Je me souviens que, quand on se tenait sur le perron de l’église, des grains de riz s’étaient fixés dans les broderies de ma robe, ça nous avait fait rire: j’étais contente, tellement tellement contente. Et là maman m’a dévisagée avec un regard très particulier. Un regard qui disait : «Voilà, ton sort est désormais scellé», ou: «Voilà, tu marches désormais dans mes pas.» Je devinais et lisais de la compassion dans son regard, mais aussi un plaisir sadique. Son calvaire était désormais terminé: avec des filles enfin mariées et un mari décédé, elle était libre. Elle ne souhaitait pas que j’endure la même peine qu’elle, et en même temps elle ne souhaitait pas autre chose. Sa soif de justice entrait en conflit avec le besoin éprouvé par toute mère de protéger ses filles du mal susceptible de les frapper. Mais peut-être que les mères ne veulent pas protéger leurs filles de l’ennui et du vague à l’âme, peut-être veulent-elles uniquement les protéger du danger, de la douleur et du chagrin, et peut-être même pas de la douleur et du chagrin, elles qui en ont tant vécu.
© Gjøre godt, Trude Marstein, Gyldendal Forlag, 2006
© Faire le bien, traduit par Jean-Baptiste Coursaud, éditions Stock, 2010
Et me vient alors une association avec une vieillerie musicale (aujourd'hui, c'est la journée), une chanson oubliée, et méconnue, d'Anne Sylvestre, de 1986: Maman, elle est pas si bien qu'ça. Oui, Anne Sylvestre! C'est ma sœur Jérôme qui m'a fait découvrir cette chanson hyper serre-kiki - aussi serre-kiki que la réflexion que se fait le personnage de Trude Marstein. On l'écoute.
Du coup, on regarde dans son iTunes pour voir quelles chansons on a avec mama - et non pas mother. Voilà ce qui sort:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire