jeudi 3 juin 2010

La mélancolie

On avait laissé Tove à son liniment mais on la reprend avec une huile essentielle (façon de parler, hein - on n'est pas comme ça, sinon, hein…). Le passage est grandiose!
J’en profite pour jeter un œil sur les huiles essentielles. En plus elles sont vendues dans des bouteilles adorables. Et si j’en prenais une pour faire un petit cadeau à Britt et Grete? Je lis ce qui est écrit sur les bouteilles. Contre les dépressions. Contre l’excès d’obscurité. Contre le manque d’énergie. J’en attrape une, la touche, sent son poids dans ma paume, regarde le liquide lourd s’écouler d’une extrémité à l’autre. Vous n’en avez pas qui fassent l’effet contraire? je demande. L’effet contraire? elle répète. Oui, je lui explique, parce que celles-ci agissent sur la lumière, la légèreté et la joie. Vous n’en auriez pas qui provoquent l’obscurité, la lourdeur et la mélancolie? Elle me regarde. Je lui demande, avec un sourire plein d’espoir: Ou bien qui occasionnent une petite dépression, une angoisse? Elle secoue la tête: Non, je suis désolée. Du coup je lui explique un peu mieux: Parce que, vous voyez… j’ai deux sœurs, et leur problème c’est que, grosso modo, elle sont trop gaies, trop insouciantes, elles prennent la vie trop à la légère. Elle acquiesce. Elle soulève une bouteille. Elle dit: Je peux vous proposer une huile qui a des vertus calmantes et déstressantes. Moi: Certes, mais… je ne vais pas aller loin avec un massage. Elle: Vous pouvez aussi la verser dans l’eau du bain. Moi: Ah oui! Oui, je vois… Mais je crois qu’elles ne prennent que des douches. Elle: C’est vrai, là ça va être difficile… Moi: À la réflexion, je ne sais même pas si Grete a une baignoire, d’ailleurs! Elle : Non, alors ça ne vaut pas le coup. Moi : Mais vous savez quoi ? Je vais la prendre pour moi, tiens! Je lui montre l’huile qui «soulage les idées noires et supprime la mélancolie». Je lui dis, avec un sourire: Parce que, vous voyez… moi-même je souffre un peu de mélancolie. Elle, en me rendant mon sourire: Oui, je connais ça. Je paye, elle me donne la bouteille dans un petit sachet en papier que je range dans mon sac, je lui dis au revoir et je sors.
© Gjøre godt, Trude Marstein, Gyldendal Forlag, 2006
© Faire le bien, traduit par Jean-Baptiste Coursaud, éditions Stock, 2010

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