© icke
On y était donc hier soir, avec G et F, la musique était grandiose, le son absolument dé-gueu-lasse (mais JB commence à penser que le son est fondamentalement dégueulasse au SO36), Doreen Shaeffer a fait son apparition (dans une espèce de cardigan en patchwork du plus bel effet) pour pousser la chansonnette, on se sentait ce soir-là encore un peu Michel Delpech avec son "rhumatisme qui devient gênant" et, fort de cette sensation diminuée, JB a fait un jeu de mots avec la locution "faut pousser mamie dans les orties" - qui l'a du même coup intrigué:
D'où vient la locution? Pourquoi mamie et pourquoi dans les orties?
JB a donc cherché.
Or l'expression n'est pas recensée en tant que telle dans le Robert Dictionnaire des expressions et locutions. Elle n'apparaît, classée au verbe pousser, qu'en tant que "variante plaisante" de "faut pas pousser", indique le Robert qui cependant ne répertorie pas l'occurrence mamie mais dans un premier temps mémé, puis dans un second temps, et entre parenthèses, mémère.
Première question, donc, on pousse qui? Mamie? Mémé? Mémère? Grand-mère?
Le Robert, qu'il soit petit ou en 6 volumes, reste muet.
Le Dictionnaire de la langue verte de Pierre Merle également.
Le TLF (JB rappelle, et c'est lui qui souligne: Trésor de la Langue française) préfère la grand-mère:
Le Larousse de l'argot et du français populaire opte pour la mémère.
Et que dit ce cheeer Littré?
Mû par mon mauvais esprit habituel, JB s'attend au grand mutisme du Littré. De fait, rien n'est recensé au verbe pousser - puisque c'est à cette entrée que les autres dictionnaires ont répertorié la locution. Consciencieux, JB va tout de même vérifier à ortie, et là, oh surprise!, la locution apparaît. Non pas dans version électronique, mais dans la version papier. Il cite:
Et que dit ce cheeer Littré?
Mû par mon mauvais esprit habituel, JB s'attend au grand mutisme du Littré. De fait, rien n'est recensé au verbe pousser - puisque c'est à cette entrée que les autres dictionnaires ont répertorié la locution. Consciencieux, JB va tout de même vérifier à ortie, et là, oh surprise!, la locution apparaît. Non pas dans version électronique, mais dans la version papier. Il cite:
Fam. Faut pas pousser grand-mère, mamie, mémé, dans les orties, il ne faut pas aller trop loin dans ses demandes.
Aha. Si le Littré la reconnaît, c'est donc que la locution, à l'instar de la vieille dame qu'elle bouscule, a un certain âge (hö!). Mais pourquoi le Robert l'ignore-t-il (idem du Robert historique de la langue française)? Et pourquoi aucun dictionnaire ne date l'apparition dans la langue française de la locution?
Qui se trouve bel bien dans le Dictionnaire du français parlé de Charles Bernet et Pierre Rézeau de 1989, la locution est effectivement ancienne. Lesquels, soit dit en passant, choisissent d'abord la grand-mère puis, également entre parenthèses, la mémé.
La grand-mère semble remporter tous les suffrages, ensuite vient la mémé, puis la mémère et, en queue de peloton, la mamie.
Que dit l'usage populaire?
Allons vérifier les occurrences sur gougueule en tapant "faut pas pousser xxx dans les orties". Il ressort:
grand-mère: 174 occurrences
mémé: 44 500
mémère: 1410
mamie: 1160
Donc, contrairement aux lexicographes et autres académiciens, le Français lambda préfère pour sa part la mémé, la grand-mère finissant bonne dernière. Et la question liminaire de demeurer entière: pourquoi telle appellation plutôt que telle autre? Les langues ayant tendance à éliminer, à chasser, à se simplifier, l'usage quotidien a sans doute préféré les substantifs en deux syllabes plutôt que le trop long grand-mère qui de surcroît ne résiste pas au langage parlé. L'assonance rehaussée d'un redoublement graphique en ie de mamie/ortie explique aussi peut-être pourquoi mamie tend à connaître une petite fortune, qui plus est attestée par le Littré.
Bon.
La deuxième question à laquelle aucun dictionnaire ne répond directement est celle concernant les orties?
Certes, le Wiktionnaire, la variante linguistique de Wikipédia, répertorie un improbable hortensia:
N'y aurait-il pas là encore (comme on l'a vu il y a quelques jours pour le roi de la piste) un amalgame entre deux expressions?
La première étant: faut pas pousser!
La seconde étant: jeter son froc aux orties.
Retournons au Littré et copions la définition en ce que, aussi, elle donne à lire une magnifique citation de Victor Hugo:
Qui se trouve bel bien dans le Dictionnaire du français parlé de Charles Bernet et Pierre Rézeau de 1989, la locution est effectivement ancienne. Lesquels, soit dit en passant, choisissent d'abord la grand-mère puis, également entre parenthèses, la mémé.
La grand-mère semble remporter tous les suffrages, ensuite vient la mémé, puis la mémère et, en queue de peloton, la mamie.
Que dit l'usage populaire?
