lundi 23 août 2010

La littérature à l'eau de rose pour intersexuels

Et JB doit traduire ce mot qu'il pense sans équivalent en français:
slottsromaner
Littéralement:
des romans de château
Plus précisément:
des romans d'amour qui se passent dans des châteaux

Juste avant figure une phrase qui donne un avant-goût du livre en question:
Elle tenait dans la main un bouquin qu’elle n’avait pas encore lu, L’Homme des bois. Sur la couverture, on voyait la photo d’un jeune mec au corps musclé, au torse imberbe avec avec un bandeau sur l’œil. Il brandissait une carabine. Derrière lui, un château brûlait. C’était avec ce genre de lectures que Nina se distrayait.

Bon qu'est-ce qu'on dit en français?
Des romans de gare?
Dans l'esprit de JB, les romans de gare sont plutôt de mauvais polars…
Ou est-ce que JB se trompe?
Que lui dit Wikipédia?


Le terme scientifique pour qualifier cette littérature est appelé paralittérature. Bon, certes. Mais ce n'est pas le terme que JB va employer dans le roman de Jonny Halberg. JB doute fort que le personnage, un payson plutôt rustaud connaisse la désignation.
Ah oui… on dit aussi roman à l'eau de rose. On peut dire, péjorativement, roman de bonne femme. Mais est-ce qu'il n'y a pas un terme générique pour désigner ces romans sentimentaux qui se passent dans des châteaux? Ou est-ce qu'il y a un topos (n'est-ce pas) et un tropisme national (re n'est-ce pas) dans ces univers romanesques qui verraient les fictions norvégiennes situées dans un lieu spécifique, et les françaises dans endroit tout aussi déterminé? JB pense que oui, mais ce n'est pas tant l'objet de ce post.

JB apprend qu'on distingue plusieurs genres en paralittérature:
• la littérature spéculative (le roman policier, le roman de science-fiction, le fantastique, l'utopie et la dystopie);
• la littérature de l'aventure (roman d'espionnage, roman d'aventures et de western);
• la littérature à tendance psychologique (roman sentimental, roman rose, roman érotique, roman pornographique);
• la littérature iconique (roman-photo, bande dessinée, roman graphique);
• la littérature documentée (roman historique, roman chronique et roman rural).
JB apprend qu'il existe même un Centre des paralittératures qui ne se trouve nulle part ailleurs qu'en Wallonie. JB se dit: "Décidément, vive la Wallonie!" Et il apprend du même coup qu'on distingue, au sein du genre du roman sentimental, plusieurs sous-genres:


Crutte de zut! Pas de roman de château.
Et, quand JB tapote sur son clavier: "roman sentimental" + paralittérature + château; il n'obtient que 41 résultats dans gougueule et aucun terme générique qui lui soit recraché.
Tant pis, il va jouer avec les termes roman à l'eau de rose et roman sentimental et roman de bonne femme - ce dernier terme, hyperpéjoratif, apparaissant d'autant plus adapté dans la bouche du personnage qu'il se moque desdits bouquins.

Pendant sa petite recherche, JB tombe sur le travail réalisé par une certaine Cécile Stockmans pour l'Université libre de Bruxelles. Dans son enquête intitulée Pourquoi lit-on le roman sentimental?, l'étudiante note avec dépit (et c'est lui qui souligne):
Notre enquête ne reflète pas une vue d'ensemble. Ce n'était d'ailleurs pas l'objectif. Le but est plutôt d'analyser en profondeur les propos des lectrices et non de faire des statistiques. (…) Nous n'avons déjà pas le point de vue masculin.
Et c'est là où JB entre en scène.
C'est là où JB peut donner son point de vue.
Vu que, jusqu'à nouvel ordre, il est de sexe masculin.
Et vu que, lui, il en a lu de la littérature sentimentale.
Il a lu un roman de Guy des Cars, duquel il est question plus haut, et qui reste (le roman) à jamais gravé dans sa mémoire de JB.
C'est celui-ci:


JB, pour ne pas perdre ses petits amis, va d'abord recopier le résumé qui se trouve en 4e de couverture:
Claude de Varèze a été élevée selon des principes rigoureux dans une ancienne famille de haute Provence. Son enfance et sa jeunesse, dirigées par un père despotique et une gouvernante redoutable, ont été progressivement troublées par des phénomènes sexuels qui donnent à l'héroïne un étrange comportement. Elle n'aura la révélation de son véritable état physiologique que sous le choc d'une passion violente et désespérées… Devra-t-elle abandonner l'amour très pur que lui porte le jeune ingénieur Georges Servet au profit d'amours interdites avec la capiteuse et perverse Mariette? Sera-t-elle contrainte de cacher à un monde hostile l'effroyable secret de sa dualité sexuelle?
Il fallait tout le talent de Guy des Cars pour traiter ce cas bouleversant.

