lundi 25 octobre 2010

In et out

JB remet la main à la pâte traductionnelle, histoire aussi de se refaire la main après se l'être défaite (et le cerveau aussi) - même si, dans cette histoire, justement, pour une fois, le proverbe "jeu de main, jeu de vilain" ne s'avère pas.

Il relit donc - et c'est lui qui souligne.
S’asseoir sur un banc dans le parc et discuter de questions philosophiques sont des activités très en vogue. Que beaucoup pratiquent d’ailleurs de leur plein gré.

L'équivalent norvégien est le mot populært, où on reconnaît sans peine l'adjectif français dont il est issu, mais qui signifie en bon français: à la mode. D'où le "très en vogue" choisi par JB. Mais qui ne le satisfait pas.

Le contexte:
Il s'agit d'un album pour enfants, peuplé d'être plus farfelus les uns que les autres, aux activités qui le sont tout autant. JB se souvient des mots de l'éditeur norvégien qui lui avait dit: "Sens-toi libre de t'écarter du texte norvégien. Ce qui compte, en français, c'est de restituer une langue amusante, avec des tournures ou des termes volontiers désuets ou pas. Mais il faut privilégier l'effet. Même en norvégien, parfois, il y a des mots étonnants. Sens-toi libre!"
Et si JB ne partage pas forcément l'avis de l'éditeur (il s'agit avant tout d'une langue avec un registre simple, un ton plein d'ingénuité et, certes, parfois, des mots étonnants et donc amusants), il va tout de même suivre son conseil.

Il aimerait donc remplacer très en vogue par lancé. Mais, en vérifiant dans ses dictionnaires, il constate que l'adjectif ne s'emploie que pour des êtres vivants, non pour des choses. Et même si l'usage s'est relâché, puisqu'on parle par exemple de “soirées, fêtes lancées”, JB serait prêt à prendre des libertés avec l'usage et employer ce lancé. Qui a des accents autant désuets que drolatiques.
Et pourtant il ne va pas le faire.
Peut-être parce que les lecteurs sont des enfants, justement. Peut-être parce qu'il s'agit d'un album. Peut-être parce que les phrases sont courtes et que, dans ce contexte narratif, l'adjectif devient obscur.
JB s'explique: dans un roman, même pour les enfants, lancé conviendrait très bien. Ici, dans un album, avec ses deux ou trois phrases par page, il faut que cela fasse mouche tout de suite. Et il ne s'agit pas ici de l'effet dont parlait l'éditeur (lui parlait du ton et, donc, indirectement, de l'intention), mais plutôt et bel et bien du sens. Si la signification devient ambiguë, du fait de l'économie narrative, on passe à côté, on loupe l'effet (ici: le ton, l'intention), et l'enfant sera perdu et refermera sans doute l'album.

Du coup, JB pense à «in». «In» entre guillemets, comme le veut l'usage, mais aussi pour éviter qu'on prononce [ε̃] et bien [in]. «In» a l'avantage de son immédiateté autant que de sa brièveté. «In» claque et résonne. «In» fait de l'effet, pour le coup dans tous les sens du terme.
Mais «in» n'est-il pas… «out»? «In» n'est-il pas… passé de mode, démodé, plus du tout "en vogue"? Hum.
Qu'en disaient, déjà en 1980, les lexicographes Josette Rey-debove et Gilberte Gagnon?


1980, ça fait trente ans. Ni in ni out n'ont les faveurs du Nouveau dictionnaire de la langue verte de Pierre Merle, c'est dire. Et le Larousse de l'argot et du français populaire ne retient que out. Une recherche quantitative de "très en vogue" dans gougueule donne plus de… seize millions de réponses! Avec moult renvois vers des dictionnaires de langue. La même recherche avec "très in" recrache 81 900 réponses, mais truffées de références anglaises ou allemandes ou autres. Autant dire que que "très in" est par conséquent… très out.
Hum.

Les enfants connaissent-ils Gainsbourg?
Hum.

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