Elle était notamment capable de casser du sucre sur le dos d’une personne du village prise en flagrant délit d’adultère, et tout en même temps de dénuder une bonne partie de sa cuisse devant l’homme avec lequel elle s’entretenait.
Et JB de s'interroger naturellement sur l'origine de cette locution: casser du sucre sur le dos de quelqu'un.
Ni une ni deux, il va vérifier dans le Robert historique de la langue française, qui lui dit:
◊ Casser du sucre sur le dos de qqun est familier (1868) pour “dire du mal de lui en son absence”; ici, à part le fait que l'on cassait des pains de sucre pour la vente au détail, l'allusion au sucre reste obscur: sucrer, “maltraiter” en argot, est postérieur; on peut penser à un emploi par antiphrase de sucre “douceur”.
Aha.Ça c'est un peu étrange. Étrange que le Robert ne sache pas.
Puisqu'il est question d'argot et puisque la locution est recensée à partir de 1868, JB va consulter le Dictionnaire d'argot classique. Et aussitôt il trouve:
Mais naaan, mes petits amis, il ne faut regarder ni suc ni sucre d'orge, mais bien les autres valeurs des mots sucre et sucrer. On lit bien que tous les emplois concernent l'argot des voleurs, que le mot vient de ce milieu-là. Ceci dit, cela n'explique l'emploi du mot sucre à proprement parler.
Voyons ce que Jean-Paul Colin nous dit dans son Larousse de l'argot & du français populaire:
3. Du sucre, se dit d'une entreprise ou d'une activité facile et avantageuse. Vieilli. Être au sucre, être facile à voler. 4. Vieilli. Sucre de pomme, levier d'effraction. 5. Bout de sucre, dé pipé. 6. Casser du sucre. a. casser des cailloux; b. être un délateur.
ÉTYMOLOGIE emplois métonymiques du mot usuel (analogie de couleur, facilité à fondre, etc.). (…) 6b. 1872, mais casser le sucre à la rousse, dénoncer un complice, dès 1867.
Ben voilà. L'analyse diachronqiue est terminée: dénoncer < médire < critiquer quelqu'un en son absence.
Reste tout de même une énigme. Pourquoi sur le dos? Pourquoi casse-t-on du sucre sur le dos de quelqu'un?
Il suffit pour cela d'aller consulter le Robert des expressions et des locutions, qui nous indique les sens suivants:
Dans le dos “par derrière”
Derrière le dos de qqun “en se cachant de lui, sans son consentement”; ou encore “en le suivant de près, pour le surveiller, etc”
fam. Faire un enfant dans le dos (à qqun) “trahir sa confiance”. Métaphore de la sodomie, à laquelle s'ajoute une contradiction logique résolue par le transfert de sens (faire un enfant = faire l'amour, coïter).
Mettre quelque chose sur le dos de quelqu'un “lui en attribuer la responsabilité”. La métaphore est lexicalisée dans l'emploi figuré de charger.
Se laisser manger (tondre) la laine sur le dos “se laisser voler, exploiter, sans réagir” (1585). Cette expression exploite évidemment la passivité du mouton.
Tomber sur le dos de quelqu'un “l'attaquer par derrière”. La préposition sur exprime le caractère constant, pénible et subi de la surveillance (que derrière, uniquement directionnel, n'implique pas).
Le dos évoque ainsi, quelle que soit la préposition qui l'introduit (si, dans ce contexte, JB ose dire), l'idée 1) de tromperie, 2) de passivité de la personne trompée. Et on voit, tout particulièrement avec la préposition sur l'usage ancien de certaines locutions, laquelle, conjuguée aux sémantismes du mot dos, explique certainement la métonymie entre le sucre d'une part et le dos d'autre part, au point, en fin de compte, de créer une nouvelle locution. Puisque, en guise de conclusion, les deux termes ont des sémantismes très voisins. Dans ce sens, l'expression est presque un redoublement sémantique.
Allez, on se quitte sur le sucre, justement, et, forcément, avec le Sugar, Sugar tel que chanté par Bob Marley.
Babaaaille!
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