dans l'équipe slovène (qui, donc, a fait match nul contre la Mannschaft allemande) du sieur Miladin Kozlina, handballeur de profession (à cet égard, et c'est bien connu, Hand signifiant main, nous ne saurions que trop invoquer à nouveau la justesse de la locution proverbiale: Jeux de mains, jeux de vilains ; dont nous apprenons, soit dit en passant, qu'elle s'est formée "par allusion aux manants, aux vilains du Moyen Âge dont les querelles dégénéraient généralement en coups" et que, "de nos jours, l'expression fait allusion aux interdits sexuels"; merci Monsieur Robert (des expressions et locutions)) - ledit Miladin, or donc, dont le mâle et quelque peu chevalin visage pétri d'assurance le dispute à une placidité fort excitatrice de phéromones d'autant que rehaussée d'un rictus entendu. Du haut de son mètre quatre-vingt-seize et fort de ses cent dix kilos (fy faen, 110!), il ne déparerait pas dans la liste des cadeaux de Noël dont je tiens, c'est l'occasion ou jamais, à rappeler qu'en dépit de sa non-mise à jour, elle n'en demeure pas moins toujours valable. Ci-dessous le joueur, au repos, prenant la pose:
© RK Celje
The effort
Oj… - this sentence of Dame Thorn that (I thought) I had forgotten:
"(…) and all the effort that it took to get here in the first place,
and all the effort not to let the effort show (…)"
All the effort not to let the effort show.
"(…) and all the effort that it took to get here in the first place,
and all the effort not to let the effort show (…)"
All the effort not to let the effort show.
jeudi 21 janvier 2010
Der Tag, die Bilanz
1) der Traum, die Rettung
2) das Rasieren des Bartes, die Enteckung der Arbeit von Dr S (und von Frau Pr Dr B, und von Dr C)
3) der Sonnenschein, das Wohlfühl
4) das Brief aus Coburg: "(…) die Bearbeitung des Schadens ist abgeschlossen (…) Mit freundlichen Grüßen"
5) der Anruf: "Sehen wir uns also am 4. Februar? Was machen wir? Den Bisky?"
6) das Warten in dem Schnee, am Landwehrkanal
2) das Rasieren des Bartes, die Enteckung der Arbeit von Dr S (und von Frau Pr Dr B, und von Dr C)
3) der Sonnenschein, das Wohlfühl
4) das Brief aus Coburg: "(…) die Bearbeitung des Schadens ist abgeschlossen (…) Mit freundlichen Grüßen"
5) der Anruf: "Sehen wir uns also am 4. Februar? Was machen wir? Den Bisky?"
6) das Warten in dem Schnee, am Landwehrkanal
© icke
7) das Lied von Popette im Kopf nach dem Gespräch beim sofortigen Ausgehen [sonst seit dem 26.02.2008 nicht mehr gehört, teilt iTunes mit]: "(…) mach die Tür auf und bin auf dem besten Weg der Besserung."
Die Sonne über Berlin
Et brusquement l'œil est attiré vers le ciel. Ma parole! Mais c'est qu'il y a du soleil! Le ciel bleuit (non, faudrait pas exagérer, le ciel n'est PAS bleu, il a seulement QUELQUES taches bleu pastel ici et là). On pense: 35 jours sans voir la terre, d'accord, mais combien de jours sans voir le soleil? J'ai cherché. J'ai trouvé:
Depuis le 27 décembre 2009, Berlin n'a même pas eu 3 heures d'ensoleillement. Je répète: même pas 3 heures (trois!). Et après il faudrait surveiller son taux de vitamine D pour que le traitement fonctionne à plein, qu'ils disent. Et donc on peut singer Axel B (enfin, on aimerait mieux faire autre chose avec le Axel B de cette époque, notamment ces 2 nuits pour se vider dont il parle, mais là n'est pas le sujet…) et chanter: "25 jours sans voir le soleil, pull rayé, mal rasé…"
Und plötzlich dreht sich das Auge nach oben, richtung Himmel, und kann gar nicht glauben, was es sieht: der Himmel wird bläulig. Pass auf: nicht ganz schön blau, aber immerhin, es sind schon hier und dort ein Paar hellblaue Flecken. Und dann denkt man: Seit wann, EIGENTLICH, haben wir nicht hier in Berlin die Sonne gesehen? Ich habe recherchiert, und ich habe gefunden: Seit dem 27. Dezember hatte Berlin nicht einmal 3 Sonnenstunden. Nicht einmal 3 (drei!). Und es wurde uns gesagt, mann solle viel Vitamin D haben, damit die Behandlung völlig funktioniert. Na toll!
