dimanche 19 décembre 2010

Love is a four letter word

Und, sicher weil er Fs Tätowierung gestern gesehen hat, hört der JB (während es schneit und schneit und schneit und schneit) seit dem Aufstehen auf Björk. Es gibt allerdings ein Stück von ihr, das sie in 1977 aufgenommen hat, als sie nur 12 war: Arabadrengurinn, also Der Araberjunge [araba = araber + drengur = Junge + inn = der — seitdem der Artikel in allen skandinavischen Sprachen, also auf auch Isländisch, an das Substantiv angehängt wird: einn drengur = ein Junge aber drengurinn = der Junge]. Das Lied ist Kult, und wir hören es sogar sssofort.

Et, sûrement parce qu'il a vu le tatouage de F hier, JB écoute (pendant qu'il neige et qu'il neige et qu'il neige et qu'il neige) Björk depuis le réveil. Il y a d'ailleurs un morceau d'elle, enregistré en 1977 alors qu'elle avait douze ans: Arabadrengurinn, Le Garçon arabe, donc [araba = arabe + drengur = garçon + inn = le — puisque l'article défini, dans toutes les langues scandinaves donc en islandais aussi, est toujours post-posé au substantif qu'il détermine: einn drengur = un garçon mais drengurinn = le garçon]. La chanson est culte, et on l'écoute pas plus tard que tout de suite.



Lass uns mit ihr singen:
Allez, on chante avec elle:
Á nílarbökkum við gendum og sungum
Um lífsinns gleði, fegurð og ást
Ég fylltist anda úr framandi tungum
Ég elska hann

Et le mot magique dans ces lignes c'est: ást. Ást prononcé [aʊ̯st], c'est-à-dire : "a-ô-s-t". Ást comme dans Allt Er Fullt Af Ást, la version islandaise de All Is Full Of Love, un autre morceau, lui plus connu, de Björk — d'où le tatouage, donc.

Und in diesen Zeilen ist das Zauberwort: ást. Ást [aʊ̯st] ausgesprochen wie im Wort Baum. Ást sowie in Allt Er Fullt Af Ást, die isländische Version von All Is Full Of Love, ein anderes und mehr bekanntes Stück von Björk — von daher die Tätowierung.


Oder hier:
Ou ici:


Question, donc: pourquoi, ainsi qu'on le voit plus haut, les trois langues continentales scandinaves emploient le même mot pour désigner l'amour = kjærlighet (en norvégien), alors que l'islandais utilise ást? D'où vient ce mot, ást?
Frage, also: warum, wie man es oben sehen und lesen kann, nennen die drei kontinentalen skandinavischen Sprachen Liebe = kjærlighet (auf Norwegisch), wo das Isländische ást benutzt? Woher kommt dieses Wort, ást?

Man muss in das Wörterbuch gucken. Und genau darauf forderte uns damals in 1971 Roy Budd mit Love Is A Four Letter Word: "Look inside your dictionary!". Ein Lied das direkt im Stil mit Björks Arabadrengurinn ist — d.h.: von Synth-Pop zu Disco, und das man in den 90er Jahren als Easy Listening gennant hat. Und die Sängerin sagt ganz genau: "But nothing in the dictionary will tell you what that word can be: Love is a four letter word." Hat sie Recht? Lass uns 2'40'' von unserer Zeit nehmen um diese Perle zu hören, und dann können überprüfen, ob sie sich irrt oder nicht.

Il faut regarder dans le dictionnaire. Et c'est justement cela que nous invitait à faire Roy Budd, en 1971, avec Love Is A Four Letter Word: "Look inside your dictionary!". Une chanson en style direct avec le Arabadrengurinn de Björk — c'est-à-dire: de la synth pop au disco, ce qu'on a appelé dans les années 90 de l'easy listening. Et la chanteuse de dire très exactement: "But nothing in the dictionary will tell you what that word can be: Love is a four letter word." A-t-elle raison? Prenons 2'40'' de notre temps pour écouter cette perle. Après quoi nous verrons si elle se trompe ou pas.




Alors, il vient d'où ce mot?
Also, woher kommt es, dieses Wort?

