lundi 25 octobre 2010

Sérénade

Et JB, qui ne se réveille avec aucune musique du matin dans la tête, repense néanmoins très vite à un morceau qu'il a découvert cette semaine Sugar Serenade, des Joe's All Stars (lui qui, depuis la fin de la semaine, écoute quantité de morceaux de Joe Mansano, le compositeur et producteur, celui-là même qui a interprété le JB's Theme, øøø le Tony B's Theme dont JB a bassiné ses petits amis tout le week-end), et, du coup, se demande s'il a intégré le morceau dans sa liste intitulée Sérénade, une compilation de tous les morceaux de ska et de reggae comprenant le mot en question. Il vérifie, la met à jour et, avec le regard satisfait de qui vient de manger du chocolat, constate que le résultat donne ça:


Pas mal. Ça fait pas encore beaucoup, mais c'est un bon et beau début - pense toujours JB, en pensant notamment à la perle qu'est Elizabethan Serenade, un morceau avec la flûte traversière (et il en profite pour souhaiter une bonne journée à G) des Sweet Confusion, au sujet duquel il avait glosé en mars dernier, se demandant s'il existait du reggae d'ascenseur, tout comme il existe de l'easy listening d'ascenseur. Après quoi JB se demande quel morceau il va écouter. Et choisit évidemment Tommy McCook puisque Monsieur McCook possède des morceaux pour chaque état d'âme, ainsi que JB l'avait écrit cette fois en avril dernier.
Et JB, écrivant ce post et recherchant les liens, redécouvre un de ses fameux lapsus lorsque, justement, en matière de musique du matin, il s'était fin août dernier une fois de plus réveillé avec Tony B's Theme dans la tête, qu'il avait alors, au réveil et l'esprit embrumé, rebaptisé Tony's Dream, le confondant ainsi avec le Tommy's Dream de Tommy McCook - un lapsus révélateur des rêves évidemment agités que JB avait fait au cours de la nuit.
Au final, JB constate avec toujours cette même satisfaction du mangeur de chocolat, que la boucle est ainsi parfaite entre Tony B's Theme et cette serenade de Tommy McCook - et ce d'autant plus qu'il ainsi balayé les trois premiers trimestres de l'année 2010. On écoute donc Soul Serenade:



Et force est de constater que cette Soul Serenade contient tous les accents et les notes optimistes, reposés et relaxants dont quiconque a besoin pour bien mieux commencer la semaine. Il y a dans le morceau un délassement mesuré, une jubilation contenue: l'orgue guilleret qui sert autant de phrase musicale que d'ouverture mélodique contrastant avec le saxophone légèrement tracassé, lequel vient ainsi moduler et modérer l'enthousiasme sans doute un peu bravache de son comparse. JB se dit alors: c'est exactement ça. La semaine commence et a ex-ac-te-ment cette couleur, cet arrière-plan.

Très vite, forcément, JB se répète ce mot dans sa tête: sérénade. Et, ainsi qu'il l'a déjà expliqué moult fois sur ce blog tatoué et fumeur, à force de répéter un mot, celui-ci finit par perdre son signifié (= son sens, son concept) pour ne plus conserver que son signifiant (= son image acoustique, phonique). Jb s'interroge du coup tant sur la signification que l'étymologie du terme. Il va par conséquent le rechercher dans ses dictionnaires et s'exclame dans son for intérieur, lisant la définition du TLF: Mais oui! La locution jouer la sérénade à quelqu'un


Ce que JB ignorait totalement, c'est qu'une sérénade est une mélodie "que l'on interpr[ète] la nuit sous les fenêtres d'une personne pour l'honorer ou la séduire". C'est Roméo et Juliette dès le lundi matin, en somme, songe JB. De la même manière, il trouve intéressant le glissement analogique du mot, lequel passe d'un sens positif (l'aubade amoureuse) à une valeur négative (le tohu-bohu puis la dispute).
JB va donc consulter le Robert historique de la langue française pour comprendre:

SÉRÉNADE n.f. est un emprunt (1555) à l'italien serenata, du latin classique serenus (voir ci-dessus 1) serein); le mot italien a d'abord signifié “temps serein”, “nuit sereine” (XIVe siècle), par influence de sera “soir”, puis “concert donné au début de la soirée” (XVe siècle). ◊ Sérénade désigne comme en italien un concert donné le soir sous les fenêtres d'une personne que l'on voulait honorer ou divertir, surtout dans un contexte galant. Spécialisé en musique (1703), c'est le nom d'une pièce composée en principe pour être journée en plein air et la nuit, et devenue un genre de composition libre à plusieurs mouvements. ◊ Par antiphrase, le mot se dit familièrement (1660) pour un concert de cris; cette valeur a été reprise (XXe siècle) pour un “concert” de reproches, de protestations.