PS, 15 Uhr: Rischtisch. Es konnte nicht dauern. Es hat maximal 2 Stunden gedauert. Also: bisher, seit dem 27. Dezember, also in 25 Tagen, hatte Berlin nur 4,5 Sonnenstunden. Wieviel ist das pro Tag? OK. Lass uns rechnen. 25 Tage sind: 25 x 24 Stunden = 600 Stunden. Nun: 4,5 / 600 = 0,0075 Stunden pro Tag. Und in Minuten? 0,0075 / 60 = 0,000125. Hä? Nö, oder? Quatsch! Ich kann sowieso nicht rechnen, war/bin immer eine Nulle. Exlehrerin-Mamma macht das für mich: 4,5 Stunden = ((4 x 60) + 30) = 270 Minuten. 270 / 25 = 10,44 Minuten pro Tag (Merci maman). Also: 10,44 Sonnenminuten pro Tag. Oj, das war wenig.
PS2: Jenau! Meine Zeitung berichtet auch darüber:
Seit zwei Wochen ist der Himmel grau. Eine so lange Zeit ohne Sonnenschein gab es bereits seit mehr als 50 Jahren in Berlin nicht mehr. Die Stimmung kann da schon ein bisschen trüber sein, die Energie geringer als sonst, sagt Mazda Adli, Oberarzt an der Klinik für Psychiatrie und Psychotherapie der Charité am Campus Mitte. Er rät "beim ganz normalen Durchhänger" zu viel Aktivität und Tageslicht. "Mittags lieber mal vor die Tür gehen als in die schummrige Kantine." Wer dagegen an einer saisonal abhängigen Depression leidet, die im Winter durch das Weniger an Licht hervorgerufen werden kann, dem könne unter anderem durch Lichttherapielampen geholfen werden. (sve)
Depuis le 27 décembre 2009, Berlin n'a même pas eu 3 heures d'ensoleillement. Je répète: même pas 3 heures (trois!). Et après il faudrait surveiller son taux de vitamine D pour que le traitement fonctionne à plein, qu'ils disent. Et donc on peut singer Axel B (enfin, on aimerait mieux faire autre chose avec le Axel B de cette époque, notamment ces 2 nuits pour se vider dont il parle, mais là n'est pas le sujet…) et chanter: "25 jours sans voir le soleil, pull rayé, mal rasé…"
© icke
Und plötzlich dreht sich das Auge nach oben, richtung Himmel, und kann gar nicht glauben, was es sieht: der Himmel wird bläulig. Pass auf: nicht ganz schön blau, aber immerhin, es sind schon hier und dort ein Paar hellblaue Flecken. Und dann denkt man: Seit wann, EIGENTLICH, haben wir nicht hier in Berlin die Sonne gesehen? Ich habe recherchiert, und ich habe gefunden: Seit dem 27. Dezember hatte Berlin nicht einmal 3 Sonnenstunden. Nicht einmal 3 (drei!). Und es wurde uns gesagt, mann solle viel Vitamin D haben, damit die Behandlung völlig funktioniert. Na toll!
PS, 15 Uhr: Rischtisch. Es konnte nicht dauern. Es hat maximal 2 Stunden gedauert. Also: bisher, seit dem 27. Dezember, also in 25 Tagen, hatte Berlin nur 4,5 Sonnenstunden. Wieviel ist das pro Tag? OK. Lass uns rechnen. 25 Tage sind: 25 x 24 Stunden = 600 Stunden. Nun: 4,5 / 600 = 0,0075 Stunden pro Tag. Und in Minuten? 0,0075 / 60 = 0,000125. Hä? Nö, oder? Quatsch! Ich kann sowieso nicht rechnen, war/bin immer eine Nulle. Exlehrerin-Mamma macht das für mich: 4,5 Stunden = ((4 x 60) + 30) = 270 Minuten. 270 / 25 = 10,44 Minuten pro Tag (Merci maman). Also: 10,44 Sonnenminuten pro Tag. Oj, das war wenig.
