samedi 17 juillet 2010

Bernard Giraudeau († RIP)

Et on apprend à l'instant le décès de Bernard Giraudeau, mort à 63 ans des suites d'un cancer.

On se souvient avec émotion de la longue interview qu'il avait donné à Libération, le 10 mai dernier dans laquelle il avait su si bien évoquer les atermoiements, les intermittences dans lesquels plonge le malade atteint d'une pathologie grave - pour lui le cancer. Il parlait de la difficile acceptation de sa maladie - cette nécessité d'accepter sa maladie mais ce refus de voir sa vie centrée autour d'elle, ce désir d'être reconnu en tant que malade mais ce refus d'y être cantonné. Il parlait des "bêtises" que l'on commet quand on est malade, ces erreurs qui sont autant de fourvoiements que de pis-allers et que beaucoup de proches ne comprennent pas. Il parlait aussi, justement, de l'incompréhension de l'entourage, quel que soit celui-ci, qui demeure dépassé par les exagérations, par les comportements erratiques et incohérents. Il parlait également de la souffrance due notamment aux traitements, cette souffrance qui éloigne et aliène, de soi, des autres.
Il parlait de tout cela avec simplicité, avec lucidité, sans se voiler la face, sans écarter les hiatus ni les illogismes. Il parlait de tout cela sans tomber ni dans les généralités, ni dans la compassion, ni dans l'exaltation du cas personnel. Et il disait enfin cette phrase essentielle, que beaucoup ne comprendront jamais, à moins d'avoir eux-mêmes été atteints d'une pathologie grave (ce qu'on ne souhaite à personne): Ce n'est jamais la faute du patient.
On relit quelques passages de cette interview:

Et accepter d’être malade?
Oui, si vous ne l’acceptez pas, c’est emmerdant. Mais en même temps, c’est l’histoire de chacun, certains refusent et ont guéri.

N’y a-t-il pas un risque de se dire, alors, que le cancer est un peu de la faute du patient?
Non. Il faut voir que la vie menée durant toutes ces années n’a pas été le bon chemin. Ce n’est pas de sa faute, mais on peut commencer à comprendre que l’on est en partie responsable, de façon inconsciente, de ce qui s’est passé. Ce que l’on vit autour de nous est souvent effrayant. On accumule les bêtises. On peut avoir le sentiment que l’on est dans un train fou. Et si on ne fait rien, le premier arrêt, c’est l’hôpital. Et le second, c’est le cimetière.

Est-ce que vous vous attendiez à un parcours aussi dur?
Je le savais, mais aussi dur… Le plus dur est de ne pas savoir comment arriver à stabiliser cette maladie sans que cela ne devienne invivable.

Le regard des autres est-il difficile?
Il peut y avoir un schisme quand les gens ne comprennent que vous avez changé. Ils disent que vous n’êtes plus le même. Mais c’est un regard qui est mal posé. Pour ma part, c’est plus simple. On m’a proposé du travail, on m’en propose encore, c’est moi qui ai décidé d’arrêter.

La souffrance?
La souffrance? On a beaucoup de moyens thérapeutiques, classiques ou pas, pour la contenir. Mais la souffrance, c’est usant, c’est très usant. Au bout d’un moment, elle vous permet… de ne plus rien faire d’autre. Vous vivez en elle. La chose la plus pénible, c’est ça, c’est la fatigue. Même de parler, cela demande un effort. Manger demande un effort colossal, tous les jours. Ne pas vomir, ne pas maigrir, tout est épuisant. La fatigue, vous ne pouvez rien faire. Il y a un moment où vous avez envie d’être allongé, au calme, et puis dire au revoir… Mais comment vais-je dire au revoir? A qui? Comment?


Allez, en guise d'au revoir, on se souvient de son inoubliable prestation dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, de François Ozon:

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