Ouh là… Ça fait beaucoup d'informations évidemment capitales que JB doit résumer:
• Ainsi donc, la sérénade a une valeur courtoise: quand JB parlait, badin, de Roméo et Juliette, il était en fait dans le vrai.
• Partant, il comprend le glissement sémantique qui apporte au terme le sens de vacarme, quelle que soit la nature de celui-ci. L'analogie s'effectuant sur l'air (hö!) de: "Ta gueule, t'empêches tout le monde de dormir" à force de gueuler ton amour dehors.
• Mais surtout: la sérénade est donc non seulement liée d'un point de vue étymologique au soir, mais elle le serait aussi à l'adjectif serein? La sérénade du soir apporterait donc la sérénité? Mieux: Le soir et la sérénité serait un seul et même mot? Le soir serait synonyme de sérénité - comme l'ont fixé les proverbes “araignée du matin, chagrin” versus “araignée du soir, espoir”??? Ça alors!

JB, lisant donc que sérénade est formé sur le substantif serein, il lève donc les yeux pour en lire l'étymologie:
SEREIN n.m., réfection (1580) d'après l'adjectif de serain (vers 1138), sierain (vers 1175), est issu d'un latin populaire °seranus, dérivé de serum, latin classique serus “tardif”, qui a un correspondant, pour la forme, dans le vieil irlandais sír “long” et, pour le sens, dans le sanskrit sayám “soir”. De serus vient le bas latin sera n.f. “le soir”, dont procèdent l'ancien provençal sera “soir” (vers 1160) et l'italien sera. L'adverbe sero “tard”, “trop tard” a abouti (vers 980) à ser, qui a donné soir.
◊ Le mot a d'abord désigné la tombée du jour, le soir, puis (vers 1180) l'humidité qui tombe avec la nuit, acception aujourd'hui littéraire ou régionale. ◊ la locution prendre le serein qui signifiait “en éprouver les effets malfaisants” (1671) continue l'ancien provençal pausar a la serena “exposer à l'air frais de la nuit” (XIIIe siècle); au XIXe siècle, la locution s'est quelquefois employée (1872) pour “prendre le frais”; elle est archaïque.

Voici donc une chose entendue et, avant de passer à l'adjectif homonyme, JB va vérifier dans le Gaffiot les parentés latines entre le soir et de la sérénité:




SEREIN, EINE adj. est la réfection (1549) d'après le latin de serain (vers 1175, jusqu'au XVIe siècle), mot issu d'un latin populaire °seranus, altération du latin classique serenus “pur, sans nuages” et au figuré “calme, paisible”, d'où serenum n. “temps serein”. Serenus, d'où viennent l'italien et l'espagnol sereno, est formé d'un ancien °seres-no-s, sans doute issu d'un thème °ser- désignant l'état clair et sec du ciel. Les rapports avec d'autres mots restent peu convaincants: si l'on rapproche serenus du grec xêros “sec” (-> élixir), la voyelle longue ê est inexpliquée; par ailleurs, l'ancien haut allemand serawen “sécher” est éloigné par le sens.
◊ L'adjectif français, aujourd'hui littéraire, signifie comme en latin “qui est à la fois pur et calme”, en parlant du ciel, de l'air; il s'applique par figure (vers 1240, serin) à ce qui indique la maîtrise de soi, le calme. ◊ Au XVIe siècle, serein s'est employé comme nom masculin pour parler de la clarté du temps (1538) et d'un visage paisible (vers 1550). ◊ Avec une valeur abstraite, l'adjectif qualifie (avant 1550) ce qui est exempt d'agitation, puis s'emploie pour “moralement calme, apaisé” (avant 1648). Au XXe siècle, toujours avec l'idée de “calme”, il s''utilise en parlant d'une situation sociale.

Ouh là là là là là… JB doit faire une pause pour digérer et s'approprier tout ça.
Ainsi donc, ce qui est tard est devenu le soir. Ainsi donc, le temps du soir s'est lentement mis à désigné le temps sec du soir et/ou de la nuit. Ainsi donc, le temps sec et limpide et sans nuages a signifié le calme. Ainsi donc, un temps serein a signifié un état d'âme serein, autrement dit: la sérénité.
Et, même si on est le matin et noir le soir, JB veut connaître la sérénité, encore plus en ce lundi matin où il est à nouveau un petit vampire. Il veut tous les sens du mot latin sereno. Il veut 1) "rendre serein", à commencer par lui-même; 2) connaître "un temps serein", à commencer par celui dans son esprit; partant, 3) "chasser les nuages de l'âme", à commencer par la sienne propre; pour enfin, 4) "montrer sur son front un espoir serein".
Et comment y parvient-il?
En écoutant, même si on est le matin, une sérénade, donc une mélodie du soir qui apporte un temps sec et calme et donc serein, et qui enfin ce faisant amène la sérénité.

Il met donc une seconde sérénade, liquide quant à elle, interprétée par lee Perry et ses Upsetters, et, comme celle de Tommy McCook, empreinte de cet optimisme prudent.
Et une bonne journée à tou(te)s!

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