PS2: Jenau! Meine Zeitung berichtet auch darüber:
Seit zwei Wochen ist der Himmel grau. Eine so lange Zeit ohne Sonnenschein gab es bereits seit mehr als 50 Jahren in Berlin nicht mehr. Die Stimmung kann da schon ein bisschen trüber sein, die Energie geringer als sonst, sagt Mazda Adli, Oberarzt an der Klinik für Psychiatrie und Psychotherapie der Charité am Campus Mitte. Er rät "beim ganz normalen Durchhänger" zu viel Aktivität und Tageslicht. "Mittags lieber mal vor die Tür gehen als in die schummrige Kantine." Wer dagegen an einer saisonal abhängigen Depression leidet, die im Winter durch das Weniger an Licht hervorgerufen werden kann, dem könne unter anderem durch Lichttherapielampen geholfen werden. (sve)
"et on serait guéri"
Hier, je regarde la bande-annonce du film de Joann Sfar consacré à Serge Gainsbourg. Cette nuit, je fais ce rêve:
Je suis à ce qui semble être une garden-party. Nous sommes en contrebas d'une maison prolongée par une terrasse qui elle-même descend vers un étang artificiel à la superficie rectangulaire, comme une piscine mais ce n'en est pas une. Le point d'eau est recouvert d'une épaisse couche de glace. Serge Gainsbourg se tient dessus, qui discute avec une femme en bordure du bassin, en fumant son éternelle cigarette. Je regarde la glace, je la vois se craqueler, se disloquer, je veux prévenir Gainsbourg qu'il va tomber dans l'eau glacée, qu'il peut mourir d'hydrocution, et au moment où je veux m'élancer, sa jambe gauche est comme happée par le bassin. Puis c'est tout son corps qui est englouti. Je le sauve. Nous sommes ensuite dans le couloir, devant une salle d'eau. Je lui tends des vêtements, une serviette de bain. L'ordonne de se déshabiller, de se frictionner, de prendre une douche chaude. Lui: "Est-ce vraiment nécessaire?" Moi, éberlué: "Mais bien sûr, voyons!"
Hier aussi, histoire de mieux préparer la journée d'aujourd'hui (et de mieux trouver une réplique à Thomas Bernhard et sa fameuse phrase), j'avais ressorti Le Psychanalyste de Leslie Kaplan et j'avais relu ce passage:
Et puis tiens, en parlant de Gainsbourg, reparlons donc de son album reggae, par trop méconnu (oublié?), Aux armes et Cætera, sorti en 1979. Enregistré à Kingston, en Jamaïque, avec, excusez du peu, des musiciens tels que Ansel Collins et Sly & Robbie (sous la houlette desquels sera produite en 2006 la formidable reprise de Lola Rastaquouère par Marianne Faithfull) ou, pour les chœurs, trois des reines du rocksteady, j'ai nommé: Rita Marley, Judy Mowatt et Marcia Griffiths, l'album propose quelques petits bijoux, ainsi de la chanson éponyme, ainsi du "remake" (comme il est nommé) de la Javanaise, ainsi de l'immeeense et trop méconnu Lola Rastaquouère sus-cité. Le plus étonnant dans cet album, sans doute, c'est l'équilibre entre le chant et la musique. À cette époque, Gainsbourg scande plus qu'il ne chante, susurre plus qu'il n'articule, devenant parfois inaudible voire incompréhensible. Or, ici, sa voix se superpose à la musique, elle se plaque sur elle, la seconde se retirant comme pour mieux révéler et rehausser la première alors que le reggae des années 70 a justement tendance à mettre la musique en avant. Ce disque pourtant de plain-pied dans l'air du temps (Bob Marley, Peter Tosh ou Jimmy Cliff sont alors des stars, et je ne parle même pas des énormes succès de stars éphémères: Lorna Bennett, Althea & Donna, et ce juste avant le déferlement de la vague 2-tone (Madness, The Specials, The Selecter, etc.)), qui marque un virage à 180° dans l'univers musical de Gainsbourg, qui semble ne pas avoir pris dans son pays (la Rance, donc), demeure pourtant aujourd'hui encore, et même pour les fans de ska et de reggae qui le méconnaissent, un album ne déparant dans aucune discothèque.
