Il est question de jeeps, ces fameuses jeeps militaires dont il apprend entre-temps que leur modèle est appelé Jeep Willys MB (et ça aussi fait une belle jambe à JB), et le mot en question renvoie à ces espèces d'axes qui sont des prolongements de la carrosserie et soutiennent la capote qui bâche le véhicule en cas de mauvais temps. You see?
Il faut une bonne demi-heure à JB pour apprendre que ça s'appelle, ta-dah…
Un arceau de capote. On ne peut pas faire de terme plus inutilisable, plus moche et plus ridicule que ça. Rapport à la polysémie du mot capote. Plus inutilisable surtout dans une traduction littéraire où on est encore en plus au début d'une scène d'action et où ça s'apprête à canarder et à saigner. JB fait une vérification dans gougueule en tapant arceau + jeep, trouve 26 800 occurrences et doit se rendre à l'évidence: les arceaux (de capote ou de bâche, c'est selon) sont incontournables. Bon, sans chercher midi à quatorze heures (d'autant qu'il n'est que sept heures du matin et JB a d'autres choses à faire que passer sa matinée sur des foutus arceaux - enfin, sur, façon de parler, hein…), JB va traduire tel que et écrire:
Debout dans les jeeps qui se rapprochent à une vitesse vertigineuse, appuyés contre les arceaux: les ados de tout à l’heure.
Et basta.Et JB de pouvoir revenir à la question qu'il se posait in petto: à savoir non pas si les deux capotes (la bâche et le préservatif) sont de la même famille (il ne faut pas avoir soutenu une thèse de lexicographie pour s'en douter), mais plutôt à partir de quand le glissement analogique s'opère et ajoute la méthode de contraception aux sémantismes de la couverture. Et aussi à quel moment de l'histoire le langage inscrit le mot capote pris dans son sens de préservatif masculin.
En fait, le renseigne le Robert historique de la langue française, capote vient de cape qui s'écrivait autrefois cappe et, à partir de 1671 voit son orthographe fixée. Le terme cape est emprunté au provençal capa, qui désigne un “manteau à capuchon”et s'est confondu avec le sens en ancien français du mot chape, qui lui-même se disait autrefois (1050) cape avant de se fixer en chape (1130). Et c'est presque amusant de constater comment les glissements phonétiques et orthographiques sont peu à peu gommés pour faire revenir le mot dans son écriture d'origine. Un peu comme si les locuteurs avaient besoin d'ordre - et, d'un point de vue linguistique, la langue a horreur des ambiguïtés orthographiques, surtout quand celles-ci se doublent d'ambiguïtés sémantiques: on a peu s'en rendre compte sur ce blog tatoué et fumeur à propos du carrousel.
Qu'est-ce qu'une cape, au départ?
◊ Le vêtement étant sujet aux fluctuations de la mode, le mot a été déclaré vieilli au XVIIe siècle, sauf dans le sens particulier de “pièce d'étoffe que les femmes se mettaient sur la tête pour se déguiser ou se protéger des intempéries” (-> capuchon). La locution figurée rire sous cape qui apparaît à cette époque (1671) est la modification du type ancien sous chape (“secrètement”). [Qu'est-ce que JB disait plus haut?] ◊ Quant à l'expression moderne de cape et d'épée (XIXe s.) qui qualifie un récit d'aventures du temps passé, elle fait référence aux attributs militaires sans revenus: on disait n'avoir que la cape et l'épée pour “être sans fortune”, souvent avec une idée d'esbroufe.
Et JB est épaté d'apprendre que cette dernière expression est si récente, il fait bien sûr une confusion mentale entre l'époque où sont situés les récits en question et celle qui marque l'invention de la formule. Et la capote?
CAPOTE n.f. (1688) a développé des emplois parallèles et bien distincts. Le premier sens est “grand manteau ample et lourd”, spécialement employé dans l'armée (1832). Au figuré, capote anglaise (1836) puis capote désigne le condom, le préservatif masculin. ◊ En outre, capote désigne techniquement la couverture mobile et souple de certains véhicules (1839). ◊ Ce sens aproduit DÉCAPOTER v. tr. (1829), apparu à propos de l'automobile, lorsque celle-ci devient souvent fermée d'un toit, d'où DÉCAPOTABLE adj. et n. (1927).