Allons vérifier les occurrences sur gougueule en tapant "faut pas pousser xxx dans les orties". Il ressort:
grand-mère: 174 occurrences
mémé: 44 500
mémère: 1410
mamie: 1160
Donc, contrairement aux lexicographes et autres académiciens, le Français lambda préfère pour sa part la mémé, la grand-mère finissant bonne dernière. Et la question liminaire de demeurer entière: pourquoi telle appellation plutôt que telle autre? Les langues ayant tendance à éliminer, à chasser, à se simplifier, l'usage quotidien a sans doute préféré les substantifs en deux syllabes plutôt que le trop long grand-mère qui de surcroît ne résiste pas au langage parlé. L'assonance rehaussée d'un redoublement graphique en ie de mamie/ortie explique aussi peut-être pourquoi mamie tend à connaître une petite fortune, qui plus est attestée par le Littré.
Bon.
La deuxième question à laquelle aucun dictionnaire ne répond directement est celle concernant les orties?
Certes, le Wiktionnaire, la variante linguistique de Wikipédia, répertorie un improbable hortensia:
N'y aurait-il pas là encore (comme on l'a vu il y a quelques jours pour le roi de la piste) un amalgame entre deux expressions?
La première étant: faut pas pousser!
La seconde étant: jeter son froc aux orties.
Retournons au Littré et copions la définition en ce que, aussi, elle donne à lire une magnifique citation de Victor Hugo:
Cependant, on voit mal comment les sens de renoncer et exagérer pourraient à un moment donné se croiser d'autant que l'expression qui voit le froc jeté est plutôt positive alors que celle qui envoie la grand-mère est inversement négative.
Non.
En fait peut-être faut-il rester dans le vocabulaire horticole et c'est le TLF qui nous donne une piste.
L'ortie, initialement, dans son sens métaphorique, s'oppose à la rose:
En fait peut-être faut-il rester dans le vocabulaire horticole et c'est le TLF qui nous donne une piste.
L'ortie, initialement, dans son sens métaphorique, s'oppose à la rose:
La rose représentant le bien, l'ortie le mal; la citation de Gautier d'Arras, précise le Littré étant:
Le Robert historique de la langue française confirme. Le mot "a été employé de bonne heure comme symbole du mal (1174-1184) par opposition à la rose.
Bon. Voilà une autre chose confirmée.
Maintenant les expressions reprenant le mot rose. Puisque l'une d'elles est particulièrement signifiante pour notre propos:
Envoyer quelqu'un sur les roses.
Or en fait cette expression est récente, indique toujours le Robert, puisqu'elle date de 1961, est dérivée de être sur les roses, "dans une situation fâcheuse", datant elle-même de 1844, toutes deux venant "probablement d'une image apparentée à envoyer promener et jouent sur l'idée d'épines."
Voilà JB bien marri… Puisqu'il voit mal comment une expression donnant un sens négatif à rose et qui n'apparaît au mieux qu'au XIXe siècle vient conforter une expression datant du XIIe siècle, pour sa part plutôt tombée en obsolescence. Ou bien, au contraire, la mémoire linguistique et l'inconscient collectif sémantique peuvent-ils garder la trace de ces usages au point de: 1) créer une locution, 2) faire resurgir des sens oubliés?
L'hypothèse n'est pas absurde, confer l'usage récent du mot bouffon, mais tout de même tirée par les cheveux.
Bon. Toujours est-il que JB est face à une énigme.
En guise de conclusion, on va écouter cette perle psychédélique datant de 1967, Ne poussez pas mémé dans les orties (et qui confirme une fois encore que l'expression ne date pas d'avant-hier), d'un groupe intitulé Chorus Reverendus à propos duquel Bide & Musique nous informe que le fondateur, Germinal Tenas, s'est ensuite spécialisée dans la musique de films.
Enjoy, c'est grand !
Bon. Voilà une autre chose confirmée.
Maintenant les expressions reprenant le mot rose. Puisque l'une d'elles est particulièrement signifiante pour notre propos:
Envoyer quelqu'un sur les roses.
Or en fait cette expression est récente, indique toujours le Robert, puisqu'elle date de 1961, est dérivée de être sur les roses, "dans une situation fâcheuse", datant elle-même de 1844, toutes deux venant "probablement d'une image apparentée à envoyer promener et jouent sur l'idée d'épines."
Voilà JB bien marri… Puisqu'il voit mal comment une expression donnant un sens négatif à rose et qui n'apparaît au mieux qu'au XIXe siècle vient conforter une expression datant du XIIe siècle, pour sa part plutôt tombée en obsolescence. Ou bien, au contraire, la mémoire linguistique et l'inconscient collectif sémantique peuvent-ils garder la trace de ces usages au point de: 1) créer une locution, 2) faire resurgir des sens oubliés?
L'hypothèse n'est pas absurde, confer l'usage récent du mot bouffon, mais tout de même tirée par les cheveux.
Bon. Toujours est-il que JB est face à une énigme.
En guise de conclusion, on va écouter cette perle psychédélique datant de 1967, Ne poussez pas mémé dans les orties (et qui confirme une fois encore que l'expression ne date pas d'avant-hier), d'un groupe intitulé Chorus Reverendus à propos duquel Bide & Musique nous informe que le fondateur, Germinal Tenas, s'est ensuite spécialisée dans la musique de films.
Enjoy, c'est grand !
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