Allez, on écoute Des laids, des laids, autre morceau impeccable:
Je suis à ce qui semble être une garden-party. Nous sommes en contrebas d'une maison prolongée par une terrasse qui elle-même descend vers un étang artificiel à la superficie rectangulaire, comme une piscine mais ce n'en est pas une. Le point d'eau est recouvert d'une épaisse couche de glace. Serge Gainsbourg se tient dessus, qui discute avec une femme en bordure du bassin, en fumant son éternelle cigarette. Je regarde la glace, je la vois se craqueler, se disloquer, je veux prévenir Gainsbourg qu'il va tomber dans l'eau glacée, qu'il peut mourir d'hydrocution, et au moment où je veux m'élancer, sa jambe gauche est comme happée par le bassin. Puis c'est tout son corps qui est englouti. Je le sauve. Nous sommes ensuite dans le couloir, devant une salle d'eau. Je lui tends des vêtements, une serviette de bain. L'ordonne de se déshabiller, de se frictionner, de prendre une douche chaude. Lui: "Est-ce vraiment nécessaire?" Moi, éberlué: "Mais bien sûr, voyons!"
Hier aussi, histoire de mieux préparer la journée d'aujourd'hui (et de mieux trouver une réplique à Thomas Bernhard et sa fameuse phrase), j'avais ressorti Le Psychanalyste de Leslie Kaplan et j'avais relu ce passage:
L'important était de maintenir que la maladie et le sujet ne sont pas confondus, toujours garder la distinction, ne pas enfermer quelqu'un dans sa maladie. Tu es ce malade, et tu n'es que ça. Et de supposer qu'un sujet peut faire un pas de côté par rapport à sa maladie, la considérer, s'en décoller, elle n'est pas peau. Moi ça me plaisait parce que je me disais: c'est comme une narration, est-ce qu'une narration est racontée du point de vue de ce qu'on sait, comme un "cas" qui se déroule en ligne droite ou du point de vue de ce qu'on ne sait pas à l'avance. Et ça ne veut pas dire: improvisation. Mais c'est une question de point de vue. Cela revient à prendre la mesure de ce qu'il ne s'agit pas dans ces domaines, d'exactitude mais de vérité, et la vérité n'a pas d'efficace spontanée, elle n'est pas non plus comme un médicament qu'il suffirait d'avaler. Ah oui, et on serait guéri.
© Le Psychanalyste, Leslie Kaplan, POL, 1999
Et puis tiens, en parlant de Gainsbourg, reparlons donc de son album reggae, par trop méconnu (oublié?), Aux armes et Cætera, sorti en 1979. Enregistré à Kingston, en Jamaïque, avec, excusez du peu, des musiciens tels que Ansel Collins et Sly & Robbie (sous la houlette desquels sera produite en 2006 la formidable reprise de Lola Rastaquouère par Marianne Faithfull) ou, pour les chœurs, trois des reines du rocksteady, j'ai nommé: Rita Marley, Judy Mowatt et Marcia Griffiths, l'album propose quelques petits bijoux, ainsi de la chanson éponyme, ainsi du "remake" (comme il est nommé) de la Javanaise, ainsi de l'immeeense et trop méconnu Lola Rastaquouère sus-cité. Le plus étonnant dans cet album, sans doute, c'est l'équilibre entre le chant et la musique. À cette époque, Gainsbourg scande plus qu'il ne chante, susurre plus qu'il n'articule, devenant parfois inaudible voire incompréhensible. Or, ici, sa voix se superpose à la musique, elle se plaque sur elle, la seconde se retirant comme pour mieux révéler et rehausser la première alors que le reggae des années 70 a justement tendance à mettre la musique en avant. Ce disque pourtant de plain-pied dans l'air du temps (Bob Marley, Peter Tosh ou Jimmy Cliff sont alors des stars, et je ne parle même pas des énormes succès de stars éphémères: Lorna Bennett, Althea & Donna, et ce juste avant le déferlement de la vague 2-tone (Madness, The Specials, The Selecter, etc.)), qui marque un virage à 180° dans l'univers musical de Gainsbourg, qui semble ne pas avoir pris dans son pays (la Rance, donc), demeure pourtant aujourd'hui encore, et même pour les fans de ska et de reggae qui le méconnaissent, un album ne déparant dans aucune discothèque.
Allez, on écoute Des laids, des laids, autre morceau impeccable:
mercredi 20 janvier 2010
Be my Baby en boucle…
Le morceau des Ronettes tourne en boucle sur mon iTunes.
Du moins dans ses reprises.
La première, festive et ska
par les Pepper Pots catalanes (¡hola Alfredo!)
La seconde, folk et serre-kiki
par l'Américain David Michael Stith (danke Aron!)
