Le film se passe de 1983 à 1985, dans ces années où la réalité du sida devient inévitable, un fléau dont seuls quelques gens mesurent alors la gravité - dans le film, c'est Michel Blanc. Et il y a cette scène, qui se passe en 1984, où Julie (magnifiquement interprétée par Julie Depardieu - ici sans doute la seule actrice qui joue juste de bout en bout), cantatrice et sœur de Manu, pédé puis séropo puis sidéen puis mort (et, tout de même, interprété de façon très solaire par Johan Libéreau), où Julie donc dit à Adrien (Michel Blanc):
Je crois que je vais aller à Munich. Il paraît que les chanteurs français sont très appréciés là-bas.
La double coïncidence, voire triple aujourd'hui, c'est que dix ans après, en 1994 donc, je me retrouve dans un avion entre Paris et Munich où je pars travailler et que je lis Chambres séparées de l'écrivain italien Pier Vittorio Tondelli († RIP - il est mort du sida en 1991, son roman est publié en Italie en 1989, en France en 1992), qui commence par ces lignes:
Un jour, pas très loin dans le temps, il a brusquement surpris son visage contre le hublot d'un petit avion en vol entre Paris et Munich.
(traduit de l'italien par Nicole Sels, © Seuil, pour l'édition française)
Et déjà, à l'époque, la coïncidence était troublante, tant entre la fiction que la réalité, qu'entre le sujet de la fiction et la couleur de la réalité.
Si le voyage à Munich allait se révéler un sauvetage, pour employer un terme dans son acception très bernhardienne, 16 ans après, 16 années de vie après, il ne reste plus aucun souvenir de l'histoire romanesque - sinon les contextes propres à la lecture et à la fiction. Et c'est peut-être justement en cela aussi que le film de Téchiné était troublant: non pas tant pour l'histoire qu'il raconte que pour les contextes historiques individuels et collectifs qu'il trace et souligne.
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