jeudi 30 décembre 2010

in Babylon

Et JB, qui fait sa petite revue de fesses de presse quotidienne (et il n'y a rien à lire, ou quasi) apprend la nouvelle suivante, in la Libération:


Forcément, JB se souvient d'un hit de Boney M, Rivers Of Babylon, qu'il a dégoté sur toitube et enregistré pour la Noël 1978 dans la Angleterre et dans lequel ledit Bobby Farrell, en tenue légère et fort seyante et pas du tout ridicule, exhibe ce que les Norvégiens appellent si joliment un "paillasson de poils" (= hårmatte). Avant d'écouter le morceau, JB ne résiste pas une seule seconde à montrer une capture d'écran du torse et de la tenue en question:


Et c'est pas plus tard que maintenant qu'on écoute de la diskø:




De la diskø sur le blog tatoué et fumeur? s'étranglent les petits amis de JB et tous les skinheads et les skingirls avec eux.
Mais bien sûr.
Pourquoi?
Parce que ce tube interplanétaire mais (Marx merci) pas interstellaire est en fait une reprise d'un morceau de early reggae composé et interprété par les Melodians en 1969. On regarde et on ouvre bien grand ses esgourdes:



Oooh… Et qu'est-ce que JB voit sur la pochette du dikse? It's My Delight, un des morceaux chouchous et fétiches de JB dont il a déjà parlé ici, , et là encore.

Des versions de Rivers Of Babylon, JB en a plein, qu'il a collectées et fil des semaines et des mois puisque ça fait longtemps qu'il voulait au fond rédiger ce post dur Boney M et les Melodians et les rivières de Babylone. Voici ce que lui indique son mange-disques électronique:


Et le site Roots Archives lui en indique d'autres:


Une constatation s'impose d'emblée.
Les différents interprètes n'ont pas fait preuve d'une graaande imagination en proposant leur reprise. À quelques exceptions près (qu'on écoutera, cela va de soi), on a l'impression un seul et même morceau en continu, avec certes un timbre de voix différent, une orchestration elle aussi légèrement différente - mais, à chaque fois, rien qui révolutionne particulièrement l'original.
Pourquoi?
Parce que l'original des Melodians est "insurpassable"?


Qu'est-ce qui mérite une écoute particulière, alors?
La première version, et qui demeure la plus surprenante, c'est celle de Herbie Mann, de 1974, avec Tommy McCook. Car quel instrument reconnaît-on? Woilà: la… flûte traversière! (Et, bien évidemment, JB salue G!!!) Normal, diront les petits amis de JB, puisque Herbie Mann était LE interprète de l'instrument en question pendant les années 70. N'empêche, le fait qu'il ait enregistré avec Monsieur McCook un disque reprenant des morceaux de reggae montre à quel point le second était respecté par le monde musical.



Une autre version que JB aime est celle de Prince Student, qu'on trouve sur la compilation Trojan Nyahbinghi - le nyahbinghi est un style du reggae des années 70, très dub et avec des consonances africanisantes, et qu'on reconnaît entre mille autre styles par les percussions toujours très en avant. La mode du nyahbinghi correspond au trip rastafari à fond avec l'Éthiopie (le fameux Zion = la terre promise, dont il est question dans la chanson), Haïlé Sélassié et passelepètequejetiredessus et tout et tout. On écoute:



La version de Hopeton Lewis, enregistrée en 2009, lors de la réunion à Kingstown des plus grands compositeurs et interprètes de rocksteady, que le documentaire de Sascha Bader a admirablement montré (et JB salue cette fois F avec qui (et avec G, d'ailleurs) il avait vu le film lors de son avant-première (avec l'Ambassadeur de Jamaïque en Allemagne dans la salle!!!)). On regarde la bande-annonce de ce doc, où on n'entend pas Hopeton Lewis chanter, mais où on voit tous les gens que JB montre quasi quotidiennent:



Une version que JB n'a pas mais qu'il adore est celle des Skatalites, qu'on voit ci-dessous en concert, en 2006:



Quant aux autres, elles sont honnêtes - point.

Mais le top du top est atteint grâce à l'inénarrable Byron Lee qui, JB l'a souvent montré, a été capable du meilleur comme du pire. Sa version de 1971 est à l'avenant: à la fois innovante et carrément ringarde. On appréciera surtout les trompettes très Beatles période Sergeant Pepper's, psychédéliques à souhait. On écoute en ricanant un peu, tant c'est presque du reggae grotesque:




Mais si JB voulait rédiger ce post sur Rivers of Babylon, c'est qu'il a souvent croisé le morceau et Babylon dans son travail. Dans deux traductions, il a eu affaire à eux. Dans un roman pour adolescents d'Unni Nielsen, Rita, New York, 1964, il était question de ce garçon noir de Brooklyn qui chantait la chanson:


Être étranger dans son propre pays, insistait donc Booker en chantant les Melodians. Si JB vivait encore dans la Rance il pleurerait des rivières et acquiescerait aux paroles du personnage semi-fictif. Mais depuis qu'il vit dans son palais socialiste de Berlin, il n'a plus cette impression qu'il a tout de même chaque fois qu'il est obligé de revenir dans son pays d'origine. Bref.

Car ça veut dire, quoi, en fait, Babylon, dans ce contexte?
Avant de répondre à cette question, on passe à un autre roman que JB a traduit, Volvo Trucks, d'Erlend Loe, où le pauvre Andreas Doppler, la quarantaine, se fait avoir par Maj Britt, une Suédoise de 92 ans qui fume pétard sur pétard en écoutant du reggae et en dansant dans sa cuisine dont le sol porte les marques des piques de ses bâtons de ski dont elle s'aide pour pouvoir tenir debout et se trémousser. C'est hilarant et on lit ci-dessous:

Hö!

Alors, ça fait référence à quoi, Babylon?
Pour le savoir, on va à la source même, c'est-à-dire sur l'impeccable glossaire du patois jamaïcain (comme on dit), qui nous révèle:


Si on souhaite une explication plus académique, pas de problème, on va consulter le Concise New Partridge Dictionary of Slang and Unconventional English de Tom Dalzell et Terry Victor, lesquels nous expliquent:


Donc Babylon, c'est l'oppresseur pour les Jamaïcains puis pour les Noirs: la police, les États-Unis, les blancs. Est-ce qu'on peut étendre le sens et dire que Sarkotzy (kotzen, en allemand, ça signifie dégueuler) c'est Babylone dans la Rance? On va dire que oui, hein. Et on va dire que Zion, ce n'est plus l'Éthiopie, c'est Berlin. Et toc, et voilà, et salut.

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