28-04-2010
Rien que pour M.:
Du moins dans ses reprises.
La première, festive et ska
par les Pepper Pots catalanes (¡hola Alfredo!)
La seconde, folk et serre-kiki
par l'Américain David Michael Stith (danke Aron!)
28-04-2010
Rien que pour M.:
Laser
Heute Mittag mit Frau Pr Dr B hatte ich das Gefühl ich war der Sandman und sie Farah Fawcett († RIP) - Frau Pr Dr B ist aber nicht blond und ich habe keine Locken… hö! Und dann, unter ihrem Laser, dachte ich wieder an diesen Film und die Serie, Logan's Run, die ich als Kind so viel mochte. Und ausserdem war die Sci-Fi der 70er Jahren sooo visionär und immer wieder sooo aktuell.
Hier die Szene:
PS: Keine Bange. So hat es heute jar nüsch beendet. Frau Pr Dr B ist nur toll.
Hier die Szene:
PS: Keine Bange. So hat es heute jar nüsch beendet. Frau Pr Dr B ist nur toll.
Bisou vs Accolade
Un peu d'ethnolinguistique.
Je traduis Trude Marstein. Et notamment le dialogue ci-dessous. Le contexte est le suivant: La scène se passe pendant une fête, Marit (dans le texte: moi; la narratrice, donc) est soûle, vient de divorcer, est visiblement en manque sérieux de relations sexuelles.
Moi: Hé, Johnny, hé. Je pourrais pas avoir une petite accolade? Rien qu’une petite, vite fait, entre amis? Je tends le cou. Johnny vient vers moi, son visage se rapproche, de plus en plus, il frotte sa joue contre la mienne, il a une barbe de trois jours, noire, mais un peu grisonnante par endroits. Moi: Et un bisou? Allez, un petit bisou en plus de l’accolade. Lui, en souriant: Non, ça suffit. Il lève la main pour me faire au revoir. Moi: Oh, allez, Johnny, juste un petit bisou? Je suis vexée sur les bords, il aurait quand même pu me faire un petit bisou. Je le vois se faufiler entre les gens et passer les portes-fenêtres.
Le problème de ce passage, c'est la succession de l'accolade et du bisou - donc. C'est bien connu, les Français s'embrassent pour se saluer, du moins quand ils se connaissent (sinon, ils donnent une poignée de main). Les Norvégiens, eux, n'embrassent pas: comme les Américains, ils se donnent une accolade (en klem, en norvégien). Le baiser est un geste très impudique, dont on gratifie uniquement (et encore) les personnes qu'on connaît très bien, mais vraiment très bien, et avec qui on a une relation particulière. En France, c'est l'inverse: donner une accolade à quelqu'un est véritablement soit l'expression d'une immense joie à l'issue de retrouvailles, soit le témoignage d'une très grande amitié. Et donc, pour un Français, le fait de lire que Johnny refuse de donner un bisou à Marit mais lui donne sans hésiter une accolade semble un peu surprenant. Que faire? On pourrait bien sûr inverser. Mais là, on gommerait la réalité ethnologique du texte et, pour le coup, il semblerait très surprenant qu'un Norvégien refuse de donner une accolade.
Et puis ce mot, en français, franchement: accolade. Nous donnons tellement peu d'accolades que le mot en lui-même est artificiel, guindé, sonne faux. Nous avons là une belle illustration de la différence entre le signifiant et le signifié chers à notre ami Ferdinand de Saussure. Pour un Français, je l'ai dit, le terme accolade non seulement n'appartient pas au langage courant, à la réalité quotidienne, mais évoque en premier lieu une idée de déférence. C'est son signifiant: pour nous, Français, accolade évoque un certain apparat compassé, une cérémonie empesée, ce que son équivalent norvégien n'est pas du tout. Si on regarde la sémantique du terme dans le dictionnaire (in: Trésor de la Langue Française), on trouve de fait les sens suivants:
A.− Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un.
Malgré le glissement sémantique vers davantage de connivence, le terme n'en garde pas moins une valeur cérémoniale sinon cultuelle. On peut valider le(s) sens consigné(s) par le dictionnaire en en vérifiant l'usage. Ainsi, dans gougueule, accolade ne revient que 118 000 fois, alors que bisou 926 000 fois. À l'inverse, si on cherche les équivalents norvégiens dans un moteur de recherche nationale, Kvasir pour ne pas le nommer, on obtient pour klem (= accolade) 350 000 occurrences et seulement 77 400 pour kyss (= bisou, baiser). L'usage lexicographique valide la réalité du signifié linguistique: on embrasse en France, on se prend dans les bras en Norvège.
