«Tu l’as vu, toi, qu’il y était!» hurlait-il en frappant dans le vide autour de lui, en pleurant à tel point qu’il n’était plus qu’une effusion de larmes et de morve.
Et, ce faisant, JB s'interroge sur ce mot, larme, dont il n'entend plus soudain que l'image acoustique, le fameux signifiant de Ferdinand (de Saussure), comme si le mot avait perdu son signifié (son sens) et n'était plus que cela: une représentation phonique. Cela nous arrive à tous, parfois, que des mots brusquement résonnent différemment à nos oreilles.
Et, aujourd'hui, le substantif larme résonne différemment aux oreilles de JB, comme s'il l'entendait pour la première fois.
Il va vérifier son étymologie dans le Robert historique de la langue française:
LARME n.f., d'abord lerme, lairme (1050) puis larme, est issu du latin de même sens larcima (-> lacrymal), lacruma (surtout au pluriel), anciennent dacruma, probablement emprunté, d'abord en langue poétique, au grec dakrume “ce qui est pleuré”, de dakruein “pleurer”, lui-même de dakru, nom usuel de larme. Le mot, d'origine indoeuropéenne, a des correspondants en celtique, arménien et germanique et, sans la consonne initiale, en indo-iranien.
JB va interroger ses copains Mallory et Adams, qui confirment que le terme se retrouve dans huit familles de langues: baltiques, indo-iraniennes, anatoliennes, celtiques, germaniques, latines, tochariennes, ainsi qu'en grec. Ce qui fait 9 avec l'arménien cité par le Robert. Et les linguistes de confirmer l'initiale problématique °d- qui "pourrait être un préfixe ou une mécoupure".
Qu'est-ce qu'une mécoupure, en linguistique?
Appelée aussi métanalyse, c'est une coupure fautive. Un mot apparaît par agglutination ou déglutination de l'article et du substantif qui forment ainsi un nouveau mot, a priori erroné.
• Exemple d'agglutinations en français:
- la dinde était au départ une poule d'Inde (cf. le cochon d'Inde qui, pour sa part, n'est pas devenu un quelconque dindonnet ni dindonnon): poule d'Inde < (poule) dinde < dinde;
- le nounours < un + ours = unours < un nounours (par redoublement hypocoristique - on a vu l'autre jour que cet adjectif signifiait qui porte la marque de l'affection).
• Exemple de déglutination en français, qui est le procédé inverse:
- la griotte que l'on appelait encore agriotte en français classique, dérivé du provençal agriota = cerise aigre et que l'on retrouve dans l'adjectif correspondant français aigre.
Ces phénomènes phonétiques et linguistiques sont en outre très courants en français moderne, notamment dans le langage des enfants qui font une liaison erronée et créent ainsi de nouveaux mots qui passent dans le langage. Ainsi des nenfants = que l'on peut décomposer comme suit : un + enfant < unenfant (si on fait la liaison et qu'on agglutine) = un nenfant, lequel mot prend une valeur péjorative et désigne cette attention béate qu'on a envers les mioches. Idem pour le navion ou le nélephant.
Mais si on clôt cette parenthèse sur la mécoupure et qu'on revient à nos larmes indoeuropéennes, e linguiste Julius Pokorny nous indique en outre que les langues turques (turc, turkème, ouzbèk, azéri, etc.) auraient importé dans leur langue, via les peuples illyriens, nos larmes indoeuropéennes:
Si la plupart des Indo-Européens avaient un terme commun pour désigner les larmes, est-ce que cela signifie qu'ils pleuraient de la même manière? Est-ce qu'on pleure de la même manière? On ne pleure sans doute pas pour les mêmes raisons, mais est-ce que, au fond, on pleure de la même manière?
Que nous dit le TLF sur les usages?
Comment pleure-t-on en français?
Voilà: on pleure dans son assiette pour ne pas que les autres voient nos larmes.
Et les larmes françaises, elles, elles sont de quelle nature?
Là encore, le TLF nous renseigne:
Par voie de conséquence, on peut se poser la question suivante:
Les larmes sont-elles bienfaisantes? A fortiori: sont-elles heureuses? N'est-ce pas une antithèse? Le TLF nous indique que non, puisqu'on peut aussi pleurer de bonheur.
Toujours est-il que, évidemment, les larmes représentent un motif à part entière dans la musiques. Que ce soit les bouleversantes Tiny Tears des Tindersticks ou les hilarantes Bitter Tears des Magnetic Fields, qu'elles ne cessent de couler chez Alton Ellis ou que Freddy McKay estime quant à lui que ces "tears won't help you", que Nina Hagen pleure ses Naturträne ou que Bobby Solo nous indique qu'avec sa "lacrima sul viso" il a compris tant de choses, toujours est-il que les larmes coulent et s'écoulent et dégoulinent, si bien qu'on peut finir par affirmer: "Now you can cry me a river" même si, en l'occurrence, il s'agit de larmes de crocodile.
Il est une chanson de reggae dont le titre a connu une certaine fortune et avec laquelle on aimerait clore ce post parce qu'elle est aussi une promesse de réconfort et de mieux-être. Il s'agit de Dry Up You Tears dont le toujours aussi impeaccble site roots archives nous indique qu'elle a été interprétée par les chanteurs/euses suivant(e)s:
Mais toutes ne correspondent pas à la même mélodie. Aussi se contentera-t-on de la belle version de Bruce Ruffin qu'on aime beaucoup pour son orgue Hammond - et on comprend alors pourquoi l'orgue, tant d'années après, est si présent chez les Aggrolites ou les Valkyrians. Car on a vraiment l'impression que nul autre Roger Rivas (le pianiste des Aggrolites) est en train de montrer ses (grands talents):
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