mercredi 17 mars 2010

Perdre le début

Lu aujourd'hui dans le bus, en allant rendre visite à Frau S, ce passage du magnifique roman de Tomas Espedal, Contre l'art, nominé pour le Prix du Conseil Nordique
Jeg fikk ikke denne dagen til, eller det ble en helt umulig dag for meg, den ble ikke slik jeg ville at den skulle bli, ja, hva ville jeg med denne dagen?
Kan jeg si at jeg mistet den, at jeg mistet dagen, hvor mange dager har jeg mistet på denne måten; det ble ikke min dag. Dagen begynte godt, det var en god begynnelse på en god dag (…)
Var det ikke mer som skulle til for å formørke denne dagen min, hele min fremtid: at en vanene mine ble forstyrret? Ja, det skulle ikke mer til for å få meg ut av fatning og inn i mørket, i ett alvorlig øyeblikk ble alt sort. I ett alvorlig øyeblikk var det som om jeg mistet alt: dagen, synet, motet, viljen, jeg hadde ikke andre ønsker enn ønsket om å gi opp.
I ett alvorlig øyeblikk var alt slutt; jeg hadde mistet begynnelsen.

J'ai loupé cette journée, ou si je ne l'ai pas loupée alors elle a été une journée tout à fait impossible pour moi, elle n'a pas été la journée qu'elle aurait dû être, oui, qu'est-ce que je voulais en faire de cette journée?
Puis-je dire que je l'ai perdue, que j'ai perdu ma journée, combien de journées ai-je perdues de cette manière: ça n'a pas été ma journée. Pourtant la journée commençait bien, c'était un bon début en vue d'une bonne journée (…)
N'en fallait-il pas plus pour assombrir cette journée, ma journée à moi, tout mon avenir: voir une de mes habitudes perturbée? Non, il n'en fallait pas plus pour me décontenancer et me plonger dans des ténèbres, quand en l'espace d'un instant solennel tout est devenu sombre. En l'espace d'un instant solennel, un seul, j'ai eu l'impression de tout perdre: la journée, la vue, le courage, la volonté, je n'avais plus d'autre désir que celui de renoncer.
Dans un instant solennel tout venait de se terminer: j'avais perdu le début.
© pour le texte original: Tomas Espedal, Imot kunsten, Gyldendal, 2009
© pour la traduction en français: Jean-Baptiste Coursaud




Et tout ceci résonne comme un souvenir des mois de décembre et janvier, et octobre et novembre avant eux, et août et septembre avant encore, et avril et mai et juin encore avant - dix mois de "journée[s] loupée[s]" sitôt commencées, de "journée[s] perdue[s]" dès le début.

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