En conséquence de quoi il y a un hiatus dans la traduction en français: un hiatus entre l'absence de naturel induite dans et par le terme accolade, et le naturel de la situation. Cette absence de naturel parasite non seulement la gradation narrative mais elle déplace sinon annule l'intimité des deux gestes. Pour un Norvégien, il est évident que Johnny ne veut pas embrasser Marit; pour un Français, il est étonnant qu'il accepte de la serrer dans ses bras mais refuse de lui faire un bisou, lequel pour nous Français peut sembler plus inoffensif (je dis bien: peut).
Retour à la case départ en forme de question à la Lénine: Que faire?
Oui, que faire? Laisser tel quel, j'en ai peur. Comme dirait mon collègue Alain, une traduction d'une langue étrangère doit conserver sa part d'étrangeté.
PS: 18h15, É à JB:
É: Bon, j'ai lu tes déboires linguistiques.
JB: Et?
É: Oui, tu as raison. Il n'y a que le Président de la République qui donne une accolade. Quand il décore un poilu par exemple. Enfin, pas Jacques Chirac parce que lui il faisait la bise. Mais François Mitterrand, qui avait beaucoup de classe, donnait une accolade.
JB: Et tu en penses quoi?
É: J'en pense que c'est accolade qui ne va pas. Tu devrais mettre: serrer dans les bras.
Que n'y ai-je pensé plus tôt…
Oui, voilà: on va opposer serrer dans les bras et embrasser.
Je traduis Trude Marstein. Et notamment le dialogue ci-dessous. Le contexte est le suivant: La scène se passe pendant une fête, Marit (dans le texte: moi; la narratrice, donc) est soûle, vient de divorcer, est visiblement en manque sérieux de relations sexuelles.
Moi: Hé, Johnny, hé. Je pourrais pas avoir une petite accolade? Rien qu’une petite, vite fait, entre amis? Je tends le cou. Johnny vient vers moi, son visage se rapproche, de plus en plus, il frotte sa joue contre la mienne, il a une barbe de trois jours, noire, mais un peu grisonnante par endroits. Moi: Et un bisou? Allez, un petit bisou en plus de l’accolade. Lui, en souriant: Non, ça suffit. Il lève la main pour me faire au revoir. Moi: Oh, allez, Johnny, juste un petit bisou? Je suis vexée sur les bords, il aurait quand même pu me faire un petit bisou. Je le vois se faufiler entre les gens et passer les portes-fenêtres.
© Gjøre Godt, Trude Marstein, Gyldendal Norsk Forlag AS, 2006
© Faire le bien, Trude Marstein, trad. JB Coursaud, Éditions Stock, 2010
Et puis ce mot, en français, franchement: accolade. Nous donnons tellement peu d'accolades que le mot en lui-même est artificiel, guindé, sonne faux. Nous avons là une belle illustration de la différence entre le signifiant et le signifié chers à notre ami Ferdinand de Saussure. Pour un Français, je l'ai dit, le terme accolade non seulement n'appartient pas au langage courant, à la réalité quotidienne, mais évoque en premier lieu une idée de déférence. C'est son signifiant: pour nous, Français, accolade évoque un certain apparat compassé, une cérémonie empesée, ce que son équivalent norvégien n'est pas du tout. Si on regarde la sémantique du terme dans le dictionnaire (in: Trésor de la Langue Française), on trouve de fait les sens suivants:
A.− Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un.
1. FÉOD. (Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un) En lui passant les bras autour du cou, en vue de lui conférer, dans la cérémonie de l'adoubement, le titre de chevalier.
2. Cérémonies milit., patriotiques. (Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un) En appuyant les joues les unes contre les autres en vue de manifester à quelqu'un l'estime officielle.
3. (Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un) En accomplissant le même geste, ou encore en serrant quelqu'un dans ses bras pour lui manifester de l'amitié, de l'affection.
