lundi 17 mai 2010

La moppe

Après la couvrance et la longue tenue en avril - puisque, je tiens à le rappeler en citant les propos de S, "la couvrance et la longue tenue sont les deux mamelles du fond de teint" - JB est à nouveau confronté à des problèmes domestiques.
Cette fois-ci avec le (la?) mopp.
Mais naaan, pas une lope… Tout de suite, la sexualité! Pff…
Une mopp. Avec un M comme ménage. Mais naaan, pas ménage à trois! Tout de suite encore, hé, l'aut', hé! Le personnage dans le roman, une femme, elle fait le ménage dans une entreprise.
Késako une mopp?
C'est ça:


Mais comment on dit en français?
Parce que, je voudrais pas dire, je voudrais pas pousser mamie dans les orties, mais nous, dans la Rance, on passe pas cet instrument. Nous, on passe la serpillière. La serpillière, ouais, d'abord! Enfin, on passe d'abord le balai (ou l'aspirateur si on a l'électricité), et ensuite on passe la serpillière. Ou la since, si comme ce blog tatoué et fumeur on vient de l'Ouest de la France; ou la washingue/wassingue si on vient respectivement de l'Est ou du Nord; ou la panosse si on vient de Savoie ou de Suisse Romande (bonjour, Mme Fifrelin!); ou si on vient de Belgique le torchon voire la loque à roqueter (c'est tout de suite plus allitératif - genre: "T'as passé la loque à roqueter sur les loques où le roquet a fait ses besoins?"); et enfin… la mop si on vient du Québec.
Aha! La revoilà notre mopp. Puisque en anglais on dit mop. Et le mot, soit dit en passant, pour faire de la linguistique domestique, vient du latin mappa, qui signifiait, nous apprend le Gaffiot, 1) serviette ou serviette de table 2) serviette qu'on jetait dans le cirque pour signaler le début des jeux. La suite étymologique est bien connue, d'où notre exemple canin supra et l'illustration cinématographique infra - et qui nous prouve par la même que par, assimilation du M puis labialisation en L, mopp et lope sont de la même famille:



Mais bon. On n'a pas que ça à faire, nous. On a un mot à trouver, un mot qu'on trouve pas, ce qui nous indique aussi, pour en revenir à notre dada qu'est l'ethnolinguistique, que tous les peuples ne font pas le ménage de la même manière, n'utilisent pas les mêmes instruments: les Français passent la serpillière, ont l'a vu, les Anglo-Saxons et les Norvégiens la moppe (on va l'appeler comme ça, pour faire court).
Que nous dit justement notre dictionnaire chéri norsk/français, ordnett.no:







Alors ça c'est le pompon! Un balai O'Cedar???
Pff… N'import' nawak…
Nan. En fait, c'est Manutan (ouiii! bonne nouvelle: Manutan existe toujours, comme dans les années 70), c'est donc Manutan qui nous le révèle. Ça s'appelle… tadah!… une… tadah!… frange.
Pardon?
Ben ouais… Une frange.
Genre: A: "T'as la passé la frange?" B: "Non, je vois rien, j'ai la frange dans les yeux."
Je vais quand même pas écrire dans le roman que Monika passe la frange. C'est ridicule… Tous les lecteurs francophones vont être pliés de rire. La teu-hon que je me paierais après! Je sais bien que, selon mon ex-mari, j'étais un spécialiste du nettoyage sec et pas du nettoyage mouillé, mais quand même…
En même temps, Monika, elle le précise noir sur blanc: "Je coince la poche de frange d'un côté, je fais claquer l'élastique sur l'autre côté (…)" Sauf erreur ou omission de ma part, on peut pas trop faire ça avec une since… euh… une serpillière.
Purée de punaise, mais qu'est-ce que je vais faire, moi? Elle pouvait pas nettoyer le four, Monika, comme Alice Sapritch avant elle?



Comme quoi… le ménage sec, ça a du bon.
Pour preuve, celle-ci, réalisée en 1984, un an après celle avec Alice Sapritch, avec l'inoubliable Marie-Pierre Casey:




Bon, je fais quoi moi dans l'histoire?
Comme Monika est femme de ménage, elle sait ce que c'est qu'une frange. Donc elle va utiliser sa frange mais, pour mieux introduire la frange (façon de parler, s'entend), je vais mettre une petite serpillière avant, histoire de ne pas perdre le lecteur. Hum. Oui, on va faire ça.
Et après, on pourra continuer d'écouter le toujours facétieux Lee Perry qui, en 1969, reprenait
Yaketi Yak des Coasters et chantait: "If you don't scrub that kitchen floor, you ain't gonna reggae reggae reggae no more."
(On s'en doute, dans la version originale des Costers, il n'était pas question de reggae reggae reggae, mais de rock and roll…)

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