Es kommt von einem indogermanischen Wurzel °ans-, das eine Idee von wohl in sich trägt. Oder besser: günstig, denn ást und Gunst (also günstig) oder gönnen kommen von dem gleichen Wort: °ans-, wie Julius Pokorny in seinem Proto-Indo-European Etymological Dictionary es uns erklärt:
Le mot vient d'une racine indoeuropéenne °ans-, qui porte en elle l'idée de bien dans le sens de favorable, ainsi que Julius Pokorny nous l'explique dans Proto-Indo-European Etymological Dictionary:


Et malgré la présence d'un terme grec apparenté, ce terme °ans- et ses dérivés contiennent en eux une réalité propre au monde germanique. Confer ce verbe dérivé qu'on retrouve dans les langues scandinaves et en allemand: unne/unna dans les premières, gönnen dans la seconde. Un terme toujours très difficile à traduire en français:


Comme on le constate, il y a donc le sens de souhaiter, mais souhaiter dans l'acception de mériter (que le résultat soit positif ou négatif). Sous-entendu: “je l'ai bien mérité!” ou “elle ne l'a pas volé!” La plupart du temps, on emploie ce verbe pour parler de quelqu'un, même si l'action peut désigner soi-même. Voire, en norvégien, le verbe est surtout utilisé à la forme négative.
Il y a dans l'inconscient sémantique la réalité d'un plaisir dont on est privé ou dont on se prive soi-même, pour quelque raison que ce soit. Est-ce à dire alors que, selon les peuples germaniques, le plaisir se mérite? Que, lorsqu'on l'a enfin, on ne l'a pas volé? Comme si le plaisir était par nature difficile à obtenir et qu'il faut se réjouir de le posséder quand il est là.
Dans une histoire anthropologique des peuples germaniques, il n'y a qu'un pas qu'on pourrait franchir avec leur conversion quasi générale (à l'exception de quelques régions en Allemagne et aux Pays-Bas) au protestantisme. Contrairement aux Latins, catholiques, qui peuvent se rédimer grâce à la confession ou à la tenue/à l'achat d'une messe et sont ainsi lavés de leurs fautes, les protestants sont continûment dans le péché et la honte (confer la fréquence dans le vocabulaire quotidien de shame en anglais, skam en suédois - par rapport à la honte française). Est-ce vraiment le cas? Pour cela, il faut poursuivre l'analyse étymologique et lexicographique…

Der JB erklärte gerade in seiner Muttersprache, dass der deutsche Verb gönnen (unne auf norwegisch) keine direkte Übersetzung auf französisch hat. Wie man es oben sieht, und mit der griechischen Ausnahme, gehört dieses Wortbild von °ans- und alle dessen nachfolgigen Worte zu einer germanischen Realität. Und was wiederum spannend ist, wenn man sich die etymologische Ursprung weiteranschaut. In allen germanischen Sprachen bedeutet also Liebe auch Dank, Gunst, Wohlwollen. Nicht nur ist es nur positiv aber ursprünglich ist es zu jemandem gerichtet: man will das Wohl von und für jemanden (also gönnen). Es gibt hier eine Aktion, man ist nicht allein, man kann nicht allein lieben, man kann nur mit jemandem lieben. Und nicht nur das. Wenn man die Bedeutungen auf altenglisch guckt, sieht man dass Liebe Vergnügen und Harmonie bringt.



L'étymologie de ce mot amour, c'est donc vouloir le bien = wohl wollen. L'amour est donc avant tout une action, un geste tourné vers l'autre, une preuve altruiste, une générosité. Le terme n'a dans aucune des langues germaniques une charge négative, uniquement positive.
Si on retourne à l'idée religieuse soulevée supra, on constate également que les synonymes vont dans cette direction. Que ce soit en gothique ou en allemand, le terme signifie également merci, la grâce, la faveur qu'on avait plus haut. L'amour est favorable et apporte la grâce. Donner son amour ou recevoir l'amour apporte le bien. Voire, comme en ancien anglais, le plaisir et l'harmonie.