Là encore, JB en reste sur le cul (s'il ose dire). Non seulement il est surpris de constater que le champ lexical automobile date du second quart du XIXe siècle (il aurait cru que ce serait nettement plus tard), mais pour le coup il trouve l'apparition du mot sous son acception de préservatif tardive (pour un instrument déjà présent, nous dit Wikipédia, "3000 ans avant J-C", puisque "les soldats égyptiens souhaitant se protéger des maladies vénériennes à l'aide de boyaux de mouton ou de vessie de porc" en utilisaient), et enfin par la naissance quasi concomitante des deux sens.Du coup, JB se met en quête et tombe sur un site commercial intitulé Le Roi de la Capote qui retrace non pas 3000 ans, mais 6000 ans d'histoire du préservatif masculin. Waouh! 6000 ans?! Du coup, se dit JB, p'têt que ses ancêtres les Proto-Indo-Européens mettaient des capotes eux aussi? P'têt… Des fourreaux en peau de zouzou, ou n'importe quoi, il ne sait pas… Ce qu'il sait, c'est que l'idée n'est pas forcément saugrenue puisque les Proto-Indo-Européens ont vécu à une période qui remonte à 5500 jusqu'à 8000 années de cela. Curieux, il va vérifier si ses potes Mallory et Adams, dans leur Introduction to Proto-Indo-European, ont quelque chose à lui dire. Ce qu'ils n'ont pas. Mais ils lui disent en revanche, rapport indirect à la capote, à savoir le pénis:
Terminology associated with genitalia survives rather well. There are two words for ‘penis’: °péses- and °kápr-. The first is attested in five groups, including Anatolian (e.g. Latin penis ‘penis’, Old High German fasel ‘penis’, Greek péos ‘penis’, Hittite pisna- ‘man’ [i.e. ‘one provided with a penis’], pinsatar ‘penis’, Sanskrit pásas- ‘penis’); it has been variously analysed as deriving from a verb ‘rub’, a verb ‘penetrate’, and, most recently, from °pes- ‘blow, swell’, ie. a swelling forth of liquid. The second word is basically attested by derivatives, in that Old Indic alons retains a meaning ‘penis’ (Sanskrit káprth) while in other groups an o-stem derivative (i.e. ‘one provided with a °kapr’) indicates either a ‘he-goat’ (Celtic, e.g. Old Irish gabor, Latin caper, Germanic, e.g. Old English hæfer) or ‘boar’ (Greek kápros), i.e. these are archetypically ‘male’ animals.
Et là encore, JB est ravi:• ainsi donc, les Hittites ont recours à une synecdoque pour désigner un homme, puisque la partie (pénis) désigne le tout (l'homme);
• ainsi donc, il y a un lien sinon sémantique, du moins métaphorique, entre le bouc et la bite - ce qui signifie par conséquent que le bouc avait une valeur de puissance sexuelle, voire de virilité, particulière aux yeux des Proto-Indo-Européens. On sait par ailleurs à quel point le bouc sera associé au mal, au Diable et, partant, à quel point la puissance sexuelle sera condamnée par l'Église.
Un autre jour, JB montrera que vulve et anus sont un seul et même mot en Proto-Indo-Européen, ou comment notre utérus (enfin, notre… pas celui de JB puisqu'il n'en a pas, du moins jussqu'à nouvel ordre), donc comment le mot utérus vient en fait d'un mot proto-indo-européen signifiant abdomen.
Mais revenons vite fait à notre capote.
En français, on disait autrefois condom. Une invention non pas anglaise mais néerlandaise. En revanche, ce sont les Britanniques qui ont fabriqué à grande échelle le condom, ainsi baptisé, nous précise le site cité supra, car il est 'une transcription du verbe latin ‘condere’ qui signifie ‘cacher ou protéger’". Et Sade d'utiliser le terme dans le troisième dialogue de la Philosophie dans le Boudoir: "D'autres obligent leurs fouteurs de se servir d'un petit sac de peau de vessie, vulgairement nommé Condom, dans lequel la semence coule sans risque d'atteindre le but...!"
Du fait de la commercialisation britannique, le préservatif devient donc de façon diachronique anglais, quel que soit le substantif auquel l'adjectif s'est adjoint: qu'il qualifie, donc, une redingote (le terme employé par Casanova) ou plus tard et toujours actuellement la capote. Un temps concurrencé par le terme préservatif, apparu vers 1780, le condom demeure longtemps en français notre exquise redingote anglaise (et on s'imagine dans un lieu de socialisation quasi non-verbale destiné aux hommes qui ont du sexe avec d'autres hommes demander à son partenaire: “Tu aurais une redingote anglaise, s'il te plaît?”). Toujours est-il que "ce serait lui, Giacomo Casanova qui, en 1718, grand consommateur bien évidemment, baptisa[it] ce petit bout de boyau de ‘capote anglaise’." On voit ci-dessous une tout aussi exquise gravure datant de 1760 et vantant les mérites d'une boutique qui met en vente des préservatifs en attirant le chaland par cette accroche: "À la capote angloise." Hö!
Allez, on se quitte sur une publicité pour la capote. Comme on parlait de sanskrit un peu plus haut, on va montrer une pub de… 7 minutes (sept!), en provenance d'Inde, dans laquelle ça danse et ça chante et ça se trémousse. Pour notre plus grand plaisir. C'est kitsch et c'est grand!
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