JB souhaiterait à présent citer un passage de la page 185 qui l'a bouleversé:
La nuit qu'elle [Mariette] venait de passer avait été merveilleuse: elle était sûre d'avoir rencontré l'amant. Que pouvait-elle désirer de plus? Elle règnerait aussi bien sur Claude-homme que sur Claude-lesbienne. Son pouvoir serait même plus grand: si Claude était revenu de son voyage sans avoir modifié son aspect extérieur, c'était qu'il devait exister une raison majeure l'obligeant à se faire passer pour l'héritière au lieu de l'héritier. Mariette, devenue la maîtresse, découvrirait vite la raison qu'elle serait seule à connaître… Personne, même Ambroisine, ne se douterait… Un pareil secret apporterait à la fille le moyen infaillible d'établir définitivement son règne sur Claude et la vraie comtesse de Varèze pour peu qu'elle sût se montrer adroite — et elle l'était! — pourquoi ne réussirait-elle pas un jour à se faire épouser, même en secret au besoin?
Quand Claude eut fini de parler, Mariette ne lui posa qu'une seule question:
— Pourquoi as-tu conservé tes cheveux longs?
— C'est indispensable pour que l'on continue à croire que je suis une femme…
— Tu dois avoir raison, chéri… Sais-tu que je t'adore ainsi? (…)
— Pour moi, répondit lentement Claude, c'est une question de vie ou de mort…
Elle le regarda, attentive:
— Que veux-tu dire?
— Que jamais tu ne devras révéler ce que tu sais. Jure-le moi!
— Je te le jure sur notre amour.
— Pour tout le monde, les gens de Varèze et ceux du pays, tu ne seras toujours que Mariette, la lingère de la bastide, et moi “Mlle de Varèze”… C'est compris?
— Puisque c'est ton désir, chéri…
— Si tu parlais, je serais obligé de te faire disparaître…

Puis, 4 pages plus tard, Claude monte à Paris pour consulter un médecin:
— Vous avez très bien fait de venir me voir… Ne croyez surtout pas que votre cas soit tellement exceptionnel! Sachez que les intersexuels sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense. Je parlais récemment avec l'un de mes confrères, spécialisé dans les traitements glandulaires, qui me disait estimer à trois ou quatre cents les cas analogues uniquement pour la région parisienne! Vous n'êtes donc pas un phénomène et je suis très heureux que la lecture attentive des ouvrages dont vous venez de me parler ait pu vous décider enfin à avoir recours à la science et non plus aux tisanes ridicules de votre brave gouvernante. Je puis vous certifier aussi que votre cas n'a rien de désespéré: ce serait même l'un des plus simples du genre… Vous êtes ce qu'on nomme en termes de médecine une hermaphrodite androgyne… Appellation semblant un peu barbare, qui veut simplement dire que votre morphologie est nettement mâle. Ce que votre gouvernante a pris, au moment de votre naissance, pourun clitoris très développé n'était en réalité qu'une verge embryonnaire. N'importe quel gynécologue vous examinant à l'âge où normalement vous auriez dû avoir vos règles, se serait aperçu que le vagin s'arrêtait en cul-de-sac et que vous n'aviez pas d'utérus. À l'intervention, on constatera certainement qu'il n'y a pas de trompes et que les glandes génitales, qui ont tendance à pénétrer dans le canal inguinal, ont la structure de testicules. Enfin, les dimensions anormales des “grandes lèvres” disparaîtront quand ces testicules auront été libérés. L'opération n'a rien d'effrayant: elle durera à peu près deux heures et consistera à vous faire ce que l'on appelle “un débridage”. Quand elle sera terminée, vous serez un homme comme les autres… La seule trace qui restera sera une cicatrice de 15 centimètres environ… Mais la chirurgie a fait de tels progrès dans le domaine esthétique que, très rapidement, elle deviendra à peine visible. Voilà… Je ne vous dis pas: “Mademoiselle” parce que, à mon humble avis, vous n'en êtes pas une… Mais je ne puis pas encore vous appeler “Monsieur”…

Le point de vue de JB:
J'ai bien aimé. Ça m'a beaucoup plus. J'ai été captivé. Je n'ai pas beaucoup compris cette histoire de "testicules libérés" et de “débridage” mais je m'en fiche parce que les scènes d'amour sont hyper croyantes crédibles, et c'est ça que je voulais lire. On aimerait bien rencontrer Claude dans la vraie vie, enfin moi en tout cas. Je me suis dit que les intersexuels sont des êtres humains comme les autres et qu'ils méritent d'être tolérés. Ils n'y peuvent rien s'ils sont nés comme ça et qu'ils sont différents. Je veux dire: on est tous un peu différents, hein. Je veux dire: quelque part. J'en connais beaucoup, des intersexuels, et ce sont des gens très gentils, très attentionnés, très gêénéreux. Très créateurs aussi. Un peu artistes dans leur genre. Des êtres sensibles, à fleur de peau. Je me suis dit aussi que le problème de l'hétérosexualité est vraiment problématique dans la société et qu'on ferait bien de s'y pencher. Si tout le monde était intersexuel, peut-être que les gens s'aimeraient plus et qu'il y aurait moins de guerres et moins de haine et moins de racisme. J'ai adoré.

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