Malgré le glissement sémantique vers davantage de connivence, le terme n'en garde pas moins une valeur cérémoniale sinon cultuelle. On peut valider le(s) sens consigné(s) par le dictionnaire en en vérifiant l'usage. Ainsi, dans gougueule, accolade ne revient que 118 000 fois, alors que bisou 926 000 fois. À l'inverse, si on cherche les équivalents norvégiens dans un moteur de recherche nationale, Kvasir pour ne pas le nommer, on obtient pour klem (= accolade) 350 000 occurrences et seulement 77 400 pour kyss (= bisou, baiser). L'usage lexicographique valide la réalité du signifié linguistique: on embrasse en France, on se prend dans les bras en Norvège.
En conséquence de quoi il y a un hiatus dans la traduction en français: un hiatus entre l'absence de naturel induite dans et par le terme accolade, et le naturel de la situation. Cette absence de naturel parasite non seulement la gradation narrative mais elle déplace sinon annule l'intimité des deux gestes. Pour un Norvégien, il est évident que Johnny ne veut pas embrasser Marit; pour un Français, il est étonnant qu'il accepte de la serrer dans ses bras mais refuse de lui faire un bisou, lequel pour nous Français peut sembler plus inoffensif (je dis bien: peut).
Retour à la case départ en forme de question à la Lénine: Que faire?
Oui, que faire? Laisser tel quel, j'en ai peur. Comme dirait mon collègue Alain, une traduction d'une langue étrangère doit conserver sa part d'étrangeté.
PS: 18h15, É à JB:
É: Bon, j'ai lu tes déboires linguistiques.
JB: Et?
É: Oui, tu as raison. Il n'y a que le Président de la République qui donne une accolade. Quand il décore un poilu par exemple. Enfin, pas Jacques Chirac parce que lui il faisait la bise. Mais François Mitterrand, qui avait beaucoup de classe, donnait une accolade.
JB: Et tu en penses quoi?
É: J'en pense que c'est accolade qui ne va pas. Tu devrais mettre: serrer dans les bras.
Que n'y ai-je pensé plus tôt…
Oui, voilà: on va opposer serrer dans les bras et embrasser.
lundi 18 janvier 2010
Du yaourt
Lu ce week-end, dans Au Piano, de Jean Echenoz, cette phrase immense:
(…) il n'entend rien à la musique, il a autant de sens artistique qu'un yaourt (…)
(…) il n'entend rien à la musique, il a autant de sens artistique qu'un yaourt (…)
Internet(t)
Es funktioniert wieder - nicht wie es genau muss, aber immerhin.
Det funker igjen - ikke helt som det skal, men allikevel.
Ça refonctionne - pas tout à fait comme ça devrait, mais c'est toujours ça.
A bisserl Musik um das Reparieren der Maschine zu feiern.
Litt musikk for å feire maskinens reparering.
Un peu de musique pour fêter la réparation de la machine.
Machine Shop von/av/de Don Drummond.
Det funker igjen - ikke helt som det skal, men allikevel.
Ça refonctionne - pas tout à fait comme ça devrait, mais c'est toujours ça.
A bisserl Musik um das Reparieren der Maschine zu feiern.
Litt musikk for å feire maskinens reparering.
Un peu de musique pour fêter la réparation de la machine.
Machine Shop von/av/de Don Drummond.
vendredi 15 janvier 2010
jeudi 14 janvier 2010
mercredi 13 janvier 2010
mardi 12 janvier 2010
lundi 11 janvier 2010
dimanche 10 janvier 2010
lundi 4 janvier 2010
You tell me winter's here and your days are getting long
Und der Tag ist trüb wie ein Lied von Lo Ya Tengo.
Du machisme linguistique
Traduisant toujours Ketil Bjørnstad, je tombe sur cette phrase: "Hun er mesteren." Littéralement, la phrase signifie: "Elle est le maître." Problème: d'un côté un sujet féminin, de l'autre un attribut masculin. Maître doit s'entendre ici dans le sens de maestro (la femme en question est pédagogue, professeur de piano). Évidemment, on ne peut pas employer le substantif maîtresse, auquel cas les plus scolaires d'entre nous penseront à une institutrice tandis que les plus malins d'entre nous songeront à une espèce de Demonia.
Pourquoi, dans ce sens, le terme maître n'a-t-il pas de féminin? Parce que, en musique, en littérature, bref, dans l'art, la femme ne peut pas être unE maestro? Le mot maestra n'existe pas. Une femme ne peut être qu'une muse, nous souffle en substance la langue française. Ce qu'on savait. Exemples:
Un homme n'est pas muse, il est maître. Booon. Une femme materne, un homme ne paterne pas (il est simplement paternaliste ou une vieille baderne). Re-booon. Un homme parraine un autre homme ou une femme, mais une femme ne marraine pas ces mêmes homme et femme. Re-re-booon.