Revenons à présent à présent à ást en tant que mot et réalité scandinaves.
Les langues scandinaves sont divisées en deux familles: la famille de l'ouest (islandais, féroïen, vieux norvégien < nynorsk = néo-norvégien), la famille de l'est (suédois, danois, riksmål < bokmål = norvégien moderne). Le terme n'existe que dans les langues de l'ouest. Ainsi en féroïen:


Et bien sûr on adore le mot ástarfundur qui signifie rendez-vous amoureux, littéralement rencontre d'amour, sachant que fundur (= rencontre) est une substantvation du verbe signifiant trouver, donc, plus littéralement encore: une “trouvaille/découverte amoureuse”!!!
On constate ensuite qu'on néo-norvégien, le mot appartient au langage poétique:


Enfin, en islandais, comme on le lit ci-dessous, c'est l'amour tout comme mon amour, mon/ma chéri(e). Mais il y a aussi cette magnifique définition: les points blancs qu'on a sur les ongles sont appelés amours (= ástir), puisqu'on "aura autant d'amoureux/ses que de points". C'est charmant et mignon! Ça veut dire quoi, en termes d'ethnolinguistique? Qu'on a, qu'on ressent l'amour jusqu'au bout des doigts? Que les Islandais(es) ont beaucoup d'amants et/ou de maîtresses?!?


Puis on lit cette définition étrangissime: "amour entre un homme et une femme, affection entre un mari et son épouse". Plus hétérocentré tu meurs! L'amour, c'est l'affaire des hétérophiles, à en croire le dictionnaire islandais-anglais. Ça nous fait une belle jambe! Les pédés, les gouines et les trans ne te remercient ni ne te saluent, dictionnaire de leurs deux!
Mais si on recherche un peu, on est atterré de voir qu'une certaine recherche universitaire poursuit ce présupposé. Un spécialiste suédois des sagas islandais, Daniel Sävborg, a étudié le vocabulaire amoureux dans les sagas et sa définition de l'amour, c'est la suivante:


JB traduit:
L'amour qui fait l'objet premier de ma recherche est une attirance hétérosexuelle pour une personne spécifique, où le sentiment d'attraction spirituelle dépasse le désir sexuel pur.
Booon…
Super!

Mais bon, foin des énervements…
La civilisation viking utilisait en tout cas quatre mots pour le commerce de l'amour: deux substantifs: ást et kærleikr, et deux verbes: unna et elska. Nous avons déjà vu le sens des deux premiers de chaque classe et elska, nous l'avons également entonné en chantant Björk qui disait donc: ég elska hann = je l'aimais/je l'ai aimé. C'est le Dictionnaire étymologique de la langue suédoise qui nous explique ensuite:


Älska (elske en norvégien et en danois), c'est à l'origine envelopper, renfermer, adhérer, se joindre à. Il y a donc l'idée de passer ses bras autour de quelqu'un pour lui montrer physiquement son amour — et on sait combien dans les civilisations scandinaves on n'embrasse pas mais on  enlace = on donne une accolade pour saluer quelqu'un qu'on connaît, on lui montre ainsi son affection. Mais aussi l'union dans l'acte même d'amour. Confer ce qu'on disait plus tôt sur le ást. Là encore, il s'agit d'une action, c'est verbe itératif, et une action que l'on fait à deux, pour et avec quelqu'un. Toujours cette idée très scandinave de communauté, de partage. Plus encore que cela puisque le verbe est issu d'un germanique commun °alan = enfanter, donner naissance. Encore une fois cette réalité de la transmission, du don, du partage, du deux, de l'être-deux.

Mais le plus intéressant, c'est le sens moderne de elske, ainsi que nous le révèle ordnett, le dictionnaire norvégien-français:


Eh oui. Elske, c'est non seulement aimer, mais c'est aussi faire l'amour. Cela sous-entend que faire l'amour serait synonyme d'aimer, qu'on aime lorsqu'on fait l'amour avec quelqu'un (et non plus à quelqu'un, pour le coup!). Voilà ce que nous dit l'analyse diachronique du verbe. Et, selon ce qu'on pense des choses de l'amour, ce sera soit réjouissant soit effrayant. En traduction, cette analogie pose parfois problème: certains auteurs emploient le terme à dessein (JB se souvient notamment d'un roman de Lars Saabye Christensen) — en français, il ne reste que l'acte charnel, l'union sexuelle. Certes pas entièrement puisque dans faire l'amour il y a bel et bien le mot amour; mais, juste avant, il y a aussi, surtout, le verbe faire: on effectue, on exécute; on est dans l'agi plus que dans le ressenti.
Et cela offre à JB l'occasion rêvée pour boucler une boucle (ce qu'il adore faire) avec le morceau de Roy Budd qui, souvenons-nous, disait: Love is a four letter word. En anglais a four letter word, c'est un gros mot. Un mot obscène, vulgaire, comme nous explique le site answers.com en nous donnant tout un tas d'exemples.