Il ne reste plus qu'à écouter Louise Bourgeois et, à son instar, inventer des néologismes. Le morceau ci-dessous est un extrait du poème Otte, produit en 1996 (à l'occasion de l'exposition masculin féminin) par Brigitte Conrand et mis en musique par Ramuntcho Matta (oui, l'ancien compagnon d'Elli Medeiros, qui avait composé son album en 1984, remember…).
PS: (17h45) Toujours pas résolu ce f**** problème de maestro/maestra. Je tente Google, c'est toujours une bonne source de vérification pour prendre le pouls des habitudes linguistiques de nos congénères. Je tape donc "une maestro" dans le moteur de recherche et… miracle… J'obtiens 4810 réponses.
Je déchante vite. En fait, tout a trait à une carte de débit baptisée Maestro. Exemple:
je viens de changer d'une maestro pourrave pour une mastercarde
Donc la maestro est, dixit, pourrave, je le note, ça rime avec marave et c'est Louise Bourgeois qui va être contente. Du coup, je limite ma recherche en tapant "une maestro" + musique. J'obtiens cette fois 124 réponses, dont celle-ci, des paroles de chansons. Je cite:
Tu peux l'avoir ce soir, salope
Et toute la nuit, salope, mon beat vient d'une (Maestro)
Putain de trop bonne de salope
C'est de mieux en mieux! Amis de la pouèsie phallocrate, bonjour.
Pourquoi, dans ce sens, le terme maître n'a-t-il pas de féminin? Parce que, en musique, en littérature, bref, dans l'art, la femme ne peut pas être unE maestro? Le mot maestra n'existe pas. Une femme ne peut être qu'une muse, nous souffle en substance la langue française. Ce qu'on savait. Exemples:
Un homme n'est pas muse, il est maître. Booon. Une femme materne, un homme ne paterne pas (il est simplement paternaliste ou une vieille baderne). Re-booon. Un homme parraine un autre homme ou une femme, mais une femme ne marraine pas ces mêmes homme et femme. Re-re-booon.
Il ne reste plus qu'à écouter Louise Bourgeois et, à son instar, inventer des néologismes. Le morceau ci-dessous est un extrait du poème Otte, produit en 1996 (à l'occasion de l'exposition masculin féminin) par Brigitte Conrand et mis en musique par Ramuntcho Matta (oui, l'ancien compagnon d'Elli Medeiros, qui avait composé son album en 1984, remember…).
PS: (17h45) Toujours pas résolu ce f**** problème de maestro/maestra. Je tente Google, c'est toujours une bonne source de vérification pour prendre le pouls des habitudes linguistiques de nos congénères. Je tape donc "une maestro" dans le moteur de recherche et… miracle… J'obtiens 4810 réponses.
Je déchante vite. En fait, tout a trait à une carte de débit baptisée Maestro. Exemple:
je viens de changer d'une maestro pourrave pour une mastercarde
Donc la maestro est, dixit, pourrave, je le note, ça rime avec marave et c'est Louise Bourgeois qui va être contente. Du coup, je limite ma recherche en tapant "une maestro" + musique. J'obtiens cette fois 124 réponses, dont celle-ci, des paroles de chansons. Je cite:
Tu peux l'avoir ce soir, salope
Et toute la nuit, salope, mon beat vient d'une (Maestro)
Putain de trop bonne de salope
C'est de mieux en mieux! Amis de la pouèsie phallocrate, bonjour.
Et enfin, je tombe sur site consacré à la musique algérienne et je lis ça (c'est moi qui souligne):
- Concert sous la direction d'une Maestro, femme, pour la première fois depuis sa création, le 30 septembre 2005 avec la collaboration de musiciennes de différentes nationalités.
Non content d'avoir mis une majuscule à Maestro, l'auteur(e) de l'article a jugé de voir de mettre en incise l'apposition femme, comme pour déjouer les malentendus. En psycholinguistique, on pourrait presque qualifier ce pléonasme d'hypercorrection.
samedi 2 janvier 2010
Mein armes Fahrrad
Tag 1, 31122009, 0125 GMT+1:
© icke
Tag 2, 31122009, 1305 GMT+1:
© icke
Tag 3, 02012010, 1355 GMT+1:
© icke
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