En d'autres termes, l'amour est un mot grossier, une obscénité. Voilà ce que fait chanter Roy Budd.
Pas en scandinave en tout cas.
Car si on revient au dernier mot qu'employaient les vikings, kærleikr (kärlek en suédois, kærlighed en danois et kjærlighet en norvégien), le mot signifie certes amour, mais il peut aussi signifier amitié, ainsi que l'explique Adam Hyllested, linguiste danois et spécialiste des langues indoeuropéennes.


Le terme principal pour parler de l'amour par les anciens scandinaves, c'était donc ást. Kærleikr, en islandais, c'est davantage l'idée d'intimité, d'accointance. Le terme est un emprunt qui a eu lieu autour de l'an 1000. C'est le même mot que notre cher français qui lui-même vient du latin carus, explique aussi Adam Hyllested.


Et le linguistique de souligne enfin que ce cher, ce carus, est identique au sanskrit kama que l'on retrouve aujourd'hui dans le… Kama Soutra. Encore une boucle de bouclée: elske = faire l'amour d'une part, kærlighed = amour d'autre part; kær = cher = carus = kama ensuite, Kama Soutra = art de l'amour enfin.
Aujourd'hui kær (DA), kjær (NO) ou kära (SE) signifie chère/cher comme lorsqu'on commence une lettre “Chère Cunégonde/Cher Alfred”. Quant à kærlig, il signifie pour sa part tendre, affectueux. Il y a donc dans l'idée de kærlighed celle de tendresse, d'affection.



Et voilà, JB a fait le tour de l'amour. Ou plutôt: il a fait un certain tour de l'amour en linguistique comparée, et notamment des mots de l'amour en scandinave.
Il va finir sur l'amour, et notamment sur la kärlek suédoise. Parce que JB est borné et têtu comme une mule et ça lui est resté un peu en travers de la gorge, cette histoire suédoise d'amour comme une seule et même attirance entre un homme et une femme.
Du coup, pour venger les pédésgouinstransbi et autres créatures à la sexualité non-hétérocentrée (il pense aux hétérophiles qui ont pafois une sexualité avec des personnes de leur propre sexe et il pense aussi aux homosexuels qui rencontrent finalement le grand amour en une personne du sexe opposé), il va diffuser cette vidéo désormais hyperconnue de la fratrie Dreijer The Knife, Pass This On, de 2003 où les choses de l'amour ne se passent pas tout à fait comme prévu.
Et JB se souvient que, à l'époque, il vivait encore dans la Rance et The Knife n'était pas du tout connu dans son pays d'origine, il était presque tombé de son fauteuil. Attention: il faut vraiment regarder jusqu'au bout — c'est à la fin qu'on se rend compte de l'immensité de la vidéo. Enfin, pour info, le garçon qui danse avec la chanteuse est Olof, le frère des deux Dreijer, et Karen (aujourd'hui Fever Ray) est sa sœur et la fille à la fin du clip.
Quant à JB, dans cette vidéo de Johan Renck, il en pince évidemment un peu pour le jeunot au crâne rasé simili-skinhead que voici (oui, JB sait, il n'est pas très original) — (à Berlin, on parle plutôt de Ostproll: littéralement prolo de l'est, pour parler des petits loulous de l'est de Berlin voire de l'est de l'Allemagne qui, très souvent, ont le crâne rasé (et pas que le crâne puisque beaucoup d'Allemands, quelle que soit leur sexe et leur orientation sexuelle, sont adeptes du rasage intégral):



On regarde maintenant la vidéo et JB souhaite une belle soirée plein d'amour à tous ses petits amis — et c'est l'occasion pour lui de sortir sa phrase préférée: "Amour toujours, amour abat-jour."

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